Avec l’émergence des AIMS (Agentic Infrastructure Management Systems) et du SMCI (Security Management and Continuous Intelligence), l’informatique d’entreprise change de nature. Elle n’est plus un assemblage figé de briques techniques, mais un système vivant, gouverné en continu par des agents intelligents. Cette transformation bouleverse la pile, son agencement et les responsabilités associées.
Les infrastructures d’entreprise ont longtemps été pensées comme des empilements hiérarchiques : matériel, systèmes d’exploitation, middleware, applications, sécurité. Mais les annonces récentes indiquent une bascule vers une orchestration agentique. Salesforce a dévoilé MuleSoft Agent Fabric, présenté comme un tissu de gouvernance permettant de découvrir, orchestrer et contrôler tout agent IA, indépendamment de sa plateforme d’origine. Microsoft a ouvert Copilot à Claude 4, rendant explicite la modularité de l’orchestration. Ces signaux convergent : la pile devient fluide et gouvernée par des agents capables d’arbitrer dynamiquement entre performance, coûts et conformité. L’AIMS formalise cette logique en donnant aux agents un rôle central dans la gestion de l’infrastructure.
La sécurité continue comme colonne vertébrale
La cybersécurité illustre avec clarté ce déplacement. Trend Micro, avec sa plateforme Vision One enrichie du moteur agentique Cybertron, défend une vision SMCI où l’exposition au risque se pilote comme un actif métier. Elle s’inscrit dans cette lignée de propositions, non seulement technologiques mais aussi méthodologiques, que l’approche CTEM (Continuous Threat Exposure Management) popularisée par Gartner. La sécurité cesse d’être une couche isolée ou un contrôle en aval. Elle devient un fil conducteur traversant la pile, injectée dans les flux applicatifs, les identités et les données. Dans cette perspective, l’IT n’est plus protégée à la périphérie, mais gérée en continu depuis son cœur. Le SMCI installe la sécurité comme une colonne vertébrale intégrée, qui aligne protection et gouvernance en temps réel.
Si les solutions des fournisseurs traduisent l’accélération de l’agentification, elles ne suffisent pas à elles seules à transformer l’informatique d’entreprise. Pour s’imposer, ces logiques ont besoin d’un environnement de règles et de normes capable d’encadrer leur déploiement. C’est dans ce contexte que DeepMind a actualisé en septembre 2025 son Frontier Safety Framework, introduisant la notion de seuils critiques de capacité et renforçant les mécanismes de surveillance des modèles avancés.
Cette formalisation illustre une évolution plus large : les standards de gouvernance deviennent dynamiques et s’appuient eux-mêmes sur des agents intelligents pour contrôler et documenter l’alignement. La pile IT n’est plus simplement administrée, elle est cadrée par des instruments qui associent règles, métriques et automatisation. L’émergence de ces frameworks crée un effet structurant, en obligeant chaque entreprise déployant des agents IA à se positionner vis-à-vis de normes qui s’outillent elles-mêmes.
La donnée et l’usage comme déclencheurs de transformation
Les études récentes soulignent combien l’adoption de l’IA accélère cette trajectoire. Le rapport du World Economic Forum « Global Lighthouse Network 2025 » montre que les sites industriels leaders ont intégré des infrastructures intelligentes et composables, permettant d’ajuster leurs chaînes de valeur en temps réel./p>
Capgemini, avec « The On-Demand Tech Paradox », met en évidence l’explosion des coûts liés aux technologies à la demande et l’urgence d’une gouvernance agentique pour maintenir la soutenabilité. Ces retours convergent : sans AIMS et sans SMCI, l’industrialisation des usages IA engendre fragmentation, doublons et chaos organisationnel. Les agents deviennent alors non seulement des opérateurs, mais des arbitres de cohérence entre données, métiers et infrastructures.
Vers une informatique vivante, gouvernée en continu
L’introduction des AIMS et du SMCI révèle une mutation structurelle : l’informatique d’entreprise n’est plus configurée une fois pour toutes, mais reconfigurée en permanence. Les agents arbitrent quotidiennement quels modèles mobiliser, où déployer les calculs, comment gérer l’exposition au risque, quelles données partager et sous quelles contraintes réglementaires.
Pour les directions informatiques, ce changement redistribue les rôles : la DSI se transforme en garant d’un système auto-adaptatif, piloté par métriques et agents. Pour les métiers, les bénéfices sont tangibles : productivité renforcée, maîtrise des coûts, conformité intégrée et sécurité continue. L’IT prend ainsi ses « nouveaux habits » : ceux d’un organisme vivant, gouverné de manière dynamique au service des usages.