À mesure que l’IA transforme les entreprises, un nouveau rôle stratégique émerge : le Chief AI Officer (CAIO). Chargé d’orchestrer la stratégie et les projets IA, ce profil s’impose comme un catalyseur incontournable. Et les chiffres parlent d’eux-mêmes :  un rapport d’IBM révèle que 23 % des entreprises françaises ont déjà un CAIO en poste, contre 26 % au niveau global et 98 % des cadres informatiques estiment qu’un CAIO accélère l’adoption de l’IA générative en entreprise, selon une étude d’Iron Mountain. 

Dans un contexte où les conseils d’administration s'interrogent, où les employés expérimentent et où les concurrents vont de l'avant, la pression pour "faire quelque chose avec l'IA" est omniprésente. Pour de nombreuses organisations, la création d’un tel poste au sein du comité exécutif envoie un signal fort. Alors, le CAIO incarne-t-il une vraie stratégie ou une réponse précipitée ? Et surtout, comment faire de ce rôle un levier de transformation ?

À qui revient l'IA ? Clarifier les rôles entre CAIO et CDO

Dans de nombreuses organisations, le CAIO doit généralement composer avec un Chief Data Officer (CDO) déjà en poste. Dans d’autres, les missions liées à l’IA sont parfois absorbées par le CDO, sans soutien ni clarté supplémentaire, et surtout, cela ne résout pas le problème sous-jacent : qui est réellement responsable de la réussite de l'IA ? 

Ces situations, en apparence fonctionnelles, engendrent souvent chevauchements, ce qui entraîne alors des tensions autour des ressources et un manque de coordination, susceptibles de ralentir la progression des initiatives communes.  En vérité, le CAIO complète le rôle du CDO, car son rôle principal est d’assurer la gouvernance, la qualité et la conformité des données. Mais cela ne fonctionne que si les responsabilités sont clairement définies. Les initiatives d'IA ont beaucoup plus de chances de réussir lorsqu'il y a une appropriation claire du cycle de vie des données - de l'ingestion et de la gouvernance jusqu'à l'analyse et au déploiement. 

L’ambition de l’IA face à la réalité des données

L’ambition des dirigeants et des conseils d’administrations en matière d’IA se heurte souvent à une réalité bien plus complexe : des données fragmentées, parfois obsolètes, et des infrastructures peu adaptées. À cela s’ajoutent la croissance incessante des données, les exigences réglementaires de plus en plus complexes et des environnements hybrides. 

De nombreuses organisations sous-estiment l'importance des données. L'IA exige une visibilité totale sur l'emplacement des données, leur circulation, l’accès à l’ensemble de celles-ci et la possibilité de les gérer facilement, où qu'elles se trouvent. La confiance dans les résultats de l’IA dépend entièrement de celle accordée aux données alimentant les modèles.

C'est pourquoi les plateformes de gestion unifiée des données sont si essentielles. Sans une approche cohérente de la gestion du cycle de vie des données, les modèles d'IA ne sont pas construits sur des bases suffisamment solides. Ce fossé entre vision et réalité démontre toute l’importance d’un CAIO, dont la mission est de traduire un potentiel technique complexe en solutions pratiques.  

Le CAIO, un leader avant d’être un technologue

Une autre idée reçue concernant le rôle du CAIO est qu'il faut une formation technique avancée, comme un doctorat en Machine Learning pour obtenir ce poste. En réalité, ils sont nombreux à venir du monde de l'entreprise, car, il est avant tout attendu d’eux qu’ils alignent la stratégie d'IA sur les résultats de l'entreprise et, tout aussi important, communiquent cette stratégie au conseil d'administration. 

Bien entendu, les connaissances techniques sont indispensables. Mais ceux qui réussiront sont ceux qui sauront faire lien entre les équipes de data science et l'ensemble de l'organisation, en veillant à ce que les initiatives d'IA résolvent les problèmes réels de l'entreprise. Ils savent poser les bonnes questions, interpréter ce qui est possible et diriger des équipes interfonctionnelles pour obtenir des résultats. 

Les entreprises sont-elles prêtes à recruter un CAIO ?

Il ne fait aucun doute que les CAIO peuvent apporter une valeur ajoutée considérable à l’entreprise, à condition qu’un ensemble de prérequis soit établi. C'est pourquoi les organisations doivent se poser une série de questions avant de se précipiter pour embaucher : disposons-nous d’une visibilité totale sur le cycle de vie des données ? Appliquons-nous la gouvernance et la sécurité de manière cohérente, quel que soit l'endroit où se trouvent nos données ? Notre architecture est-elle suffisamment souple pour déployer l'IA à grande échelle ? Et surtout, sommes-nous prêts, sur le plan culturel et opérationnel, à intégrer l'IA d'une manière qui soit réellement porteuse de valeur ? 

En fin de compte, ce n'est pas la nomination d’un CAIO qui déterminera le succès d'une entreprise en matière d'IA, mais la confiance qu'elle accorde à ses données, où qu’elles se trouvent.

Par Francisco Mateo-Sidron, SVP et Head of EMEA chez Cloudera