Pris entre fascination et répulsion sur l’IA, les responsables doivent prendre des décisions structurantes sur les investissements et la gestion de l’entreprise. L’étude très fouillée de la Heart Leadership University (HLU) en partenariat avec le Centre des Jeunes Dirigeants (CJD) éclaire utilement des enjeux complexes.

A lire attentivement, ce rapport exploratoire très détaillé sur l’IA repose sur l’examen de ressources universitaires et des « focus groups » (études qualitatives sur un produit ou un service) de dirigeants d'entreprises de tailles et secteurs très divers. L’étude cible le recours à l’Intelligence artificielle vue sous l’angle de la décision du dirigeant. « L'IA n'est ni intelligente, ni artificielle. Au contraire, l'intelligence artificielle est à la fois incarnée et matérielle, faite de ressources naturelles, de carburant, de main- d'œuvre humaine, d'infrastructures, de logistique.» pointe en préambule Kate Crawford, chercheuse chez Microsoft.

Une étude de Green IT de 2019 évaluait déjà la consommation d’énergie primaire de l’industrie du numérique à 4,2 % de la consommation mondiale, un chiffre en nette augmentation, notamment en raison des usages de l’IA. Côté ressources humaines, de très nombreux travailleurs à très faible coût au Kenya, Ouganda, Vénézuela, Philippines, Inde, Colombie, sont indispensables pour annoter, filtrer les contenus indésirables, enrichir ou structurer d’énormes bases de données.

Des milliards de paramètres et un appétit dévorant de données

C’est un fait, l’IA et singulièrement l’IA générative, se nourrissent de quantités colossales d’informations. Il s’agit des données internes aux organisations qui peuvent être extraites à leur insu, mais aussi issues de la collecte sur le web, les réseaux sociaux, les capteurs des objets connectés. Des données souvent récupérées en enfreignant la législation sur la propriété intellectuelle, le droit d’auteur ou la protection des données personnelles.

Entre opportunités et risques

Pour autant, la transition écologique et climatique, portée en autres par les entreprises, ne se fera pas sans l’IA. Une étude réalisée en février 2024 auprès de 100 dirigeants de grands groupes dans le monde par le cabinet de conseil en stratégie AT Kearney et par le cabinet de recrutement de dirigeants Egon Zehnder, 85 % des leaders de grandes entreprises voient dans l’IA une opportunité à saisir plutôt qu’un risque.

De fait, aucun métier d’une organisation n'échappe aujourd'hui à l'intelligence artificielle, de la logistique au marketing, en passant par les opérations, jusqu'à la responsabilité sociale et environnementale (RSE). Un dirigeant de grand compte cité dans l’étude décrit les bénéfices dans la gestion des stocks et la réduction des asymétries d'informations entre les différentes fonctions de l'entreprise mais signale l’inadaptation des modèles d’IA face aux crises (Covid, hausse des matières premières et de l’énergie, etc.).

IA et ressources humaines : une association à gros risques

Un sondage OpinionWay montre qu’à peine 6 % des répondants appartenant au métier des RH pourraient concevoir de confier à une lA la sélection finale des candidats et pour 8 % du panel, la négociation avec ceux retenus pour les postes à pourvoir. Il faut correctement déterminer les fonctions RH qui peuvent être attribuées sans risques à l’IA. Bien noter que le Règlement européen, l’AI ACT, classe l’IA appliquée au RH, notamment pour la sélection des individus, la prise de décision concernant leur promotion ou leur licenciement, dans la catégorie aux risques les plus élevés.

Une étude LaborIA insistait sur le fait que le déploiement des systèmes d'lA soulève des tensions entre « la logique gestionnaire des concepteurs ou des décideurs, et la logique du travail réel des salariés ». D’autre part, l’automatisation des fonctions par l’IA interroge sur son impact sur la pensée critique qui est déjà le parent pauvre des compétences recherchées dans les organisations de travail.