L’interview de Geoffrey Hinton, professeur émérite à l’Université de Toronto et figure scientifique majeure de l’IA moderne, a relancé le débat sur l’impact des systèmes d’IA sur l’emploi. Hinton affirme que la progression rapide des modèles génératifs pourrait rendre obsolètes de nombreux emplois. Les travaux économiques et académiques apportent cependant un éclairage plus nuancé, avec des données chiffrées qui distinguent les risques de suppression de postes, les transformations du contenu des métiers et la création de nouvelles activités.

Les déclarations récentes de Geoffrey Hinton professeur émérite à l’Université de Toronto et figure scientifique majeure de l’intelligence artificielle ont ravivé les interrogations sur la transformation du marché du travail par l’IA. Alors que Hinton estime que les systèmes d’IA progressent vers la capacité à remplacer des tâches cognitives complexes la littérature économique et académique offre un panorama chiffré et contextualisé qui nuance l’ampleur et la temporalité de ces effets.

Lors de son interview sur CNN, Hinton a indiqué que certains modèles d’IA générative étaient capables de gérer des projets logiciels complets. Il a précisé que si la tendance se poursuivait un nombre significatif d’emplois cognitifs pourrait être affecté dans les prochaines années. Cette déclaration s’inscrit dans un débat économique analysé par des institutions internationales et des équipes de recherche qui mesurent l’impact concret des technologies sur le travail humain.

Exposition des emplois à l’automatisation

Une étude de l’Organisation de coopération et de développement économiques mesure l’exposition des emplois à l’automatisation. Cette analyse s’appuie sur des données de tâches détaillées et estime que 27 pour cent des emplois en France présentent un potentiel élevé d’automatisation par l’IA d’ici à 2030. Ce pourcentage représente plus de 4 millions de postes selon les chiffres publiés par l’OCDE en 2024. L’organisation précise que l’exposition ne signifie pas automatiquement disparition mais plutôt transformation du contenu des activités.

Au plan international une recherche publiée par le Forum économique mondial en 2025 analyse les intentions d’embauche des employeurs mondiaux. Cette étude basée sur un sondage auprès de plus de 900 entreprises indique que 40 pour cent des employeurs envisagent de réduire leurs effectifs lorsque des tâches deviennent automatisables par l’IA. Parallèlement le rapport projette que 11 millions de nouveaux emplois pourraient être créés dans des domaines liés à l’intelligence artificielle contre 9 millions de suppressions dues à l’automatisation sur la période récente.

Dans le détail des secteurs l’Institut international du travail analyse les effets par catégorie d’activité. Les métiers liés à la production manufacturière et aux transports présentent un taux d’exposition élevé aux technologies d’automatisation structurelle. Les services professionnels et scientifiques montrent une exposition plus mixte avec une forte composante de transformation des tâches plutôt que de simple remplacement.

Transformation des compétences et contenu des métiers

Des équipes de recherche universitaire s’intéressent aux transformations des tâches plutôt qu’à la disparition des emplois. Une étude publiée en 2023 par l’Institute for the Future of Work croise des données de qualification et des descriptions de tâches professionnelles. Les auteurs montrent que l’IA accroît la demande pour des compétences en analyse de données en temps réel la gestion de systèmes humains et machines et la supervision de processus automatisés. Dans ce cadre les tâches routinières et répétitives sont les plus susceptibles d’être automatisées tandis que des compétences plus élevées et créatives voient leur demande augmenter.

Les données de l’OCDE confirment cette polarisation. Les travailleurs mobilisant des compétences non routinières présentent une résilience relative face à l’automatisation. A l’inverse les emplois composés majoritairement de tâches standardisées affichent un risque plus élevé d’être profondément transformés. Ces analyses montrent que l’effet principal de l’IA est souvent une mutation du contenu des emplois plutôt qu’une suppression pure et simple de postes.

En France des données issues d’une étude de l’Association pour l’emploi des cadres montrent que seulement 24 pour cent des cadres ont bénéficié d’une formation formelle à l’usage des technologies d’IA tandis que 72 pour cent expriment un besoin de formation accru. Cette divergence met en évidence un défi de montée en compétences des salariés face à l’adoption croissante des systèmes intelligents.

Création d’opportunités et effets macroéconomiques

Plusieurs travaux macroéconomiques tentent d’évaluer l’effet net de l’IA sur l’emploi global. Une publication de chercheurs en économie du travail publiée en 2024 indique que jusqu’à 97 millions de nouveaux emplois pourraient émerger dans le monde d’ici 2030 dans les secteurs liés à l’intelligence artificielle les technologies numériques et les services de soutien. Ce chiffre s’accompagne d’une estimation de 85 millions de postes susceptibles d’être déplacés par l’automatisation. Ces projections montrent que le solde net dépend fortement des politiques de formation de reconversion et des rythmes d’adoption industrielle.

L’OCDE distingue les effets d’automatisation des effets d’augmentation. L’organisation note que dans de nombreux cas l’intelligence artificielle complète le travail humain en augmentant la productivité et en améliorant la qualité d’exécution des tâches. Ces effets d’augmentation peuvent générer des gains économiques et des opportunités d’emploi supplémentaires lorsque les entreprises adaptent leurs pratiques organisationnelles pour intégrer des compétences humaines stratégiques.

Perspective pour les décideurs économiques et sociaux

Les prises de position de Geoffrey Hinton alimentent un débat nourri par des données empiriques. Les analyses disponibles montrent que l’impact de l’IA sur le travail humain est hétérogène. Des emplois fortement routiniers sont exposés à l’automatisation tandis que d’autres sont transformés du fait de l’intégration de systèmes intelligents. La création de nouveaux emplois dans des domaines émergents est également documentée par des projections macroéconomiques.

Pour accompagner ces transitions les décideurs publics et privés disposent d’outils de politique économique. Les données montrent que des investissements soutenus dans la formation professionnelle des salariés ainsi que des politiques de reconversion ciblées peuvent réduire les risques de déséquilibres sur le marché du travail. Une gouvernance proactive de l’adoption de l’IA et des dispositifs de soutien social apparaît essentielle pour capitaliser sur les avantages de l’intelligence artificielle tout en limitant les effets négatifs pour les travailleurs les plus exposés.

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