Les investissements en intelligence artificielle se multiplient et les discours sur les gains de productivité se succèdent, mais une question reste toujours d’actualité. Où se cache le retour sur investissement. Selon Deloitte, seule une entreprise sur dix déclare aujourd’hui un ROI significatif et mesurable sur ses projets d’IA, alors même que les montants engagés explosent. Les projections autour de l’IA agentique accentuent encore ce paradoxe, entre promesses de gains supérieurs à 100 % à 5 ans et prévisions de taux d’échec qui dépassent 40 %.

Pour les directions des systèmes d’information, l’année 2025 aura illustré une forme de décalage entre l’enthousiasme affiché et les résultats comptables. Les études convergent vers le même constat. L’IA est omniprésente dans les discours et dans les pilotes, mais demeure rare dans les processus réellement transformés et mesurés. McKinsey estime que près de neuf entreprises sur dix utilisent désormais l’IA d’une manière ou d’une autre, alors qu’à peine un tiers parvient à déployer des applications à l’échelle de l’organisation.

Le paradoxe apparaît aussi dans les chiffres macroéconomiques. Le rapport AI Index 2025 de Stanford recense près de 34 milliards de dollars d’investissements privés dans la seule IA générative en 2024, avec une progression marquée d’une année sur l’autre, tandis qu’environ 78 % des organisations déclarent utiliser l’IA dans au moins une fonction. Dans le même temps, l’IBM Institute for Business Value observe que les programmes d’IA d’entreprise génèrent en moyenne un ROI global inférieur aux attentes, avec des écarts fréquents entre ambition stratégique et réalité opérationnelle.

Adoption généralisée et valeur économique concentrée

Les enquêtes de McKinsey sur l’état de l’IA en 2025 confirment une diffusion rapide des usages tout en soulignant un blocage au moment du passage à l’échelle. Près de 90 % des entreprises interrogées déclarent utiliser l’IA, mais seule une fraction affirme avoir étendu des cas d’usage au-delà du pilote, et une part encore plus réduite indique avoir développé des systèmes agentiques réellement opérationnels dans une fonction métier.

Boston Consulting Group décrit une fracture nette entre une minorité d’entreprises capables de capter effectivement de la valeur et une majorité qui accumule les projets sans bénéfices tangibles. Dans une étude réalisée en 2025, BCG estime qu’environ 5 % des organisations génèrent des bénéfices clairement mesurables grâce à l’IA, sous la forme de croissance du chiffre d’affaires, de réduction des coûts ou d’amélioration du cash-flow. Près de 60 % reconnaissent au contraire ne constater que peu ou pas de valeur. La valeur existe donc, mais elle se concentre chez des acteurs qui considèrent l’IA comme un levier de transformation organisationnelle plutôt que comme une simple expérimentation technologique.

IA agentique entre promesses et réalité économique

Sur le terrain spécifique de l’IA agentique, les chiffres dessinent un paysage contrasté. ABI Research projette des retours sur investissement très élevés dans les déploiements réussis, avec des gains cumulés importants sur 5 ans, notamment dans la maintenance, l’industrie ou l’automatisation avancée des processus. Ces bénéfices reposent en grande partie sur la réduction des charges opérationnelles et l’accélération des cycles de travail.

Ces perspectives favorables cohabitent cependant avec des signaux beaucoup plus prudents. Gartner prévoit que plus de 40 % des projets d’IA agentique risquent d’être abandonnés d’ici 2027, faute d’objectifs métier clairs, de gouvernance adaptée ou en raison d’une inflation rapide des coûts techniques et humains. Des analyses financières rappellent également que le coût moyen d’un projet d’IA en entreprise atteint plusieurs millions de dollars, alors que nombre d’organisations peinent encore à démontrer un impact concret sur leurs résultats financiers.

Pourquoi le ROI demeure difficile à matérialiser

Les études convergent vers l’idée que ce « ROI introuvable » provient principalement de contraintes structurelles. Le rapport MIT Sloan Management Review et BCG consacré à l’entreprise agentique montre que beaucoup d’organisations sous-estiment l’ampleur des transformations nécessaires pour capter réellement la valeur. Les entreprises qui réussissent sont celles qui redessinent leurs chaînes de valeur, leurs workflows et leurs modèles de décision autour de l’IA, plutôt que de superposer une couche algorithmique sur des processus inchangés.

S’ajoutent ensuite des limites de gouvernance, de compétences et de mesure. Plusieurs rapports soulignent qu’une majorité d’entreprises ne disposent pas encore d’indicateurs adaptés pour évaluer la performance réelle de systèmes autonomes. Le ROI reste donc enfermé dans des métriques techniques, alors que la valeur se construit dans la continuité opérationnelle, la réduction des frictions, la qualité des décisions et la capacité à transformer durablement l’organisation.

Ce que l’année 2026 change dans le débat sur le ROI

À l’approche de 2026, plusieurs signaux convergent et dessinent une évolution nette. La phase des promesses laisse progressivement la place à une exigence de preuves tangibles. Des analyses financières évoquent une pression croissante des investisseurs en faveur d’une logique d’impact mesurable plutôt que d’expérimentation permanente. Des études sectorielles publiées fin 2025 mettent également en lumière une progression des cas d’usage réellement productifs, avec des bénéfices documentés dans le développement logiciel, la relation client ou l’industrie.

Les enquêtes récentes montrent que la majorité des entreprises déjà utilisatrices de l’IA mesurent désormais le ROI avec davantage de rigueur, et qu’une part croissante d’entre elles déclare des retours positifs, même si ces bénéfices restent inégalement répartis. Tout indique que 2026 marquera une phase de réajustement, avec moins de projets spectaculaires, davantage de projets soumis à des preuves chiffrées et une attente renforcée de valeur économique concrète.

La quête du ROI introuvable impose une discipline nouvelle

Pour les entreprises, la quête du ROI introuvable impose une discipline nouvelle. Les travaux IBM, McKinsey et MIT Sloan insistent sur plusieurs leviers récurrents. Il devient nécessaire de sélectionner des cas d’usage à forte valeur mesurable, de repenser réellement les workflows, d’investir dans des fondations de données solides et d’associer très tôt les directions financières à la définition des indicateurs de réussite.

Les recherches sur l’entreprise agentique invitent enfin à considérer les agents d’IA comme de véritables collaborateurs numériques soumis à pilotage. Ils doivent être encadrés par des objectifs, des responsabilités, des droits d’accès et des indicateurs clairs. Parallèlement, la capacité à arrêter rapidement les projets qui ne démontrent pas de valeur deviendra un signe de maturité. À ces conditions, l’année 2026 pourrait marquer le passage d’une IA de promesse vers une IA de résultat.

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