Lors de son événement annuel Team ’25, qui s’est tenu début avril, Atlassian a affirmé avec force ses ambitions de devenir la plateforme centrale du travail collaboratif à l’échelle des entreprises. Dans un discours d’ouverture dense, Mike Cannon-Brookes, cofondateur et directeur général de l’éditeur australien, a dessiné les contours d’une transformation stratégique majeure, portée par l’unification de son offre cloud, l’intégration native de l’intelligence artificielle via Rovo, et une volonté d’adresser l’ensemble des équipes, techniques comme métiers.

« Notre mission est d’aider chaque équipe à libérer son potentiel. Cela implique de connecter tous les silos de l’organisation, pas seulement les développeurs ou les services informatiques, mais aussi les équipes marketing, RH, produit ou support », a-t-il affirmé d’emblée. Et pour y parvenir, Atlassian mise sur une approche systémique : transformer les outils de travail en un véritable « système de travail » intelligent, partagé et pilotable.

Rovo devient un véritable agent IA multimodal

Le socle de cette ambition s’appelle désormais le Teamwork Graph. Il s’agit d’une base de données relationnelle intelligente, construite à partir des interactions quotidiennes des utilisateurs avec les applications Atlassian et tierces : documents, réunions, messages, objectifs, tickets, décisions... « Contrairement aux graphes de connaissances classiques, notre Teamwork Graph ne se contente pas d’agréger les données. Il en comprend la structure et les relations. Cela nous permet de proposer des expériences ultra-contextualisées à chaque utilisateur, dans tous les outils », explique le dirigeant.

Ce graphe alimente notamment Rovo, l’assistant intelligent d’Atlassian lancé en 2023, qui connaît une montée en puissance spectaculaire. Désormais proposé en standard dans Jira, Confluence et Jira Service Management, Rovo devient un véritable agent IA multimodal, capable de rechercher, résumer, générer, automatiser ou interagir avec les utilisateurs, dans un cadre de permissions sécurisé. « L’IA ne remplace pas vos équipes. Elle en devient un membre à part entière, capable d’analyser une réunion, de proposer un plan d’action, de lancer un processus ou de documenter une décision, sans intervention humaine », résume Mike Cannon-Brookes.

Élargir sa base d’utilisateurs aux métiers

Au-delà de la technologie, c’est bien une bascule de modèle qu’Atlassian cherche à opérer. Longtemps perçu comme un champion des équipes techniques et DevOps, l’éditeur veut désormais élargir sa base d’utilisateurs à toutes les fonctions de l’entreprise, et pas seulement les directions numériques. C’est le sens de la nouvelle Teamwork Collection, une offre packagée qui réunit Jira, Confluence, Loom et les agents Rovo, pensée pour répondre aux besoins croissants de transversalité et de coordination entre métiers.

L’ambition s’étend également aux niveaux les plus stratégiques, avec le lancement de la Strategy Collection, qui regroupe les applications Focus (pilotage d’OKR), Talent (planification RH) et Jira Align (gestion de portefeuille agile). Objectif : donner aux directions générales les moyens de piloter en temps réel l’alignement entre les investissements, les équipes et les objectifs de transformation. « Il ne suffit pas de définir une stratégie. Il faut la faire vivre, l’ajuster en continu, et en mesurer l’impact opérationnel. C’est ce que permet la Strategy Collection, en s’appuyant sur notre plateforme unifiée », précise le PDG d’Atlassian.

L’ensemble repose sur une infrastructure cloud que l’éditeur dit avoir « totalement réarchitecturée ». L’entreprise revendique 49 améliorations significatives de son socle en un an, la prise en charge de dizaines de milliers d’utilisateurs sur un même site, et des gains de performance allant jusqu’à 55 %. Surtout, Atlassian étend ses options de déploiement à des environnements plus réglementés avec Government Cloud (conforme FedRAMP Moderate) et Isolated Cloud, attendu en 2026.

Atlassian compte sur son cloud unifié

Avec plus de 300 000 organisations clientes, dont Air France-KLM, Domino’s, United Airlines ou Rivian, Atlassian revendique un impact mesurable. Le transporteur aérien européen aurait récupéré jusqu’à 2 500 heures de travail par jour grâce à la centralisation de ses outils. Le constructeur Rivian, de son côté, annonce une réduction de 36 % de ses coûts de collaboration annuelle. Quant à Domino’s, l’intégration complète de la plateforme Atlassian jusqu’à ses opérations en points de vente lui permet de tracer en temps réel chaque étape de la chaîne de commande jusqu’à la livraison.

À l’heure où toutes les grandes plateformes cherchent à intégrer des capacités d’IA générative dans leurs, Atlassian entend se distinguer par une approche « native et contextuelle », reposant sur la compréhension fine des activités quotidiennes des utilisateurs. « Ce n’est pas l’IA qui fait la différence, mais la manière dont elle s’intègre dans le flux de travail réel des équipes », insiste Mike Cannon-Brookes.

En faisant de son cloud unifié et de ses agents IA des leviers d’alignement stratégique, de productivité et de pilotage, Atlassian s’affirme comme un prétendant crédible au rôle de colonne vertébrale du travail collaboratif moderne. Reste à convaincre les grandes entreprises que cette promesse peut s’étendre bien au-delà des équipes techniques — et s’imposer comme une alternative viable aux suites bureautiques classiques dans un monde résolument hybride.