A quoi ressemblera l’économie basée sur l’Intelligence Artificielle et quels seront les métiers de demain ? Pour Robert Solow, Prix Nobel d’économie, il est difficile aujourd’hui de répondre à ces questions…
Il y a une chose dont les intervenants à la conférence annuelle EmTech Next du MIT sont certains concernant l’IA, et que Robert Solow, professeur au MIT et Prix Nobel d’économie confirme, « une économie fondée sur l’Intelligence Artificielle sera différente des autres ».
Différente de l’extraction du charbon, de la fabrication automobile et de la vente au détail cités en exemples par l’économiste, cela ne nous surprend pas. Par contre, sur ce que l’IA, la robotique, et plus généralement les technologies émergentes vont apporter à l’économie, Robert Solow indique simplement que c’est « difficile à dire » !
Pour comprendre le désarroi des économistes, il faut replacer l’innovation dans un contexte industriel. Au cours des décennies qui ont précédé, les innovations qui ont conduit à une croissance considérable ont reposé sur des produits physiquement fabriqués. Nous pourrions objecter de l’informatique, mais elle repose sur des semi-conducteurs qui sont bel et bien ‘fabriqués’.
La majorité des produits et services liés à l’IA ne sont pas ‘fabriqués’, ils existent uniquement dans le domaine numérique. C’est ce qui vient troubler la vision des économistes et rend si difficile leurs analyses. Une part des changements induits par l’IA appartiennent au domaine de l’inconnu !
Ce qui ressort de l’analyse de Robert Solow, c’est que l’IA n’est pas un bien physique mais un service, et que les organisations vont devoir faire face à une forte pénurie de compétences. Ce qui nous gène dans ce discours, c’est que ces compétences sont aujourd’hui également assimilées à des services, que l’entreprise consommera ces services, et qu’ils entreront dans la chaine d’approvisionnement…
Plus inquiétant, la part des revenus nationaux qui revient aux salaires devrait continuer de diminuer. Aux Etats-Unis, cette part est passée entre 1940 et aujourd’hui de 75 % à 62 %. C’est à dire que la richesse s’est concentrée sur les plus gros revenus, tandis que la masse des revenus distribués aux personnes se réduit.
Avec l’arrivée de l’IA, des analytiques, de l’automatisation, et de la prise de décision sans intervention humaine – rien que du numérique ou presque – l’écart va se creuser et l’IA devenir un ‘grand’ facteur d’inégalité. Ce qui est grave, c’est que nos économistes, aussi intelligents soient-ils (tout le monde ne reçoit pas un Prix Nobel!), se révèlent incapables de nous dire où nous allons !
Ce qui change dans leur discours, c’est que jusqu’à présent on nous affirmait que la création d’emplois dans la robotique et l’IA compenserait en partie la suppression des emplois liés à l’automatisation et la robotique. Nous éprouvions des difficultés à adhérer à cette vision. Aujourd’hui, il n’y a plus de vision, sauf celle d’un monde où l’homme serait supprimé de l’équation, tandis que la machine ‘intelligente’ n’enrichirait plus que les plus riches, et peut-êtres les plus compétents… à la condition d’être assimilés à des services !
La seule solution pour compenser les écarts (ou pour limiter la casse ?) selon Robert Solow, serait d’imaginer un supplément de salaire versé aux travailleurs. Chez certains de nos politiques cela s’appelle « un revenu universel garanti ». Notre Prix Nobel y est opposé, mais dans le même temps il s’interroge, d’où viendront les ‘suppléments’ de revenus distribués aux personnes ?
Il n’est pas certain que notre futur ne soit pas aussi rose qu’on voudrait nous le faire croire...
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