Le parlement européen a adopté à la mi-juin et à une très large majorité une position commune qui encadre très fortement les usages de l’IA. Même si les textes législatifs ne seront en application qu’en 2026, ils suscitent déjà les grandes réticences de la CCIA, le lobby pro IA qui fustige des freins pour l’innovation. En attendant, l’objectif ferme de l’Union Européenne (UE) est d'obtenir des engagements volontaires des entreprises aussi vite que possible.
L’adoption fulgurante de ChatGPT pousse l’UE à accélérer sa règlementation comme nous l’indiquions dans IT SOCIAL. Le rapporteur Brando Benifei (S&D, Italie) a déclaré à la suite du vote: “Aujourd'hui, tous les regards sont tournés vers nous. […] les grandes entreprises technologiques tirent la sonnette d'alarme au sujet de leurs propres créations » Tout en reconnaissant le potentiel positif de l'IA en termes de créativité et de productivité, le député résume ainsi l’intention de l’UE « nous nous battrons pour contrer les dangers qui pèsent sur nos démocraties et nos libertés ». Cependant, malgré sa volonté manifeste de contrer l’expansion très rapide de l’IA générative, l’UE dont la lourdeur administrative est structurelle en est encore à s’accorder sur la définition du terme «système d'intelligence artificielle ».
Jusqu’ici exclue du champ juridique, la police prédictive est explicitement visée par le texte européen. Il s’agit maintenant pour l’UE d’interdire la vente, mise en service ou utilisation de système d'intelligence artificielle permettant à l’IA d’appuyer le travail de la police. Aux Etats-Unis qui n’ont pas les réticences de notre continent, elle est en usage depuis 2010 dans les Etats de Californie, Washington, Caroline du Sud, l'Arizona, Tennessee et l'Illinois.
ChatGPT dans le collimateur
Les IA génératives comme ChatGPT font appel à des modèles de langage qui en sont les fondations. Les parlementaires européens demandent à ce que ces modèles soient déclarés à l’UE avec les détails permettant de s’assurer qu’ils sont conformes aux textes législatifs.Concernant les fournisseurs d’API qui accèdent aux modèles de langage, ils devront coopérer avec les organisations qui les utilisent pour limiter les risques et les dérapages. De plus, l'utilisation des IA génératives par les GAFAM et autres doit être transparente pour que les utilisateurs sachent qu’ils ont affaire à un système d'intelligence artificielle et non à des humains. Une mesure législative qui n’est pas inutile quand on sait que les réponses de ChatGPT simulent de manière très vraisemblable le discours des humains, ce qui peut générer des risques d’usurpation dans le domaine de la sécurité.
Le parcours législatif de ce texte sera long et doit à présent être mis en discussion avec les Etats membres représentés par le Conseil de l'UE (le Conseil des ministres de l'Union européenne).
La bataille entre les lobbies représentatifs des fournisseurs et grands utilisateurs des IA génératives promet d’être intense.