Addiction pour certains, toxicomanie pour d’autres, mais tous issus de la Silicon Valley sont unis pour dénoncer les effets néfastes de la technologie et des médias sociaux, en particulier sur les enfants.
Ça bouge du côté de la Silicon Valley, où des anciens d’Apple et de Facebook, ainsi que des employés de Google, ont créé une coalition anti-addiction à la technologie, le Center for Humane Technology.
Cette organisation a été créé par Tristan Harris, ancien éthicien de la conception chez Google. Qui a été rejoint par Roger McNamee, l’un des premiers investisseurs de Facebook ; Lynn Fox, préalablement responsable des communication d’Apple puis Google ; Dave Morin et Sandy Parakilas, anciens dirigeants de Facebook ; John Zimmer, président de Lyft ;et Justin Rosenstein, co-fondateur d’Asana, qui a également créé le bouton ‘Like’ sur Facebook.
La Valley s’interroge
Ils ne sont pas les premiers, depuis plusieurs mois un mouvement émerge, entrainé par des pionniers et des dirigeants exécutifs de médias sociaux, pour dénoncer les dangers et les effets nocifs d’une société Internet que d’aucun juge ‘pourrie’.
Souvenez-vous, en novembre dernier, Sean Parker, ex-président de Facebook, proclamait que ce dernier a été conçu pour exploiter « une vulnérabilité dans la psychologie humaine ». Et Chamath Palihapitiya, capital-risqueur et également ancien vice-président, affirmait quant à lui que les médias sociaux sont en train de « déchirer la société ». Facebook a cherché à minimiser ces commentaires…
En janvier, chez Apple, deux grands actionnaires, Jana Partners LLC et le système de retraite des Enseignants de l’État de Californie, ont lancé une lettre ouverte demandant au fabricant de réaliser une étude sur la dépendance à l’iPhone chez les enfants. Ils dénoncent « des conséquences négatives non intentionnelles » sur les jeunes utilisateurs, et un « malaise grandissant de la société », avec en arrière pensée le risque d’impact négatif sur les bénéfices du groupe (on ne se change pas comme ça...). Apple envisagerait aujourd’hui de mettre en place de nouveaux contrôles parentaux sur iOS.
N’oublions pas non l’influence massive des annonces et des robots russes sur Facebook et Twitter lors de l'élection de 2016, qui a mis en lumière la puissance incontrôlée des réseaux sociaux et des géants technologiques. Et leur incapacité à basculer en mode proactif...
Sensibilisation et lobbying
Ce qui changé avec le Center for Humane Technology, au-delà des fonds en millions de dollars apportés par ses fondateurs, c’est d’abord la force du message porté par des figures emblématiques des IT. Sur leur site, on peut lire : « Notre société est prise en otage par la technologie. Ce qui a commencé comme une course à la monétisation de notre attention érode maintenant les piliers de notre société : la santé mentale, la démocratie, les relations sociales, et nos enfants. »
Selon ses auteurs, les plateformes comme Facebook, Twitter et YouTube, directement nommés, s’appuient sur des « force tectoniques » que sont le contrôle social, la personnalisation, les prévisions et l’IA (Intelligence Artificielle), l’automatisation de milliards d’annonces, les vidéos auto-play, etc., pour nous rendre vulnérables à une sur-stimulation d’influence 24/7.
La vérité sur la tech
L’objectif premier du groupe est d’informer et de sensibiliser les plus jeunes, leurs parents et les enseignants sur les effets potentiellement nocifs de la technologie. En particulier sur la façon dont le temps passé concentré sur notre smartphone ou obsédé par les interactions virtuelles peuvent contribuer à l'anxiété, la dépression, le raccourcissement de l'attention, la privation de sommeil, et affecter le développement social sain des jeunes esprits .
Une campagne publicitaire sur les dangers de la dépendance technologique, appelée « The Truth About Tech », est calquée sur les campagnes anti-tabac, metant l’accent sur les ‘clients’ les plus vulnérables, les enfants, et qui ciblera 55.000 écoles publiques américaines.
Industriels et politiques
Les industriels ne sont pas oubliés. Ils sont invités à redessiner leurs périphériques et leurs interfaces afin de « protéger nos esprits des distractions constantes, réduire le temps d'écran, protéger notre temps relationnel, et remplacer l'App Store, considéré comme une place de marché d’applications sur les usages par une place de marché d'outils visant à nous aider à profiter de la vie et de la société. »
Quant aux politiques, le lobbying visera à faire voter en Californie un projet de loi interdisant l’utilisation des robots numériques non identifiés, et vers la commission de recherche (Démocrate) du Sénat américain à proposer un projet de loi introduisant l’impact des technologies sur la santé des enfants.
Une chose est sûre, sur la Valley l’époque où les géants des technologies bénéficiaient aveuglément du bénéfice du doute est révolue.
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