Le redémarrage de l’économie sera conditionné principalement par les risques sanitaires et l’obligation de distanciation sociale. Il paraît vraisemblable que le redémarrage s’effectuera par la remise en état de marche des secteurs essentiels en premier.
Celui ou celle qui peut dès à présent prédire comment l’économie va reprendre après la crise devrait ouvrir un cabinet de consultation et inscrire sur sa carte de visite « Prophète inspiré ». Le germe invisible qui a mis à l’arrêt l’économie mondiale rend toute prédiction impossible par la brutalité et la globalité de ses effets. Inutile d’aller chercher des modèles dans les crises précédentes, car la crise actuelle n’est à nulle autre pareille. Il faut remonter au Déluge pour trouver un exemple de rupture aussi soudaine que brutale, mais les similarités s’arrêtent là. La caractéristique principale de cette crise est qu’elle survient dans une économie mondialisée, qui repose sur la libre circulation des humains, des marchandises et des capitaux.
Ces circuits longs patiemment tissés durant des décennies constituent aujourd’hui le point de faiblesse du système. Car, face à une crise généralisée, la confiance dans un système mondialisé, où une région touchée peut s’approvisionner chez ses voisines et compter sur leur aide pour surnager, a fait long feu. Après des décennies de délocalisation, nos systèmes de production, réduits à peau de chagrin, n’ont même pas été capables de réorienter leur fabrication pour répondre à la demande de produits de protection et de tests. Le manque de masques, et le spectacle lamentable de chapardage entre États qui s’en est suivi, en est un pitoyable exemple. Au sortir de la crise, l’économie marchera sur la glace, qui, en plus d’être glissante, peut rompre à tout moment entrainant le convalescent dans une noyade certaine.
Une crise sanitaire suivie d’une crise de la demande ?
Mais le choc de cette crise est double. C’est une crise de l’offre et de la demande en même temps, car en confinant les travailleurs, le Covid-19 a aussi confiné les consommateurs. D’un point de vue économique, les crises traditionnelles peuvent être traitées grâce à des recettes bien connues et maîtrisées, comme les relances keynésiennes par l’endettement et les investissements massifs des états. Mais, face à la crise du Covid-19, même cette solution semble dès à présent, soit inefficace (et j’y reviendrai), soit impossible. Impossible, parce que les états dépensent déjà sans compter, juste pour tenir à bout de bras les entreprises et minimiser l’impact sur les salariés. L’endettement institutionnel subit une accélération sans précédent, et il paraît difficile de le pousser plus loin après la crise sans en payer le prix fort.
Et même si la relance par la dépense était possible, elle peut être inefficace si la demande, c’est-à-dire la consommation, n’est pas au rendez-vous. Les économistes peuvent bien tourner le problème dans tous les sens, personne ne sait ce qu’il adviendra de la consommation. Douillettement lové dans ces certitudes, le consommateur avait fini par se croire invincible. À présent qu’il contemple la mort dans les yeux, il n’est plus sûr de rien.
Redémarrage par étapes et par secteursLe confiné-consommateur a subi un traumatisme et un retour sur soi dont on peut voir les effets sur les modifications de ses habitudes d’achat en confinement. Les produits liés au paraître, habillement et produits de beauté par exemple, ont connu des chutes brutales. En revanche, les produits liés à la survie, alimentaires principalement, ont bondi. L’augmentation des ventes de produits liés au faire soi-même, do it yourself ou DIY, ont également connu une progression frôlant les 100 %. Plus le confinement durera plus ces habitudes prendront racine et plus l’influence sur la consommation au sortir de la crise sera grande. Lorsque le consommateur devient producteur, sa relation au marché change.
D’après les différents scénarii, il apparaît certain que le déconfinement, qui conditionne le redémarrage économique, se fera par étapes. Il apparaît alors vraisemblable que l’économie repartira par étapes aussi, en premier via les secteurs essentiels. Il faudra toutefois du temps, car la remise en état des différentes chaînes rompues, chaînes logistiques et chaînes de valeur essentiellement, prendra du temps. La relation clients-fournisseurs-producteurs devrait subir une rupture historique due à plusieurs facteurs. Le plus important d’entre eux sera certainement la faillite de nombreuses entreprises, la désorganisation des transports internationaux et le manque de trésorerie pour relancer les commandes. Contrairement à ce que prédisent certains rapports qui traitent de la reprise, il faudra d’abord vérifier les structures sous-jacentes et les remettre en état avant de pouvoir relancer les circuits d’échange sur lesquels ils reposent.