Lors d’une journée CxO organisée par Netevents à Londres, quelques experts en FinTech se sont réunis pour faire le point sur les tendances d’un marché en pleine expansion où les grandes banques traditionnelles côtoient les startups innovantes du numérique. Une Transformation Numérique d’un marché qui n’est pas sans danger ... Un condensé des constats de cette matinée.
Acteurs de la FinTech, fournisseurs de plateformes Tech, spécialistes du risque Cyber ou analystes, du CEO au CTO en passant par le Managing Director (Apstra, NetFoundry, Pure Digital, Koine, Grant Thornton et PGI), ils se sont tous exprimés sur les tendances, les technologies sous-jacentes et les opportunités de la Transformation Numérique dans le monde de la Finance et Assurances. Un monde de la finance qui évolue souvent au détriment du monde de la finance. Un tableau pas toujours idyllique des nouvelles formes de financement, de gestion, de management et de gouvernance économique et stratégique.
Evoluer ou périr
Si l’on compare les entreprises du « Fortune 500 » des années 60 et d’aujourd’hui, seuls 10% de ces marques sont parvenues à survivre. La durée de vie moyenne d’une entreprise des « sixties », estiment les participants, avoisinerait les 50 ans. Elle ne dépasse pas 16 ans de nos jours avant qu’un événement majeur soit les fasse disparaître purement et simplement, soit les « absorbe» dans une opération de croissance externe. La faute à qui ? Principalement à l’accélération très nette des changements dans les méthodes de gestion financière. La taille d’une entreprise n’est plus une garantie de pérennité.
Le Spin-Off pour aller plus vite et se protéger
Les recettes de survie : la Transformation Numérique. Mais une transformation adaptée à chaque cas d’espèce. Car il est parfois impossible de changer du tout au tout, passer de la gestion traditionnelle à l’utilisation massive de services Cloud. Certaines banques, par exemple, opèrent cette transformation en créant une « spin-off », une « néo bank » à la fois libérée des contraintes héritées, et surtout ne pouvant provoquer aucun dommage collatéral important en cas d’échec de l’expérience.
Pour le monde de la finance, la liberté d’action et les possibilités offertes en matière de prise de risques permettent de mieux répondre aux demandes des entreprises qui, elles aussi, se sont engagées dans un processus de dématérialisation de tout ou partie de leurs infrastructures dans le but d’accélérer leur qualité de service, leur réactivité envers la clientèle. Et là, ces néo-banques peuvent apporter leurs conseils et leur expérience en la matière.
Des plateformes pour de la VA en continu
En d’autres termes, les acteurs de l’IT de cet écosystème, sont passés de l’époque où ils vendaient un objet ou un service et où ils disaient au client « on se retrouve dans cinq ans » à fournir de la valeur ajoutée en mode continu avec la mise en place de plateformes conçues pour fournir un service en continu 24/7/365.
Changer : Processus, Gouvernance et IT
Là où le bât blesse, c’est que les promesses de la Fintech liées à cette transformation numérique impliquent aussi des transformations profondes de l’infrastructure. Une infrastructure que l’on ne pourra plus gérer comme on le faisait il y a une trentaine d’années. De nouvelles approches doivent être empruntées.
Mais que faut-il changer ? Et comment ? La chose est particulièrement difficile lorsque l’entreprise est organisée en silos. Il faut alors reprendre la structure entrepreneuriale dans son ensemble : processus, gouvernance, IT…Changer les mentalités et passer également par un processus de réorganisation interne qui peut être douloureux.
Et savoir le faire parfois de façon progressive, par incréments, pour que cette évolution ne représente pas de risque pour le business, ce qui aurait un effet contraire à ce qui était escompté mais qui peut également freiner les avantages qu’apporte la part Numérique de l’infrastructure ... Difficile dilemme.
Budget : augmenter la part Innovation
Ce qui pousse Daniel Garcia, analyste de ce secteur chez IDC, à rapporter les propos d’un « grand » des services Cloud, qui remarquait que 60 à 70 % du budget IT des banques était consacré à la maintenance et à l’entretien, et seulement 30 à 40% à l’innovation. Des chiffres qui semblent logiques lorsque l’on connaît le poids de l’informatique « héritée » dans le secteur banque-assurance fait remarquer un autre participant « il est généralement nécessaire que ces expérimentations novatrices soient totalement séparées de l’informatique « legacy ». C’est le seul moyen pour que cet héritage ne vienne pas freiner la constitution de ces nouvelles ères de croissance, celles précisément où l’on devrait concentrer les investissements qui prépareront le futur »
Utiliser le Cloud pour augmenter la Sécurité
Mais tout n’est pas toujours aussi évident. Certains foncent tête baissée dans le Cloud en tentant de reproduire leur infrastructure existante… et échouent. On pourrait par exemple citer Capital One, cinquième plus grand fournisseur de cartes de crédits au monde qui a conduit une politique Cloud très agressive, très volontariste… mais en « oubliant » d’adopter un modèle de sécurité partagée (en juillet dernier, Capital One avouait un vol massif de données de plus de 106 millions d’enregistrements). Ce genre de risque incite beaucoup de chefs d’entreprise à opter pour une répartition sécurisée des données et des processus, une partie dans les Cloud publics, une autre dans un Cloud privé. C’est le seul moyen pour l’heure de garder le contrôle de ses propres infrastructures, et « penser » souveraineté des données. Ce qui conduit les interlocuteurs à tomber d’accord sur un chiffre : 70% des données (la richesse, ou « assets ») doivent demeurer dans les Clouds privés, 30% peuvent être placées sur des infrastructures publiques.
A noter qu’il existe des cas extrêmes, 100% Cloud public. Mais ce sont en général des organismes bancaires ou des entreprises qui utilisent massivement la cryptographie et évite tout modèle de sécurité visant à protéger le matériel.
La CyberSécurité au board de la Finance
Autre tendance liée à cette évolution du Cloud, de la sécurité informatique et de l’analyse de risques (financiers ou logiciels), de plus en plus de personnes du monde de la cybersécurité sont appelés à siéger dans les conseils d’administration de grandes entreprises. C’est là une évolution des modes de pensées des dirigeants. Ces nouvelles stratégies (Transformation Numérique, Cloudification, prise en compte de la sécurité informatique) sont alors initiées par le sommet de la hiérarchie et s’écoulent naturellement tout au long de la pyramide des responsabilités. Ce sont les « boards » qui ont su acquérir cette sensibilité qui sont les plus capables de réaliser les transformations business les plus importantes et de s’adapter plus rapidement aux lois du marché tout en minimisant les risques d’échec.
Une Transformation Numérique vitale
Et l’un des participants de citer, comme contre-exemple l’échec Thomas Cook. Une société qui a conservé son modèle de gestion hérité, ses multitudes d’agences, et qui n’a pas su prendre ce virage numérique. Thomas Cook, un géant du monde du voyage que l’on croyait inamovible, déposait le bilan le 23 septembre de cette année.
Un poids des réglementations qui aide ou fait reculer
Mais les décisions stratégiques ne font pas tout. Le terreau sur lequel pousse l’entreprise, son pays d’attache, est une composante parfois primordiale. Ainsi le poids des règlementations et des lois en vigueurs joue tantôt en faveur de ces transformations, tantôt freine les tentatives de changement de gouvernance. La place de Londres est, par exemple, assez libre lorsqu’il s’agit de créer les « néo bank » déjà mentionnées. « Nous vous autorisons à monter ce genre de système bancaire et innover, et l’on verra bien qui gagnera ».
A Singapour, l’approche est totalement différente. Le régulateur se pose la question de savoir comment faire évoluer les banques traditionnelles vers un business numérique. C’est donc le régulateur, et non l’entreprise, qui est le moteur de cette transformation, et cela a un impact massif sur la façon dont se développent les technologies. Lorsque l’on regarde qui, dans le secteur financier, prend le plus nombre de parts de marché, on trouve souvent une société dont le siège est situé à Singapour.
Une Révolution de la monnaie aussi
Autre marqueur de changement, la nature des systèmes fiduciaires. L’argent « papier » sera-t-il un jour détrôné par les crypto-monnaies ? Certains acteurs de la Fintech y croient fermement, ainsi Revolut, cette néo-bank spécialisée dans les paiements en devises étrangères, et qui offrait un portefeuille à cryptomonnaie à chacun de ses usagers. Pour d’autres, issus du milieu bancaire traditionnel, les Bitcoins et assimilés sont encore cantonnés sur le créneau des valeurs spéculatives ou de placement (à l’image de l’or) et sont totalement inadaptés au marché de la vente au détail en raison des fluctuations importantes des cours. D’autres encore sont plus catégoriques : « La FCA, Financial Conduct Authority (Britannique), l’interdira dans moins de deux ans », selon un des intervenants.