L’Intelligence Artificielle et sa déclinaison dans le Machine Learning ont fait l’objet de nombreux développements récents, et d’une forte médiatisation qui les a placés au centre de l’actualité IT. Qu’en est-il exactement ? Et quelle sera la place de l’homme ?

L’Intelligence Artificielle (IA) et le Machine Learning (ML) sont aujourd’hui l’objet d’un fort engouement des organisations et de gros investissements. Pour autant, entre le discours des acteurs du marché, les acquisitions des GAFA, et le buzz généré par les médias, il est difficile de s’y retrouver.

Le Club de la presse IT B2B a réuni 5 de ces acteurs de premier plan – Teradata, Oracle, Capgemini, Unit4, et Accenture – autour d’un témoin prestigieux, Bertrand Braunschweig, directeur du centre INRIA de Saclay, pour évoquer ce sujet. Nous en avons tiré 5 vérités.

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Source INRIA

Vérité 1 : L’Intelligence Artificielle n’est pas aussi simple qu’on veut nous le faire croire

L’IA est un domaine extrêmement large dont on a du mal à mesurer la superficie. Pour preuve, la difficulté à en proposer une définition. Bertrand Braunschweig, dans un ouvrage récent publié par l’INRIA, n’a pas souhaité s’y risquer. Tout juste évoque-t-il « faire faire à la machine des comportements humains », ou encore se risque-t-il à une définition « par des composants et les grands domaines d’attaque ».

Chez Cap, on préfère évoquer quatre axes, « percevoir, comprendre, agir, apprendre », avant de les résumer en « je réfléchis et j’apprends ». Tandis qu’Accenture lui préfère « simplifier les interaction entre les machine et les personnes, les machines et les machines, les machines et l’environnement ».

Vérité 2 : IA et ML ne sont pas choses nouvelles

Si la médiatisation, accompagnée de projets originaux qui font beaucoup parler d’eux comme la voiture autonome, place IA et ML sur le devant de la scène, ces pratiques prennent source durant les années 1950. Ce qui a principalement changé depuis, ce sont les puissances de calcul de l’informatique et le volume des données accessibles sur lesquelles vont porter les traitements.

L’autre changement porte sur les méthodes. Que l’on peut classer en deux ensembles : les modèles faits à la main et l’apprentissage machine (ML). Si les premières reposent sur l’expertise humaine, les secondes profitent des volumes et de la puissance, mais affichent une zone d'ombre.

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Source INRIA

Vérité 3 : le ML ne va pas prendre la place de l’IA

L’apprentissage machine profite d’une très forte médiatisation qui pourrait laisser croire qu’il devient le principal de l’IA. Il n’en est rien, et si dans tous les projets il s’agit de modéliser un aspect du monde réel ou du comportement humain, 95% des utilisations de l’IA reposent sur un modèle linéaire, qui répond au besoin de comprendre ce qui se passe. La part du ML reste donc limitée.

Un exemple cité par Capgemini : pour accompagner la détection des fraudes à nos frontières, les Douanes françaises ont envisagé dans un premier temps le Deep Learning, un ML avec des couches d’apprentissage qui s'enchainent et s'affinent. Mais à l’usage les résultats n’ont pas été probants, et les Douanes sont revenues sur un projet plus classique avec ses algorithmes. L’objectif à atteindre, détecter la fraude pour récupérer la TVA et limiter les trafiques, est parti du métier pour accélérer et viabiliser la prise de décision, et se concentrer sur le partage du savoir-faire sur un moteur de ML.

Vérité 4 : le machine learning est une boite noire où l’on ignore ce qui s’y passe

Les modèles d’IA faits à la main font appel à des experts, sont explicables, permettent de tracer le raisonnement, de revenir en arrière, et accessoirement sont très coûteux. Ils représentent, nous l’avons vu, 95% des projets d’IA. Par contre, comme le souligne Bertrand Braunschweig, l’apprentissage machine (ML) se veut beaucoup plus efficace, mais « il repose sur des boites noires, avec l’incapacité de comprendre les modèles » ! Se posent donc des questions importantes, tant sur l’IA que sur le ML : où sont les compétences (« il n’y a pas assez de gens formés en France »), comment sont traitées les erreurs, qui contrôle la validation et la correction ?

Exemple flagrant du manque de maitrise des équipes sur les projets d’IA, comment les tester ? Surtout dans le ML et sa zone d’ombre ? Chez Oracle, on préconise de coupler le moteur de ML et le moteur de règle. Plus pragmatique, Cap construit 2 échantillons, dont un ne changera pas, afin d’établir des comparaisons en fin de projet. Autant le dire tout de suite, on tâtonne... Deux règles émergent, cependant : c’est au métier de donner les grandes règles, et le moteur apprend en se trompant !

Vérité 5 : il n’y a pas d’éthique dans l’IA

Si les grands acteurs américains se sont réunis pour travailler sur le sujet de l'éthique de l'IA, on ne voit pas pour le moment où en sont leurs travaux, et surtout ils donnent l’impression de s’être réunis pour se protéger. Quelques personnalités, comme Bill Gates, ont pourtant lancé des alertes, et s'inquiètent de voir l'avenir de l'homme confié aux seules machines et algorithmes... Il n’y a pas non plus, pour le moment, d’organisation qui réglemente l’IA et les projets. Il faudra bien, pourtant, envisager de mesurer et de réglementer l’impact de l’IA sur les organisations et sur leur façon de fonctionner…

Mais derrière ces questionnements se pose finalement la seule vraie question : quel sera place de l’homme ? En réponse, le discours est bien rodé, « le challenge est de transformer les hommes pour accompagner la révolution ». Pour le moment, les expériences menées en France tendent à démontrer que moins on enlève d’hommes et plus on obtient de résultats ! L’objectif demeure « d’automatiser les tâches à faible valeur ajoutée pour libérer du temps ». Certes, mais pour combien de temps encore ?

Ce qui ressort aujourd'hui, c'est que dans une partie des projets d'IA, en particulier de ML, on ne sait pas ce qui se passe dans la 'boite noire', et on ignore finalement où l'on va aller... L'IA est donc un domaine d'une grande richesse, mais doit-on en attendre le pire ?

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