Lors de la publication d'un manifeste franco-allemand pour une politique industrielle européenne, à Berlin en février 2019, est née l'idée d'un travail commun sur le partage de données, le « data sharing ». Avec le projet GAIA-X, l'Allemagne et la France poursuivent l'objectif de construire une infrastructure de données fiable et sécurisée pour l'Europe. Mais n’est-ce pas déjà trop tard ?

« Rien ne sert de courir ; il faut partir à point. Les Européens », avertissait Jean de La Fontaine dans Le lièvre et la tortue. Mais la tortue européenne arrivera-t-elle à rattraper les GAFAM ?

Trois analystes du cabinet Forrester tirent la sonnette d’alarme. Ils rappellent que pour l’instant « les tentatives des groupes européens pour s'attaquer à ce problème ont eu peu d'impact sur la part de marché dominante des fournisseurs de cloud public non européens, puisque seulement 12 % des entreprises européennes ont choisi un fournisseur de cloud public basé en Europe ».

Bien que GAIA-X prétende être différent, il reste des obstacles à surmonter pour éviter le sort des tentatives précédentes qui ont échoué. Les principaux pièges à éviter sont les suivants selon Forrester :

Devenir un autre fournisseur d'infrastructure « souverain européen »

Les Européens ont déjà l'embarras du choix, avec un large éventail de providers de cloud public et d'options de cloud privé. Créer un clone d'Amazon Web Services (AWS), d'Azure ou de Google Cloud Platform (GCP) qui ne fait rien d'autre que coller un badge « Made in Europe » sur un nouveau fournisseur d'infrastructure souverain n'aide personne.

GAIA-X doit répondre de façon explicite et convaincante aux véritables préoccupations concernant la souveraineté des données, la transparence et un usage plus large des standards ouverts.

Retarder la diffusion de véritables services de production à valeur ajoutée

Les services dans le cloud sont un marché en pleine évolution pour les providers non européens. Les hyperscalers mettent constamment à disposition de nouvelles capacités dans leurs plateformes pour répondre à l'évolution rapide des demandes des clients.

Jusqu'à présent, GAIA-X n'a pas de services actifs sur le marché. Ce ne sera le cas qu'au premier, voire au deuxième trimestre 2021. Respecter cette roadmap est indispensable, insiste Frorrester. Et les trois analystes d’ajouter que les services devront « fonctionner sans gros dysfonctionnements ou bugs de déploiement, sous peine de perdre sa crédibilité ou ses opportunités de marché ».

En outre, à mesure que les services seront mis en service, il est important que GAIA-X gagne des parts de marché avec pour seuls arguments les performances et les couts de son offre.

La véritable opportunité pour GAIA-X est de définir des services de cloud public qui améliorent la transparence sur la souveraineté des données et la localisation des données.