En marge de l’édition 2018 d’Oracle OpenWorld, le CEO Mark Hurd a expliqué comment le géant des logiciels compte passer de 11 à 20 milliards de chiffre d’affaires (CA Oracle : 38 milliards de $ toutes activités confondues).
Larry Ellison, le fondateur d’Oracle et aujourd’hui CTO, est encore très présent, ce qui parfois laisse peu d’espace à ses dirigeants pour s’exprimer ! Cependant, profitant de ses prérogatives de CEO d’Oracle, c’est devant un parterre d’analystes, et en commentant les résultats du groupe, que Mark Hurd a exprimé sa vision de l’évolution de son chiffre d’affaires.
Et il se montre ambitieux en faisant le pari de passer de 11 milliards de dollars au cours de l’exercice 2018, pour cibler une ‘opportunité’ de dépasser les 20 milliards de dollars. Une ambition qui a permis de limiter les attaques sur les objectifs trimestriels ratés sur les activités cloud, et le départ jugé suspect du vétéran Thomas Kurian, responsable du cloud Oracle, et de sources internes en désaccord avec la stratégie du ‘boss’ Ellison.
Kurian souhaitait en particulier multiplier les clouds, ou plus précisément permettre aux applications Oracle de s’exécuter sur des clouds concurrents, en particulier Amazon AWS et Microsoft Azure. Mais comme Bill Gates et Steve Ballmer en leur temps à la tête de Microsoft, ceux de la génération Ellison justement, le CTO qui continue de tirer les ficelles préfère se montrer protectionniste. Ce qui se traduit par un retard considérable sur la technologie et les fonctionnalités du cloud Oracle face à ses concurrents, et cela malgré l’annonce d’Oracle Gen 2 Cloud.
Mark Hurd a donc expliqué comment Oracle va quasi doubler son chiffre d’affaires… En doublant le marché de ses applications, composé selon lui des ventes de licences (en décroissance), du SaaS et du support. Soit une croissance organique qui repose sur la migration sur le cloud du très entendu catalogue d’applications de l’éditeur - ERP, CRM, RH, Marketing, etc. - vers un modèle SaaS d’applications cloud.
Oracle veut inviter ses clients à abandonner le modèle des licences sur site au profit du cloud. Le modèle locatif appliqué à l’ensemble de la base des clients du groupe permettrait d’une part de limiter la perte de clients au profit de concurrents comme Salesforce ; et d’autre part d’augmenter mécaniquement les revenus des applications pour dépasser les 20 milliards de dollars.
"Si nous ne faisons que déplacer notre base d'utilisateurs historique d'applications, nous doublerons le chiffre d'affaires généré par nos applications", a déclaré Mark Hurd.
Comme dans le même temps, la croissance actuelle du SaaS Oracle correspondrait (difficile à vérifier...) pour moitié aux clients existants et pour l’autre moitié à des nouveaux clients, les 27% de part du chiffre d’affaires d’Oracle occupée par les logiciels - en progression de 11% au cours de l’exercice, emportée par les ERP dont les ventes dans le cloud ont progressé de 30% au cours du trimestre ! - devraient continuer de progresser dans les années à venir. De quoi compenser la chute d’autres activités, comme le matériel, en recul annuel de 4%, et pourquoi pas donner un coup de pouce à certaines activités en décroissance....
"Vous n'avez pas besoin de serveurs, vous n'avez pas besoin de datacenter, vous n'avez besoin de rien pour prendre en charge les applications. Il existe donc un autre avantage stratégique pour Oracle, qui est leader dans le secteur des applications, dans la mesure où il intègre presque tout ce que nos clients font en informatique à la suite des applications qu'ils ont."
Si le marché financier, qui critique Oracle sur sa croissance que les observateurs jugent insuffisamment rapide, a moyennement apprécié le discours de Mark Hurd, on se dit qu’heureusement il s’est tenu en dehors d’Oracle OpenWorld. Car déjà échaudés par les pratiques commerciales, de tarifs, de mise à jour, et d’audit de l’éditeur, pour ne citer que celles-là, il est peu probable que les clients apprécient permettre au groupe de presque doubler ses revenus en basculant leurs applications sur le cloud, comme Oracle les incite à faire ! Quant à l’argument du cloud moins cher, il va bien falloir réviser les discours...
Image : Bloomberg