En Europe, de plus en plus de gouvernements donnent leur feu vert au déploiement des véhicules autonomes sur les routes, le Royaume-Uni et l’Allemagne étant les derniers à avoir promulgué une loi autorisant les voitures ayant un certain degré d’autonomie à circuler sur les routes publiques. Mais dans bien des cas, il faudra attendre encore plusieurs années avant que le rêve de véhicules autonomes de niveau 4 ou 5 facilement accessibles ne devienne une réalité pour l’Européen moyen. Pourquoi la promesse d’autonomie semble-t-elle toujours hors de portée ?

L’un des principaux obstacles potentiels ? Les données. Chaque véhicule autonome intègre des dizaines de capteurs et de caméras qui l’aident à fonctionner correctement, et chacun d’eux produit une grande quantité de données. Il y a peu de temps encore, la technologie dont nous disposions pour gérer toutes ces données n’était pas à la hauteur.

Ce problème reste entier avec les véhicules autonomes de recherche, les voitures utilisées pour développer et tester les technologies qui finiront par se retrouver dans les véhicules grand public. Les véhicules autonomes de recherche sont équipés de dizaines de capteurs ; tous ces capteurs produisent de grandes quantités de données dans différents formats qui doivent être enregistrées, traitées et transférées sur un réseau là où elles doivent être analysées pour améliorer le système d’exploitation global des véhicules autonomes. Selon le rapport Mass Data on the Go, un véhicule autonome de recherche produit 150 To de données par jour, et leur transfert prendrait plusieurs jours même avec une connexion d’entreprise. C’est l’équivalent de 38 400 films HD de deux heures ou de 30 millions de chansons.

Ces vitesses semblent être davantage celles des connexions Internet des années 1990, mais c’est ce à quoi le secteur doit faire face aujourd’hui, et c’est un véritable obstacle au progrès. Toutefois, il existe de nouvelles technologies qui promettent de faciliter le transfert de données d’un point A vers un point B, ce qui dynamise le développement des véhicules autonomes en Europe.

L’état du développement des véhicules autonomes en Europe

Il est juste de dire que l’arrivée des véhicules autonomes n’a pas été aussi rapide que les géants de la technologie le prédisaient il y a quelques années, mais il existe quand même des signes prometteurs de progrès et d’innovation dans le secteur. Selon une étude récente publiée dans Infrastructures, revue scientifique sur la conception, la planification et la mobilité urbaines et rurales, la moitié des véhicules vendus en 2050 pourraient être des véhicules autonomes et 40 % des déplacements pourraient être effectués avec ce type de véhicules.

Jaguar Land Rover est une grande entreprise établie de longue date qui fait des vagues au Royaume-Uni et en Irlande, investit considérablement dans la recherche et le développement des véhicules autonomes et aide Future Mobility Campus Ireland (FMCI) qui servira de banc d’essai pour stimuler l’innovation dans le domaine des transports pour la région.

En France, un décret publié le 1er juillet 2021 officialise un cadre réglementaire complet pour la circulation des véhicules autonomes sur les routes de l’hexagone. Dès septembre 2022, ils seront autorisés à rouler sur des parcours ou des zones prédéfinis, un pas de plus donc vers la mobilité du futur.

Mais il y a un hic : passer de ce stade aux technologies des véhicules autonomes de niveau 4 ou 5 est une véritable avancée qui nécessitera beaucoup plus de recherche et d’innovation. Et c’est au niveau de la R&D sur les véhicules autonomes que le volume et le transport des données deviennent un véritable obstacle au progrès.

Les données freinent le développement des véhicules autonomes

Au-delà des véhicules eux-mêmes, toute une série de technologies doivent fonctionner ensemble en harmonie pour que les véhicules autonomes deviennent une réalité. Parmi celles-ci figurent des technologies IoT telles que les panneaux de signalisation intelligents, un vaste réseau de bornes de recharge, la gestion automatisée du trafic alimentée par l’intelligence artificielle et les systèmes vidéo pour la surveillance des dangers.

Toutes ces technologies nécessitent un réseau plus vaste pour fonctionner, et cela n’est possible que si les données peuvent y circuler rapidement. Les données doivent aller de ces « points de terminaison » – les voitures, les caméras vidéo et les bornes de recharge – au cœur du réseau, où elles peuvent être lues et où les informations précieuses peuvent être exploitées. Le problème est que même avec les connexions 5G les plus rapides, certains de ces points de terminaison produisent tout simplement trop de données pour qu’il soit possible de les transférer avec les débits réseau existants.

Perspectives

De nombreuses entreprises du secteur reviennent au stockage et au transport physiques des données afin de contourner le problème de bande passante réseau. Un véhicule de recherche peut enregistrer toutes les données de ses caméras et capteurs LiDAR sur un disque spécial installé dans le coffre. À la fin de la journée, le disque peut être facilement retiré puis transporté à l’endroit voulu, comme le site du serveur cloud privé de l’entreprise ou chez un fournisseur de clouds de stockage en tant que service pour la sauvegarde des données.

Cela semble paradoxal, mais il est beaucoup plus rapide de déplacer ainsi les données dans le « monde réel » hors ligne que de s’appuyer sur les réseaux existants ; de plus, cela permet d’accélérer les cycles de développement des véhicules autonomes en facilitant l’analyse des données.

Même avec cette nouvelle approche du transport et de la gestion des données, il ne sera pas facile de parvenir à l’autonomie de niveau 5. De nombreux défis doivent être relevés, tels que garantir la sécurité des données personnelles associées aux véhicules autonomes destinés aux consommateurs et s’assurer que l’infrastructure physique, comme les bornes de recharge, est en place pour permettre le déploiement des véhicules électriques à grande échelle. En Europe, il est également très important de savoir précisément où vos données sont stockées et utilisées pour la conformité avec le RGPD.

Les véhicules autonomes finiront par arriver sur nos routes et dans nos garages. Que cela se produise dans cinq ou cinquante ans dépend de nombreux facteurs, et l’infrastructure de données est un facteur critique et sous-estimé. Les données sont la pierre angulaire du développement des véhicules autonomes, et sans un moyen efficace de les stocker, de les transporter et de les analyser, il sera freiné pendant des décennies.

Par Jeff Fochtman, vice-président business & marketing chez Seagate Technology