Malgré les augures qui annoncent sa mort depuis plusieurs décennies, le 21ème siècle n'est toujours pas fatal au mainframe, qui pourrait recevoir un sacré coup de pouce de la part de la communauté Linux... pour peu que cette dernière s'interresse aux dinosaures !

Un coup de tonnerre a retenti lors des conférences LinuxCon, lorsque IBM et The Linux Foundation ont annoncé l'Open Mainframe Project (OMP). Soit une transfusion de sang de pingouin open source Linux dans les veines du dinosaure mainframe…

La bascule d'IBM vers un Linux communautaire

Posons tout d'abord le décor : la présence de Linux sur le mainframe n'est pas nouvelle, depuis le début des années 2000 IBM a injecté du Linux dans ses serveurs zSeries. En revanche, il s'agissait d'une démarche qui restait propriétaire et partenariale de la part de Big Blue, Linux mainframe provenant des distributions Red Hat et SUSE.

Aujourd'hui, avec OMP, le mainframe s'ouvre à la communauté du libre, au travers en particulier d'un forum qui se veut neutre (!). Et qui va oeuvrer à élever les logiciels et outils Linux, en particulier de développement et de collaboration, afin de tirer profit de la vitesse, la sécurité, la scalabilité et la disponibilité du mainframe.

Concrètement, la stratégie d'ouverture Linux d'IBM repose sur deux produits mainframe : le LinuxONE Emperor, construit sur la base du récent IBM z13, et qui offre la capacité d'exécuter jusqu'à 8.000 machines virtuelles ou des centaines de milliers de containers ; et pour des besoins plus réduits ou des entreprises de plus petite taille, IBM propose LinuxONE Rockhopper. Tous deux disposent d'un système de cryptage très avancé.

Une communauté d'éditeurs, cloud hybride et Big Data

Sont plus spécifiquement et dans un premier temps visées les solutions Apache Spark, Node.js, MongoDB, MariaDB, PostgreSQL, Chef et Docker, toutes open source sous Linux, qui apportent un nouveau choix aux utilisateurs qui de mainframe qui d'infrastructure Linux, ainsi que plus de flexibilité dans le déploiement de projets de cloud hybride.

- IBM a annoncé un partenariat avec Ubuntu, la distribution rejoint ainsi Red Hat et SUSE déjà disponibles sur le mainframe.

- Concernant le Big Data et le 'mobile computing', également coeurs de cible de la nouvelle stratégie d'IBM, ils bénéficient des apports de plusieurs acteurs annoncés, ADP, CA Technologies, Compuware, SUSE, ainsi que d'universités.

- IBM a ouvert LinuxONE Developer Cloud, un nuage dédié aux développeurs qui veulent développer des applications pour le mainframe.

- Quant à SUSE, principal distributeur de Linux sur le mainframe, il a annoncé le support de l'hyperviseur KVM.

Notons enfin qu'IBM a annoncé l'ouverture d'un budget de 35 millions de dollars pour soutenir la communauté de développement OMP. Avec un focus annoncé sur le développement de logiciels d'analyses prédictives sur les IT pour piloter les lourds systèmes qui accumulent les années. Et le rêve de relancer le marché du mainframe...

La stratégie IBM

Le mainframe est depuis toujours une vache à lait pour IBM - ce seul 'hardware' a représenté au dernier trimestre 10 % de son chiffre d'affaires - qui continue d'afficher une marge insolente. C'est pourquoi le géant historique de l'informatique entend continuer sur sa lancée, qui rappelons-le a débuté dans les années 60. La notion de mainframe est apparue en 1959 avec l'IBM 1401, mais le premier mainframe officiel d'IBM fut le système 360, en 1964.

Au fil du temps, le mainframe ne s'est pas réellement démocratisé. Et même si IBM lance un appel à la communauté Linux, avec en particulier des outils communautaires et cloud pour aider les développeurs, cela ne rendra pas forcément le mainframe plus accessible. Il peut répondre en revanche à des besoins qui s'amplifient, et qui nécessitent le déploiement rapide de couches d'infrastructure physique, comme le Big Data, le partage de fichiers, ou le M2M (Machine-to-Machine) caractéristique de l'Internet des Objets.

Encore faudra-t-il persuader les acteurs souvent jeunes de ces marchés d'investir dans une technologie qui affiche son âge, un demi siècle !, sa vétusté (n'en déplaise à IBM), sa performance aussi, ne l'oublions pas, face à des solutions principalement de cloud public qui son d'actualité… Et surtout, la jeune génération éprouvera une certaine difficulté à payer – cher ! - une solution même particulièrement performante, en sachant que l'essentiel des sommes versées représente une marge insolante pour Big Blue.

Le plus remarquable dans l'histoire du mainframe, ce n'est certainement pas la technologie, même si elle ne cesse d'évoluer, mais c'est bien spécifiquement la capacité d'IBM à la maintenir en vie et à continuer d'en faire sa vache à lait. Au fil des années les technologies mainframe passent et se ressemblent, mis à part la façade des z Systems !

 

Image d'entête iStock @ penboy