C'est un bras de fer stratégique qui se joue actuellement aux Etats-Unis, celui l'usage du copyright et des brevets sur le code des API, les programmes d'interopérabilité des applications.
L'information pourrait bien être plus sensible que nous l'imaginons de prime abord, même si elle ne nous concerne que peu, les pratiques de brevet sur du code n'étant pas les mêmes des deux cotés de l'Atlantique, les Etats-Unis reconnaissant que tout est théoriquement brevetable, l'Europe étant plus prudente en la matière.
Oracle et Google s'affrontent sur Java
Depuis plusieurs années, Oracle et Google s'affrontent autour du code Java exploité dans Android, le système d'exploitation mobile de Google. Oracle considère que Google viole ses droits d'auteur et ses brevets sur le langage Java, et accuse en particulier le géant du web d'avoir copié la structure et l'organisation de l'API (
Application Programming Interface) Java, indispensable pour lier des applications Android à des solutions externes.
De son coté, Google soutient que depuis le début de l'informatique l'utilisation des API, routines essentielles, est une pratique courante, libre et ouverte. Google bénéficie dans cette affaire de l'appui de 77 scientifiques, dont Vinton Cerf, le père du web, et Ken Thompson, le co-concepteur d'UNIX. Ils considèrent comme une «
hypothèse raisonnable » que, dans le cadre des pratiques de l'informatique depuis ses origines, les API et interfaces ne sont pas protégeables.
Google a également obtenu le soutient de la
Computer & Communications Industry Association, qui considère que les contraintes juridiques sur les interconnexions entre les langages représentent un préjudice concurrentiel grave.
L'administration Obama aux cotés d'Oracle
Oracle, ce n'est pas une surprise lorsque l'on connait l'entreprise, tient bon face à Google. Et peut compter sur l'appui des services de la Justice américaine. Après un premier jugement qui en 2012 avait donné raison à Google, en mai 2014, la Cour d'appel fédérale a invalidé le précédant jugement, et statué que les paquets d'API Java peuvent être protégés par un copyrigtht.
Depuis Google a porté l'affaire devant la Cour suprême. Le géant veut faire reconnaître dans les API ce qu'une section de la Loi américaine sur les droits d'auteur appelle un «
mode de fonctionnement » ou un «
système » ou un «
processus », et à ce titre ne peut faire l'objet d'un copyright. En réalité, le code reste admissible à la protection du droit d'auteur, mais pas les fonctions sous-jacentes. Donc le code demeure protégé, mais pas son usage dans le cadre d'une API ou interface considérée comme un processus.
Mais le gouvernement Obama a demandé à la Cour suprême de ne pas évoquer la demande de Google et de la renvoyer dans une Cour inférieure. Ce qui peut être dans le modèle de la Justice américaine considéré comme un camouflet pour Google. Et qui risque de complexifier un peu plus l'affaire. On imagine la guerre de lobbying que se livrent les deux géants... alors que l'Amérique entre en campagne électorale.
Qui va payer ?
En quoi cette affaire est-elle stratégique ? Les API sont devenues essentielles dans l'écosystème des applications et solutions IT. Les reconnaître comme étant libre d'utilisation, c'est faciliter l'interconnexion entre les systèmes. Imposer le copyright sur le code risque à l'inverse de gripper le système, la mobilité et le cloud. Et d'augmenter le coût des applications en environnement Android, car si la Justice américaine donne raison à Oracle, ce dernier pourrait bien en profiter pour chercher à tirer quelques profits des développements de l'immense communauté Android...