IBM s'est fixé pour objectifs de dépasser les limites des semi-conducteurs actuels et d'équiper les objets du futurs. Et pour cela il prévoit de dépenser 3 milliards de dollars en R&D.
IBM, qui dépense annuellement 6 milliards de dollars en R&D (recherche et développement), a annoncé une nouvelle grande initiative dans les technologies de chips (composants) pour l'informatique visant à « repousser les frontières » selon l'expression de John E. Kelly, vice-président senior et directeur de la recherche chez Big Blue.
Doté de trois:milliards de dollars investis sur 5 ans, le programme d'intensification de la recherche sur les puces informatiques – un domaine où IBM investit régulièrement – permettra de recruter des scientifiques, de développer les partenariats avec l'industrie, ainsi que les collaborations académiques.
Des technologies actuelles aux technologies du futur
Le projet de R&D d'IBM porte sur deux axes :
- Renforcer les technologies silicium
Sur le Silicium, la technologie actuelle de fabrication des processeurs et composants informatiques, IBM veut se rapprocher du niveau atomique en portant la barrière des 14 nm (nanomètre ou milliardièmes de mètre) à 10 voire 7 nm.
- Accélérer les technologies alternatives
En alternative au Silicium, IBM veut pousser la recherche dans des domaines prometteurs : les composants neuromorphiques, inspirés du cerveau et de la logique de son architecture en réseaux de neurones, dont les capacités d'apprentissage automatique se traduisent par la multiplication de la puissance des algorithmes destinés à des systèmes semi-intelligents ; et les design de matériaux conducteurs ou isolants comme les nanotubes de carbones (ou CNT, sérieux candidats au remplacement de CMOS), les silicium photonics (un axe de recherche chez Intel, Corning et HP), l'arsenide de gallium, les transistors basse tension, le graphene (un réseau unidimentionnel hexagonal d'atomes de carbone aux propriétés remarquables), ou encore la physique quantique dans le domaine des sciences.
Une stratégie qui va jusqu'au 'business model'
IBM pousse très loin sa réflexion, comme l'avait indiqué Virginia M. Rometty, la CEO du groupe. Ainsi si le géant des IT a défini ses axes prioritaires sur l'analyse des données et le cloud computing, et après la cession au chinois Lenovo de son activité serveurs x86 (pour 2,3 milliards de dollars), la patronne a tenu à rappeler « Laissez moi être claire, nous ne quittons pas le hardware. (…) Nous allons continuer d'investir en R&D sur les technologies avancées de semi-conducteurs. »
Alors si IBM continue, qu'est ce qui change ? L'annonce des 3 milliards de dollars investis dans la R&D des chips vient d'abord confirmer l'engagement de Virginia Rometty sur les semi-conducteurs. Mais il s'accompagne également de la rumeur, évoquée par The Wall Street Journal, de la cession de deux 'fab', des unités de fabrication industrielle de composants, à GlobalFoundries. Cette dernière est la spin-out de la production d'AMD en 2009, complétée ensuite par le rachat de Chartered Semiconductor.
IBM continuerait donc de se désengager de la partie production industrielle de ses activités, ici la fabrication de semi-conducteurs, pour se recentrer sur la vente de licences.Et pour que cette opération apporte de la valeur, il lui faut viser l'innovation afin de continuer d'équiper les produits qu'il assemble, comme le mainframe ou les serveurs Power, les smart compteurs (compteurs communicants qualifiés d'intelligents pour l'eau le gaz, l'électricité), et plus surement équiper les produits connectés de demain qui formeront l'Internet des Objets.
Développer, licencier, mais pas fabriquer !
Au delà de la R&D, c'est donc son modèle économique qu'IBM fait évoluer. Le groupe avait déjà abandonné la fabrication de ses imprimantes, de ses PC, de ses disques durs, et de ses serveurs standards. Il applique le même régime d'amaigrissement aux composants, une activité qui compte pour 2,5 milliards de dollars dans ses revenus annuels.
Les analystes s'entendent à dire que ce changement stratégique entrainera une perte de revenus pour IBM de 500 millions de dollars. Mais comme ces mêmes analystes estiment que les revenus des licences d'IBM dans le même domaines devraient augmenter de 400 millions de dollars, la perte sera limitée. En revanche, le gain de marge du passage de l'industrie au business de la propriété intellectuelle devrait satisfaire les actionnaires de Big Blue.
La fin de la technologie CMOS
Il est en revanche un message qu'IBM laisse entendre au marché : la fin de la technologie des semi-conducteurs metal-oxide CMOS. C'est à dire que se profilerait à l'horizon la fin de l'ère du Silicium. C'est certainement aller un peu vite en besogne, mais tous les fondeurs (les fabricants de semi-conducteurs), Intel en tête, anticipent cette échéance, avec les limites technologiques qui viennent assombrir la célèbre Loi de Moore. Le Silicium arrive en bordure de ses limites physiques, et même le projet d'IBM de réduire la taille des transistors à 7 nm parait difficile non pas à atteindre, mais à transformer en modèle industriel fiable, tant il faut maitriser le niveau atomique (de la taille de l'atome). Un vrai domaine de R&D, la recherche étant l'un des poins forts historiques de la vénérable entreprise.