Selon l’étude « L’informatique quantique : prêts pour le grand saut ? », réalisée par France digitale et le cabinet de conseil Wavestone, l’Hexagone n’a pas à rougir face aux Américains et Chinois. La R&D sera déterminante, car l’ordinateur quantique est devenu un enjeu stratégique de souveraineté et de sécurité.
La course au quantique est lancée, comme en témoignent les dernières annonces de Google, IBM ou encore Microsoft, mais aussi d’Alibaba et de Baidu. Dans cette compétition technologique, hautement stratégique, les États-Unis et la Chine s’imposent déjà en leaders.
Ce sont en effet les deux pays à avoir le plus investi. Cette année, l’administration américaine a mis en place le National Quantum Initiative Act. D’un montant d’1,3 milliard de dollars, ce programme gouvernemental vise à encourager la recherche et le développement, ainsi que l’éducation en matière de technologie quantique.
De son côté, la Chine mis en particulier sur la communication et la cryptographie quantique avec la construction, en 2017, du National Laboratory for Quantum Innovation. Cout de l’investissement : 10 milliards de dollars.
Et l’Europe ? Sa volonté d’investir dans la technologie quantique transparait dans le « Quantum Manifesto », signé en mai 2016 par plus de 3 400 acteurs de l’académie et l’industrie. Il y a aussi le Quantum Flagship.
Lancé en 2018, ce projet de la Commission européenne sur dix ans est doté d’1 milliard d’euros. Vingt projets ont été soutenus dans sa première phase en 2018 (pour 135 M€) qui mobilise une communauté académique européenne de plus de 5 000 chercheurs.
Le Royaume-Uni s'est d'abord mobilisé en Europe, à partir de 2013, avec le National Quantum Technologies Programme Plan Current and Future Opportunities de Derek Gillespie et le Engineering and Physical Sciences Research Council, une organisation non gouvernementale financée par le public et sous la supervision de l'exécutif.
Face aux géants américains et chinois, « l’Europe a tout intérêt à maîtriser la technologie quantique pour garder sa souveraineté et ainsi se préserver de certains risques : transfert des activités de R&D vers les USA ou la Chine, perte de productivité, incapacité à protéger ses communications sensibles, telles que les renseignements ou l’intelligence économique… », précise cette étude.
Des investissements privés se multiplient. « Environ 150 sociétés de capital-risque (venture capitals) ont réalisé des investissements dans des startups quantiques. En France, Quantonation, le fonds créé par Charles Beigbeder et Christophe Jurczak fait figure d’exception. D’autres fonds français ont investi ces dernières années dans des projets quantiques, comme le fond Xange », indique le cabinet de conseil Wavestone.
La recherche est active et de qualité, à l’image notamment du projet de recherche Quantum Silicon à Grenoble qui réunit les chercheurs de trois laboratoires français (CEA-IRIG, CNRS-Institut Néel et CEA-Leti) autour de la composition de processeurs quantiques basés sur du silicium.
En Europe, l’écosystème compte environ 90 membres (start-ups, hubs, capital ventures…). Le nombre de projets ou startups positionnés sur le développement de hardware et de composants représente bien le focus actuel du marché, à savoir créer un ordinateur quantique suffisamment puissant et stable.
Les startups intervenant dans le domaine sont encore peu nombreuses dans l’écosystème européen, et sont souvent récentes : la plupart ont été créées entre 2018 et 2019. Très souvent issues de projets de laboratoires, et encore largement concentrées sur des activités de R&D, leur modèle d’affaires reste souvent peu propice au passage à l’échelle.
« Pour devenir un acteur de premier plan à l’échelle mondiale, l’Europe a besoin d’une impulsion majeure : déclencher un plan massif pour stimuler les investissements, poursuivre les efforts de formation, en coordonnant encore mieux les efforts de tous les états et de toutes les parties prenantes : universités, fonds d’investissement, industriels, startups » explique Benoit Darde, Partner chez Wavestone.
En France, comme dans d’autres pays européens, la recherche est active. Mais le secteur privé reste encore trop faible, à l'exception notable d'Atos.
L'absence de grands acteurs numériques en Europe, capables de prendre le relais de la recherche, pénalise les progrès et la commercialisation. D-Wave Systems Inc., une entreprise canadienne, a été la première à vendre des ordinateurs quantiques en 2011…
Source : Wavestone