Derrière l'acquisition d'EMC par Dell se cache un drame, celui d'un état américain historique, le Massachusetts, qui voit disparaître la dernière brique de sa puissance informatique, sa dernière grande entreprise technologique. Le pionnier du digital a cédé sa place aux conquérants de la toute puissante économie IT.
L'histoire de l'informatique est riche d'anecdotes et de 'petites histoires' que l'on aime évoquer entre amateurs du numérique. L'acquisition d'EMC par Dell ne manque pas à cette règle, et cache un drame qui couvait depuis longtemps, le Massachusetts n'est plus dans la course !
Cet état historique a vu débarquer les premiers migrants qui ont forgé l'Amérique, les Pères pèlerins du Mayflower, les puritains qui ont construit les premières villes, et les presbytériens qui sont partis évangéliser les Amérindiens. Parmi ces derniers figurait la tribu algonquienne des Massachusetts, qui lui donna son nom.
Politiquement, le Massachusetts est également le symbole de la lutte pour l'indépendance, bastion des Etats progressistes de la Côte Est, face aux démocrates ségrégationnistes du Sud, puis aux conservateurs de l'Ouest, du Sud et du centre. Il est le premier Etat américain à abolir l'esclavage. Il est également devenu le bastion du parti démocrate et de la famille Kennedy.
L'histoire du digital
Mais dans le domaine qui nous concerne, le Massachusetts est surtout connu pour être un centre historique pour les secteurs de la recherche scientifique et de l'informatique - avec le MIT (Massachusetts Institute of Technology), considéré comme « un laboratoire R&D du monde » -, ainsi que de la finance. En particulier autour de sa capitale, Boston, la ville américaine la plus européenne, voire britannique.
C'est ainsi que le Massachusetts a engendré une multitude d'entreprises technologiques, dont quelques fleurons : Digital Equipment Corp. (DEC), Data General, ou encore Wang Laboratories, qui ont fait leurs armes en proposant des solutions alternatives et moins chers au mainframe d'IBM. La plupart avaient leur siège dans les banlieues de Boston, principalement le long de la célèbre route 128.
Mais l'histoire technologique du Massachusetts est également pavée d'embuches. Ces géants d'un temps avaient tous des pieds d'argile. DEC est acheté par Compaq en 1998, qui fusionnera avec HP en 2002. Wang est cédé au néerlandais Getronics, en 1999. La même année où Data General est rachetée par une entreprises qui commence à attirer l'attention : EMC. Une société du coin, dont le campus est implanté à Hopkinton, à quelques dizaines de kilomètres de Boston.
Exit les vedettes IT
Depuis l'époque où il a perdu une partie de ses vedettes, le Massachusetts perd de son aura technologique. Certes le MIT est toujours là, et sa réputation d'institut de recherche dans les sciences et les technologies est intacte. C'est ainsi que cette université, considérée comme l'une des meilleures au monde, forme chaque année plus de 2000 ingénieurs.
En revanche, diplôme en poche, ces mêmes ingénieurs quittent massivement la région, qui en dehors d'EMC et d'un parc de start-ups renouvelé en permanence - mais qui est très loin de pouvoir rivaliser avec la Silicon Valley, voire avec New York – n'offre plus de débouchés. La migration vers la Côte Ouest est sensible.
Avec l'acquisition d'EMC par Dell, le Massachusetts va perdre son dernier géant technologique. C'est le dernier domino d'une longue file qui s'écroule. Dans un mouvement entamé dès la fin du siècle dernier. Longtemps l’État a espéré rivaliser avec la Silicon Valley, mais le rêve n'a jamais vraiment tenu. Un simple exemple : une partie des technologies de l'Internet sont nées dans la région de Boston, mais aucune entreprise de haut profil Internet n'y est basée…
Que reste-t-il au Massachusetts ?
L’État ne manque pas de fleurons technologiques. Akamai, Nuance Communications, IRobot par exemple relèvent le défi. Mais aucune n'a l'envergure d'un EMC. Et chacune sera un jour la cible d'une fusion-acquisition.
Le MIT s'est également depuis longtemps diversifié. L'université est mondialement réputée dans des domaines comme le management, l'économie, la linguistique, les sciences politiques et la philosophie.
Mais la flamme est loin de s'éteindre. A défaut de géants des IT nés et vivants en son sein, l’État continue de jouer un rôle de premier plan dans quelques domaines purement technologiques. Avec au premier plan le médical et la robotique. Et un domaine qui fait déjà parler de lui, et certainement pour longtemps, l'Internet des Objets.
Une page de l'histoire technologique du Massachusetts vient de se tourner avec l'acquisition d'EMC par Dell, mais le livre de cet Etat au passé numérique exceptionnel est encore loin de s'être refermé...