D’après le site d’informations financières Bloomberg, qui s’appuie sur des sources proches du dossier, Nvidia serait en pourparlers avec SoftBank pour lui racheter ARM. Si l’information se confirme, ça serait un des bouleversements majeurs sur le marché des semiconducteurs, et plus particulièrement sur le segment des microprocesseurs. Le terme employé par Bloomberg, « advanced talks », signifie que les négociations étaient déjà bien avancées lorsque le site en a eu vent. D’après les informateurs de Bloomberg, les deux entreprises veulent atteindre un accord dans les semaines à venir.
Il est de notoriété publique que SoftBank, lourdement endetté, a désespérément besoin de cash pour honorer ses engagements. Qu’il se mette à vendre le joyau de la couronne ne semble donc pas insolite, il a déjà liquidé des participations, notamment dans Ali Baba, mais qu’il se déleste de sa pépite technologique ARM, cela semble contre-intuitif. ARM, avec son modèle de licencing technologique, jouit d’une position à partir de laquelle il est présent sur plusieurs marchés établis avec ses architectures à faible consommation (smartphones, tablettes, serveurs, équipements réseau…), et prometteurs (voitures autonomes, IoT…).
Du côté de Nvidia, l’affaire n’est pas si simple non plus. Ce dernier dispose d’une position privilégiée sur le marché avec ses GPU. Il a réussi à imposer ses architectures parallèles au-delà du marché des jeux et possède de solides perspectives sur des marchés prometteurs, avec ses unités de calcul hautes performances (Big data, IA, ML…). Le rachat d’ARM lui permettrait de mettre un pied dans les marchés des puces à faible consommation certes, mais entre mettre un pied et sauter les deux pieds joints dans la mare, il n’y a qu’un pas. En effet, ARM licencie son architecture à tous les concurrents de Nvidia, qui ne manqueront pas de crier au monopole et d’actionner tous les leviers réglementaires pour faire invalider la vente par les autorités de régulation.
Une stratégie risquée…
À moins que la vente ne porte que sur une partie du capital, auquel cas c’est la stratégie de Nvidia qui apparaît contre-intuitive. Car, on comprendrait mal pourquoi Nvidia, dont les affaires sont florissantes, irait se fourvoyer dans cette aventure, où il n’y a que des coups à prendre de la part de puissants adversaires. S’il s’intéresse à ARM ce n’est sûrement pas que pour des raisons financières. L’architecture, la technologie en somme, et les marchés sur lesquels sont présentes les puces ARM, ainsi que la maîtrise de deux lignes de produits, GPU et CPU, sont des atouts indéniables, mais qui nécessitent une roadmap à long terme, donc une stratégie cohérente que le partage de souveraineté ne permet pas.
D’un point de vue strictement financier Nvidia est dans une bonne position pour réaliser des acquisitions : une abondance de cash, sa capitalisation boursière est supérieure à celle d’Intel (mais pas ses revenus), un environnement favorable, car l’argent n’est pas cher, une pépite attrayante et un vendeur dans le besoin. Mais le prix d’ARM risque d’être élevé, SoftBank l’a racheté 32 Md$ en 2016 et il est actuellement estimé entre 50 et 60 Md$. Si l’accord est conclu, Nvidia va entrer dans une période d’incertitudes et de procédures qui peuvent être dommageables pour son image et ses ventes. Ayant réussi à voler sous la couverture radar pendant des années, il n’a pas habitué le marché à de tels coups d’éclat. Affaire à suivre.