Jamais les entreprises n’ont disposé d’autant de données, et pourtant elles peinent encore à en extraire de la valeur. Trop souvent livrée brute et supposée parler d’elle-même la donnée manque de contexte, de documentation et de gouvernance. Par conséquent, les projets sont ralentis, des doublons d’efforts sont constatés et les décisions sont prises sur des bases fragiles.
Ce paradoxe illustre un problème de fond : disposer d’immenses volumes ne suffit pas, encore faut-il les transformer en actifs de confiance, réutilisables et alignés sur les besoins stratégiques. C’est précisément ce que propose l’approche data product, qui convertit un actif brut en ressource exploitable, documentée et durable — ouvrant la voie à une meilleure exploitation des données et à une préparation solide pour l’ère de l’intelligence artificielle générative.
De la donnée brute à un actif stratégique
Si le data product n’est pas une nouveauté pour les professionnels de la donnée, son adoption prend aujourd’hui une dimension critique.
La confiance est devenue une ressource rare : sans contexte ni gouvernance, même les données les plus riches perdent de leur valeur. Or le data product apporte une réponse structurée : comme un médicament accompagné de sa notice, il associe à la donnée brute des métadonnées, du contexte métier, ainsi que des règles de gouvernance et de sécurité. Cet ensemble crée la confiance, facilite la compréhension et permet une réutilisation à grande échelle. Ainsi, un même jeu de données clients, correctement documenté, peut alimenter la relation client, le marketing, la finance et les opérations.
De plus, l’environnement concurrentiel exige rapidité et évolutivité. Seule une approche data product peut offrir aux entreprises l’opportunité de se démarquer, en rendant la donnée consommable, fiable et partageable à grande échelle.
Une transformation culturelle et technologique
Réussir cette transformation ne peut pas se limiter à un choix d’outils. Les processus et les pratiques doivent évoluer pour considérer la donnée non plus comme un sous-produit des systèmes d’information, mais comme un produit en soi : pensé pour être utilisé, réutilisé et amélioré. Ce changement de perspective bouleverse la façon dont les directions data collaborent avec les métiers, et impose une discipline nouvelle autour de la qualité, de la documentation et de l’expérience utilisateur.
Cette évolution prend une importance particulière avec l’essor de l’intelligence artificielle générative. On le sait : un modèle n’est jamais meilleur que les données qui l’alimentent. Pour éviter approximations et “hallucinations”, il doit accéder à des données contextualisées, enrichies de métadonnées, et structurées par une couche sémantique. Celle-ci traduit les schémas techniques en langage métier : l’utilisateur pose sa question avec ses propres mots, et les modèles retrouvent les concepts dans les data products. La définition explicite des relations entre jeux de données (par exemple, entre clients et commandes) fournit au modèle les clés pour interpréter correctement l’information.
C’est exactement ce que permettent les data products, en proposant des actifs compréhensibles par les humains comme par les algorithmes. Les entreprises qui ont franchi ce cap observent des gains de précision allant de 50 à 80 %, preuve que la valeur ne réside pas uniquement dans l’algorithme, mais bien dans la confiance et la structuration des données en amont.
De l’intention à la stratégie
Mettre en place une stratégie de data products suppose de penser grand tout en agissant avec pragmatisme. La démarche la plus efficace consiste à identifier un domaine restreint mais stratégique – données clients, indicateurs financiers, supply chain – puis à le traiter comme un véritable produit : description complète, traçabilité, règles d’accès claires, interface de découverte fluide. Ce premier succès crée un effet d’entraînement et bâtit la confiance nécessaire pour élargir progressivement le périmètre. À l’inverse, persister dans une approche fragmentée conduit à multiplier les silos, à ralentir la prise de décision et, inévitablement, à perdre en compétitivité.
Le data product n’est pas un effet de mode réservé aux directions data. C’est une nouvelle manière d’organiser la gouvernance de l’information et de créer de la valeur durable. Les entreprises qui sauront franchir ce pas disposeront d’un socle solide pour exploiter pleinement le potentiel de l’IA générative et accélérer leur capacité d’innovation. Celles qui tarderont à s’engager risquent de rester prisonnières de la complexité et de voir leur capital data se transformer en passif. L’avenir appartient à celles qui traiteront leurs données comme de véritables produits, conçus pour inspirer confiance et propulser leur stratégie data.
Par Olivier Tijou, Regional VP French EMEA chez Denodo























