Ces réglementations imposent des transformations structurelles :
- Délais de notification ultra-courts (24h à 72h en cas d'incident majeur)
- Responsabilité légale renforcée des dirigeants
- Transparence des opérations comme principe fondamental, qu'il s'agisse de la gestion d'incidents cyber ou de vulnérabilités, avec une documentation détaillée requise pour les audits.
Face à ces évolutions des paysages technologique et réglementaire, il revient aux décideurs techniques de structurer et piloter une modernisation des pratiques de sécurité. Cette modernisation est indispensable pour garantir que les services fournis sont au niveau de qualité attendu, que les coûts de leur création et exploitation restent maîtrisés et que les équipes sont en mesure de prévenir des impacts négatifs lourds lorsqu’un incident
cyber survient.
Cet article introduit des approches concrètes de réponse technologique aux exigences réglementaires européennes, notamment la directive NIS 2 et le Cyber ResilienceAct (CRA), avec un focus sur les spécificités des environnements cloud-natifs et multi-cloud. L’objectif est de donner un fil d’Ariane permettant aux décideurs de concilier des mondes a priori inconciliables et, ce faisant, d’améliorer la posture de sécurité des services et de respecter la loi. Voici 5 axes stratégiques pour une sécurité cloud efficace :
1. Approches programmatiques de la sécurité
Les approches « as code » de la sécurité deviennent une nécessité stratégique pour répondre aux exigences réglementaires croissantes et maintenir une posture de sécurité dynamique, notamment dans les environnements cloud-natifs. Les organisations doivent :- Intégrer la sécurité dès la conception des systèmes : Adopter une approche « security by design » pour minimiser les risques dès les premières étapes du cycle de vie des applications.
- Adopter Policy as Code (PaC) et Compliance as Code (CaC) : Automatiser l'application des politiques de sécurité et des exigences réglementaires via des fichiers de configuration.
- Automatiser la détection des écarts de configuration : Utiliser des outils pour identifier et corriger les dérives de configuration en temps réel.
- Minimiser les risques de configuration : Réduire les erreurs humaines et les failles de sécurité liées à des configurations incorrectes.
- Générer des preuves auditables : Faciliter les audits et les rapports réglementaires grâce à une documentation automatisée.
- Accélérer la mise en conformité : Répondre rapidement aux exigences réglementaires tout en maintenant une sécurité robuste.
2. Sécurisation de la chaîne d'approvisionnement
Les risques cyber liés à la chaîne d'approvisionnement logicielle sont devenus une préoccupation majeure pour les organisations. L'objectif des exigences réglementaires est de réduire les vulnérabilités potentielles introduites par des composants externes et de garantir une traçabilité complète des éléments utilisés dans les applications et les infrastructures, facilitant l'auditabilité et répondant aux nouvelles exigences réglementaires.Plus spécifiquement, pour faire face aux risques cyber liés à la supplychain numérique et aux mesures réglementaires associées, il est essentiel de :
- Collaborer étroitement avec leurs fournisseurs pour garantir la sécurité des composants et des services. Cela inclut l'intégration des exigences de sécurité dans les contrats et les processus d'approvisionnement.
- Générer des nomenclatures logicielles (SBOM) : Documenter les composants logiciels et leurs dépendances pour garantir une traçabilité complète.
- Valider l'intégrité des composants : Vérifier l'authenticité et l'intégrité des composants tiers avant leur intégration dans les systèmes.
- Contrôler rigoureusement les dépendances tierces : Limiter l'utilisation de dépôts publics et privilégier des dépôts privés proxifiés pour réduire les risques.
3. Détection et réponse aux menaces et incidents cyber
La directive NIS 2 et le CRA imposent des délais stricts pour la notification des incidents : 24h pour une alerte précoce, 72h pour un incident qualifié dans le cadre d’incidents cyber significatifs ; un régime similaire existe aux Etats-Unis par le biais de la SEC (reporting à 72h de la survenance). Ces délais réglementaires imposent des capacités de détection et de notification quasi instantanées, ce qui nécessite une modernisation des processus et des outils de détection et de réponse.Cela implique :
- D’adopter une détection "as code" : Intégrer la détection des menaces directement dans les pipelines CI/CD pour une réponse plus rapide. Cette approche permet également de documenter les détections sous forme de code, facilitant ainsi les audits et les rapports réglementaires.
- Collecter et corréler des signaux de sécurité multi-sources : Intégrer des données provenant de différents environnements (cloud, on-premise, conteneurs) pour une visibilité complète.
- Opter pour des outils spécialisés fournissant une visibilité en temps réel : Les plateformes de sécurité cloud-native (CNAPP) offrent une visibilité complète sur les environnements cloud, permettant de détecter et de répondre aux menaces en temps réel. Ces outils sont essentiels pour respecter les délais de notification imposés par les réglementations.
4. Élargissement des tests de sécurité
Au-delà des scans traditionnels, il devient crucial d'intégrer des tests de sécurité plus complets pour couvrir l'ensemble des surfaces d'attaque potentielles. Les approchesci-dessous permettent de couvrir l'ensemble des risques dans les architectures cloud modernes, tout en répondant aux exigences réglementaires en matière de sécurité :
- Analyses de composition logicielle (SCA) : Identifier les vulnérabilités connues dans les dépendances logicielles.
- Tests statiques (SAST) et dynamiques (DAST) : Analyser le code source et les applications en cours d'exécution pour détecter les failles exploitables.
- Sécurité spécifique des API et conteneurs : Protéger les interfaces et les environnements conteneurisés, souvent négligés dans les approches traditionnelles.
5. Gestion coordonnée des vulnérabilités
La gestion des vulnérabilités est un élément clé à la fois de la conformité réglementaire et de la résilience numérique. Ces processus permettent de réduire les risques liés aux vulnérabilités non corrigées et de renforcer la confiance des parties prenantes. Il s’agit d’un travail de fond, les difficultés étant généralement liées aux rôles et responsabilités peu coordonnées : ceux qui gèrent l’exploitation des services diffèrent de ceux qui en assurent le maintien en condition de sécurité. Ainsi, l’un des grands chantiers de modernisation qui doit occuper les décideurs techniques dans les mois à venir est l’évaluation des approches internes de gestion de vulnérabilités et leur modernisation.Pour moderniser et répondre aux exigences réglementaires de NIS 2 et du CRA, les organisations doivent mettre en place un processus structuré de :
- Divulgation coordonnée des vulnérabilités (CVD) : Il s'agit d'un cadre structuré pour la gestion des vulnérabilités, conforme aux normes ISO29147 et ISO30111. Il permet de coordonner la divulgation des failles entre les chercheurs en sécurité et les fournisseurs de services numériques lorsque la découverte d’une vulnérabilité survient en dehors de tout contrat (pentest, bug bounty). Un programme cadré et clair de CVD réduit ainsi les risques de divulgations prématurées ou non contrôlées.
- Évaluation rapide des impacts : Analyser les vulnérabilités pour déterminer leur gravité et leur impact potentiel sur les systèmes. Cette analyse doit se faire de façon régulière et permettre un véritable suivi de l’évolution des efforts en la matière.
- Communication transparente auprès des autorités : Notifier rapidement les incidents et les vulnérabilités aux organismes de régulation, conformément aux exigences de NIS 2 et du CRA.
Au-delà de la conformité « sur papier »
Les réglementations en matière de cybersécurité, telles que la directive NIS 2 et le Cyber ResilienceAct, imposent des exigences strictes aux organisations opérant dans des environnements cloud-natifs et multi-cloud. Pour répondre à ces défis, les décideurs techniques doivent adopter des approches modernes et automatisées, telles que les méthodologies « as code », la gestion proactive des vulnérabilités et la sécurisation de la chaîne d'approvisionnement.En intégrant la sécurité dès les premières étapes du cycle de vie des applications, les organisations peuvent non seulement respecter les exigences réglementaires, mais aussi renforcer leur posture de sécurité globale. Dans un paysage de menaces en constante évolution, une approche proactive et résiliente est essentielle pour protéger les systèmes, les données stratégiques et la réputation des organisations.
Par Sergej Epp, CISO de Sysdig