Portée par l’essor de l’IA et des services cloud, la construction de centres de données atteint des niveaux inédits, avec des investissements record et des infrastructures de plus en plus complexes. Mais cette frénésie mondiale expose les acteurs à une multitude de risques. la congestion énergétique et les pénuries, les vulnérabilités climatiques, la pression réglementaire et les tensions assurantielles.
Le rapport « The Data Center Construction Boom » d’Allianz analyse les risques structurels liés à l’industrialisation mondiale des centres de données. À partir d’un corpus de données consolidées (Allianz Research, Uptime Institute, IEA, CBRE, BCG, McKinsey…), le document dresse un panorama complet des tensions techniques, assurantielles, réglementaires et territoriales. L’étude repose sur les retours d’expérience d’assureurs spécialisés, de consultants en risques, et d’acteurs industriels impliqués dans des projets allant de 100 millions à plus de 20 milliards de dollars. Elle met en lumière les limites physiques et opérationnelles d’un modèle devenu central dans l’essor de l’intelligence artificielle et du cloud computing.
La demande mondiale en calcul intensif, stimulée par l’apprentissage automatique et les modèles génératifs, provoque une accélération sans précédent de la construction de centres de données. Près de 7 000 milliards de dollars pourraient y être consacrés d’ici 2030, selon McKinsey. L’étude « The Data Center Construction Boom » d’Allianz révèle un triplement des dépenses depuis 2014, avec une concentration massive de projets dans les hubs historiques (Virginie du Nord, Francfort, Dublin, Pékin) et l’émergence de nouveaux clusters stratégiques, du Texas à Riyad. Les hyperscalers dominent ce mouvement, avec des campus aux dimensions industrielles : Microsoft, Meta et OpenAI visent chacun des capacités de plusieurs gigawatts, capables d’alimenter des centaines de milliers de GPU.
Un emballement mondial à grande échelle tiré par l’infrastructure IA
L’étude d’Allianz a été menée à partir d’un corpus de données consolidées (Allianz Research, Uptime Institute, IEA, CBRE, BCG, McKinsey…), le document dresse un panorama complet des tensions techniques, assurantielles, réglementaires et territoriales. L’étude repose sur les retours d’expérience d’assureurs spécialisés, de consultants en risques, et d’acteurs industriels impliqués dans des projets allant de 100 millions à plus de 20 milliards de dollars. Elle met en lumière les limites physiques et opérationnelles d’un modèle devenu central dans l’essor de l’intelligence artificielle et du cloud computing.
Ce déploiement rapide transforme la chaîne de valeur numérique en une course à la surface foncière, à la densité énergétique et aux délais de raccordement. À mesure que la complexité des installations s’accroît, refroidissement avancé, alimentation autonome, redondance active, les projets atteignent des coûts pharaoniques, souvent supérieurs à 1 milliard de dollars. Les analystes évoquent une dynamique comparable à celle de la construction d’infrastructures pétrolières ou ferroviaires du XXe siècle.
Des tensions électriques qui ralentissent les mises en service
À l’horizon 2030, la consommation énergétique des centres de données pourrait dépasser 945 TWh, soit l’équivalent de la demande du Japon. L’intelligence artificielle en est le principal moteur, car une seule requête de type ChatGPT consomme entre 5 et 10 fois plus d’énergie qu’une recherche web standard. Or les réseaux électriques, vieillissants et sous-dimensionnés, peinent à suivre. En Virginie, les délais de raccordement peuvent atteindre 7 ans. Au Royaume-Uni, ils dépassent parfois les 15 ans. Les opérateurs réagissent en internalisant leur production, en s’équipant de microcentrales, de batteries, voire de mini-réacteurs nucléaires (SMR).
Cette autonomisation énergétique multiplie les expositions aux incendies, aux surcharges, aux pertes d’exploitation, et aux rejets polluants. Elle complexifie aussi les couvertures d’assurance, qui doivent désormais intégrer les risques liés à la génération d’énergie sur site. Allianz note une recrudescence des sinistres liés à l’alimentation, tant en phase de construction qu’en exploitation. L’échec d’un transformateur peut provoquer une panne de plusieurs jours, avec des répercussions critiques sur les services numériques. La résilience passe désormais par des stratégies de duplication multisite, entraînant un doublement des ressources et des coûts.
Multiplication des sinistres et saturation des chaînes d’approvisionnement
La moitié des centres de données a connu une panne majeure au cours des trois dernières années, selon l’Uptime Institute. L’erreur humaine représente 50 % des causes identifiées. À cela s’ajoutent les défaillances de tiers, les pannes réseau et les erreurs de configuration. L’essor de l’IA complexifie encore la donne avec des charges computationnelles plus denses, nécessitant des racks haute performance, plus sensibles à la chaleur et aux microcoupures.
Parallèlement, la chaîne d’approvisionnement mondiale est sous pression. Le délai d’obtention d’un transformateur dépasse un an, celui de composants spécialisés (GPU, systèmes de refroidissement) s’allonge dangereusement. Le manque de main-d’œuvre qualifiée devient critique. Les États-Unis anticipent un besoin de 500 000 travailleurs supplémentaires en 2025. Dans ce contexte tendu, les défauts de conception et les malfaçons se multiplient, alimentant les pertes assurantielles. Allianz recommande de mobiliser des chefs de projet expérimentés dès la phase de design et de sécuriser les approvisionnements en amont, faute de quoi les retards et les litiges explosent.
Climat, eau et population : les limites physiques d’un modèle
Alors que les hyperscalers recherchent de vastes terrains, souvent éloignés des zones urbaines, ils s’exposent à des risques naturels accrus : incendies, inondations, orages violents. Le Midwest américain, l’Espagne, l’Asie du Sud connaissent déjà des tensions entre développement industriel et aléas climatiques. Allianz souligne l’importance d’une connaissance fine de la géographie locale, notamment lors des phases de test et de mise en service. Le refroidissement des serveurs devient également une problématique environnementale majeure : certaines installations consomment jusqu’à 19 millions de litres d’eau par jour.
Plus de la moitié des hubs mondiaux seront confrontés à un stress hydrique élevé d’ici 2030. Des villes comme Dubaï, Mexico ou Madrid sont en zone rouge. Les conflits d’usage se multiplient, et la légitimité sociale des data centers se fragilise. Des projets sont déjà bloqués par des collectifs citoyens, comme en Virginie ou dans le nord de l’Angleterre. À cela s’ajoute le risque de fuites internes (corrosion, condensation) susceptibles de détruire des équipements critiques. Le refroidissement par immersion dans des liquides diélectriques apparaît comme une alternative prometteuse, mais encore marginale.
Pression réglementaire, coûts assurantiels et arbitrages structurels
Face à cette accélération, les régulateurs resserrent l’étau. En Europe, la directive sur l’efficacité énergétique impose des obligations de reporting dès 2024 et la mise en place de systèmes de management de l’énergie en 2026. Le règlement DORA introduit des exigences de résilience opérationnelle pour les centres de données opérant dans le secteur financier. À Singapour, la feuille de route verte conditionne les autorisations d’extension à la performance énergétique. En Chine, la planification pousse au déplacement vers l’ouest du territoire pour limiter la pression foncière et électrique.
Sur le plan assurantiel, Allianz anticipe un marché de plus de 10 milliards de dollars en primes dès 2026. Les couvertures s’étendent à des risques multiples : responsabilité civile, bris de machine, interruptions, pertes environnementales, transport de matériel. Mais une partie des infrastructures (racks, serveurs loués) reste souvent en dehors du périmètre couvert. Les gestionnaires doivent donc s’entourer d’underwriters spécialisés et renforcer leur gouvernance de projet. L’étude conclut sur une alerte claire : sans contrôle des expositions cumulées, la soutenabilité de ce modèle industriel devient incertaine.







































