La majorité des entreprises affichent de grandes ambitions pour l’intelligence artificielle, mais rares sont celles qui disposent d’une base de données saine et réellement prête à l’emploi. Une étude récente de Wipro, intitulée « State of Data4AI 2025 », propose une typologie en quatre archétypes pour comprendre où se situe votre organisation sur l’échelle de la maturité "Data4AI". Et si vous faisiez le test ?

Selon le rapport de Wipro, 79 % des dirigeants interrogés considèrent l’IA comme un levier stratégique. Pourtant, à peine 14 % des organisations disposent de bases de données réellement prêtes pour l’IA. Ce chiffre illustre un paradoxe désormais bien documenté : la montée en puissance des ambitions dans l'IA s’accompagne rarement d’une transformation profonde des fondations données. Or, sans qualité, sans accessibilité, sans gouvernance, les données ne peuvent nourrir ni les algorithmes d’aujourd’hui, ni les agents intelligents de demain.

Les projets pilotes se multiplient, mais leur industrialisation reste marginale. La raison ? Un manque d’alignement entre les fonctions techniques et métiers, une mauvaise lisibilité des cas d’usage, et une sous-estimation persistante de la dimension organisationnelle de la donnée. L’étude de Wipro introduit un cadre simple mais structuré pour objectiver
cette maturité.

Quatre archétypes pour cartographier la maturité Data4AI

Wipro distingue quatre profils d’organisation en croisant deux axes : la maturité des fondations data (qualité, architecture, gouvernance, sécurité) et l’alignement avec les priorités métiers. Ce modèle permet de situer une entreprise de manière dynamique, en fonction de ses points forts et de ses marges de progression.

Les Beginners sont les organisations qui amorcent à peine leur structuration data. Les données sont souvent dispersées, non documentées, et les équipes peinent à accéder à des sources fiables. L’ambition IA est bien là, mais les initiatives restent isolées, sans cadre commun. Le principal risque pour ces entreprises est de perdre du temps dans des projets sans pérennité, souvent guidés par les effets d’annonce plus que par une stratégie claire.

Les "Dauntless" (les “téméraires”) incarnent les organisations guidées par les métiers, prêtes à expérimenter massivement des cas d’usage IA. L’esprit d’innovation est réel, mais les fondations techniques sont encore trop fragiles. Les plateformes ne sont pas interopérables, la gouvernance est lacunaire, et les risques liés à la sécurité ou à la qualité des données sont souvent négligés. Ce profil court le danger d’une désillusion rapide faute de résultats concrets ou généralisables.

Les "Conservatives" ont quant à elles investi dans la robustesse et la conformité. Gouvernance solide, documentation rigoureuse, sécurité maîtrisée : ces organisations disposent d’une architecture fiable mais peinent à faire émerger des usages innovants. L’approche data reste cantonnée à la DSI ou aux fonctions réglementaires, sans véritable appropriation par les métiers.

Les "Front Runners" représentent le niveau de maturité le plus avancé. Ces entreprises ont réussi à aligner gouvernance data, agilité métier et stratégie IA. Elles ont industrialisé des produits de données accessibles via des catalogues, activent des agents IA sur des cas d’usage complexes, et structurent des Centres d’Excellence IA capables d’accompagner la montée en compétence de l’ensemble des équipes. Ce sont aussi celles qui valorisent leurs données propriétaires comme un actif stratégique.

Un outil de diagnostic et de stratégie

L’intérêt de cette typologie dépasse le simple classement. Elle permet aux entreprises de situer leur position actuelle, d’objectiver les tensions internes entre IT et métiers, et d’identifier les leviers à activer pour franchir un cap. Chaque archétype implique un chemin spécifique de progression, avec ses priorités : montée en compétence des utilisateurs, modernisation des architectures, gouvernance distribuée, interopérabilité, ou encore création de data products modulaires.

Par exemple, une entreprise de type Beginner devra choisir entre deux stratégies de montée en maturité : un renforcement des fondations via des projets IT structurants (vers un profil Conservative), ou une accélération des usages métiers au risque d’une fragilité technique (vers un profil Dauntless). L’idéal étant, à terme, de converger vers un modèle Front Runner capable d’articuler stratégie business, excellence opérationnelle et maîtrise des données.

Une cartographie utile pour aligner toutes les parties prenantes

Dans un monde où les agents IA, les plateformes d’orchestration et les modèles fondationnels redessinent la chaîne de valeur, cette cartographie s’impose comme un outil de gouvernance. Elle permet aux CDO, aux DSI, aux directions métiers et générales de se doter d’un langage commun pour évaluer les capacités, définir les priorités et piloter les investissements IA en connaissance de cause.

Elle peut aussi servir de base à des ateliers stratégiques, à des diagnostics internes, voire à des feuilles de route de transformation. En clarifiant les trajectoires possibles, elle redonne aux entreprises la capacité de piloter leur avenir data et IA, au lieu de le subir ou de le fantasmer.

Reconnaissez-vous votre entreprise ?

L’été est parfois le bon moment pour faire un point lucide sur l’état de ses capacités internes. Voici quelques signaux faibles qui permettent de se situer.
  • Vous multipliez les expérimentations IA sans retour sur investissement mesurable : vous êtes sans doute Dauntless.

  • Vos données sont bien gouvernées mais sous-utilisées par les métiers : le profil Conservative vous correspond probablement.

  • Vous avez lancé une équipe data récemment, mais les projets restent isolés : vous êtes Beginner.

  • Vous déployez des agents IA, disposez d’un catalogue de données unifié et d’une gouvernance fluide : vous touchez au profil Front Runner.
En définitive, cette typologie n’est pas un jugement mais une invitation à l’action. Car la maturité data ne se décrète pas : elle se construit, couche après couche, par des choix stratégiques, des arbitrages cohérents et une vision claire du rôle que doivent jouer les données dans l’économie des agents intelligents.