Alors que la 5G entre dans sa phase de maturité commerciale, le rapport semestriel d’Ericsson met en lumière les leviers de transformation des réseaux mobiles à l’horizon 2030. Différenciation, monétisation, agents IA et FWA structurent désormais les enjeux d’un secteur en reconfiguration rapide.

Le marché mondial des télécommunications mobiles vit une transition silencieuse, mais profonde. Après plusieurs années centrées sur l’expansion de la couverture et le déploiement des infrastructures 5G, les opérateurs doivent désormais aborder un nouveau cycle, plus stratégique, fondé sur la valeur d’usage, la performance contextuelle et l’intégration de l’intelligence artificielle.

Dans son rapport semestriel de juin 2025, Ericsson propose une lecture structurée des dynamiques en cours sur les marchés mondiaux des télécoms mobiles, dans un contexte d’inflexion technologique et commerciale. Alors que la 5G standalone devient réalité dans plusieurs régions, les opérateurs amorcent un tournant stratégique vers la différenciation des services, la valorisation de la qualité de connectivité, et l’anticipation de nouveaux usages guidés par l’intelligence artificielle générative.

La 5G standalone, un levier de différenciation commerciale

Fin 2024, la 5G représentait 27 % des abonnements mobiles mondiaux, avec une accélération attendue à 2,9 milliards d’abonnés d’ici fin 2025, soit un tiers du total. Cette croissance devrait culminer à 6,3 milliards d’ici 2030, équivalant à deux abonnements mobiles sur trois. Le basculement est déjà bien engagé dans certaines régions : l’Amérique du Nord atteint un taux de pénétration de 71 %, l’Asie du Nord-Est 52 %, et l’Europe de l’Ouest 41 %.« Les abonnements 5G sont en passe de dépasser la 4G comme technologie d’accès dominante à partir de 2027, soit neuf ans après son lancement »,
précise le rapport.

À travers le monde, plus de 340 opérateurs ont lancé des services 5G commerciaux, dont 70 ont déjà déployé ou lancé la 5G standalone (SA). Cette architecture, autonome du cœur de réseau 4G, permet d’activer des fonctions avancées, comme le network slicing, les politiques de routage par équipement (URSP) ou encore la qualité de service garantie. Des opérateurs comme BT Group y voient une opportunité de repenser leur approche marché. « Le lancement de la 5G standalone ne se résume pas à une mise à niveau du réseau, mais à une refonte complète de l’expérience client », souligne le rapport, citant le cas de BT Group qui a couvert 95 % des zones extérieures ciblées avant lancement et agrège jusqu’à six porteuses pour garantir la qualité dans les zones denses.

Entre le premier trimestre 2024 et celui de 2025, le trafic mondial a progressé de 19 %, pour atteindre 172 exaoctets (EB) par mois. Ce volume devrait atteindre 430 EB en 2030, dont 80 % liés à la 5G. La consommation vidéo reste dominante, représentant 74 % du trafic mobile fin 2024. Cette évolution est largement corrélée à la disponibilité de réseaux plus performants et de smartphones compatibles. Cependant, le taux de croissance annuel moyen devrait ralentir à 17 % d’ici 2030, estime le rapport, signe que le marché entre dans une phase de consolidation.

L’IA générative redéfinit les modèles de trafic

Le FWA, ou accès sans fil fixe, s’impose comme l’une des principales alternatives à la fibre, notamment dans les zones peu denses. Il représente déjà 25 % du trafic mobile mondial, et devrait atteindre 35 % d’ici 2030. Le nombre de connexions FWA passerait de 160 millions en 2024 à 350 millions en 2030, dont 80 % sur réseau 5G. « 51 % des opérateurs FWA dans le monde proposent désormais des forfaits basés sur le débit, contre 40 % un an plus tôt , analyse Ericsson. Cette évolution permet de mieux monétiser le service en s’alignant sur les pratiques des offres fibre. »

Si les applications d’intelligence artificielle générative ne représentent encore qu’une part marginale du trafic mobile total — environ 0,06 % selon les mesures actuelles — leur profil de consommation du réseau se distingue nettement. En effet, elles génèrent en moyenne 26 % de trafic en envoi de données (upload), contre seulement 10 % pour les autres types d’applications mobiles. Cette asymétrie s’explique par la nature interactive et multimodale de ces usages, comme les assistants IA capables de traiter la voix, les images ou les vidéos en temps réel.

Contrairement au visionnage de vidéos en streaming — essentiellement basé sur le téléchargement de données, ces applications nécessitent des échanges plus équilibrés entre l’utilisateur et le serveur, avec des volumes d’information montants plus importants. « Les applications les plus impactantes pour le trafic seront celles combinant un fort taux d’adoption et une consommation de données élevée, comme les assistants IA vidéo ou les lunettes de réalité augmentée intelligentes », souligne le rapport.

Une réallocation stratégique du spectre à prévoir

La montée en puissance d’usages à forte consommation montante, comme la réalité augmentée, les assistants vocaux interactifs ou les agents IA contextuels, impose aux opérateurs une redéfinition de leurs priorités spectrales. Le besoin en bande moyenne et centimétrique s’accroît, tout comme la nécessité d’outiller les réseaux pour supporter des flux à la fois massifs, persistants et sensibles à la latence.« Le futur des réseaux mobiles se dessine à la croisée de trois axes : performance uplink, exposition via API et intégration de l’intelligence dans les équipements », résume Erik Ekudden, CTO d’Ericsson.

Le rapport Ericsson de juin 2025 consacre la transition du secteur mobile vers une nouvelle phase, centrée non plus sur la couverture ou la bande passante brute, mais sur la création de valeur via des réseaux intelligents, programmables et orientés usages. Dans cette perspective, la 5G autonome (Stand Alone) constitue moins un aboutissement qu’un levier stratégique, à condition d’être adossée à une capacité d’innovation commerciale, de différenciation fine et de pilotage temps réel des ressources. Pour rappel, la 5G Standalone (autonome) désigne une architecture réseau dans laquelle l’ensemble de l’infrastructure, du cœur de réseau aux antennes, repose nativement sur la 5G. Elle se distingue de la 5G dite Non-Standalone (NSA), qui s’appuie encore en partie sur des composants hérités de la 4G, notamment pour le cœur de réseau.

Pour les entreprises, l’enjeu est limpide : repenser leur connectivité non plus comme un flux générique, mais comme un levier de performance contextuelle, intégrée aux applications, aux collaborateurs et aux objets connectés. Une condition nécessaire pour aborder l’ère des agents intelligents, de l’automatisation ubiquitaire et des interactions enrichies par l’IA.