En rachetant un acteur-clé de l’écosystème PostgreSQL, Snowflake ne se contente pas de renforcer son offre open source. Il cherche à mieux contrôler la chaîne technique de ses services IA, tout en limitant sa dépendance aux fournisseurs de modèles et d’infrastructure concurrents. Ce mouvement structurel éclaire les enjeux stratégiques de la consolidation en cours dans les plateformes de données intelligentes. Snowflake accélère sa mutation vers une plateforme cognitive. L’éditeur californien a officialisé le rachat de Crunchy Data, entreprise américaine spécialisée dans PostgreSQL. Si le montant n’a pas été confirmé, plusieurs sources évoquent une transaction d’environ 250 millions de dollars. Ce rachat s’inscrit dans une stratégie de long terme : réduire les points de dépendance externe, affermir sa position sur le segment des données critiques, et améliorer la rentabilité des usages de l’intelligence artificielle générative. « Snowflake, c’est une seule plateforme pour toutes les données — structurées, semi-structurées, non structurées et multimodales », affirmait Benoît Dageville, son cofondateur, lors du dernier Snowflake Summit. La maîtrise du moteur PostgreSQL, enrichi par Crunchy Data pour les environnements sensibles, constitue une brique technique importante dans cette chaîne que Snowflake veut piloter de bout en bout. Crunchy Data apporte une expertise avancée sur les déploiements sécurisés de PostgreSQL, notamment pour des institutions gouvernementales et les environnements réglementés. L’entreprise propose des outils de haute disponibilité, des extensions spécifiques et une gestion certifiée de bout en bout du moteur open source. Ce savoir-faire complète l’offre Snowflake en permettant de rapprocher le stockage, le traitement et le requêtage IA dans un cadre unifié. En intégrant cette brique open source, Snowflake affirme aussi un positionnement différenciant face aux hyperscalers, souvent accusés de verrouiller les données dans des formats propriétaires difficilement exploitables ailleurs.

Une opération guidée par l’IA et la rétention des données

Au-delà du signal open source, le rachat intervient dans un contexte de recomposition rapide du marché des données sous l’effet de l’intelligence artificielle générative. En quelques mois, Snowflake a multiplié les intégrations de modèles de référence, notamment ceux d’Anthropic (Claude) et d’OpenAI, via sa couche Cortex AISQL. L’objectif est de permettre aux entreprises de créer des assistants conversationnels ou des moteurs de recherche internes à partir de leurs propres données. Mais l’utilisation de ces modèles impose des reversements aux éditeurs, ce qui limite la rentabilité directe. En intégrant Crunchy Data, Snowflake se dote d’un levier technique et économique : rapprocher les charges IA de l’infrastructure de données, tout en renforçant sa maîtrise technologique. Ce mouvement défensif s’explique aussi par la pression croissante des plateformes concurrentes. AWS, Azure et Google Cloud hébergent désormais les mêmes modèles d’IA que Snowflake, tout en proposant leurs propres bases de données. Pour conserver sa base installée, Snowflake doit donc enclaver les usages au plus près des données. L’intégration de PostgreSQL dans sa plateforme permettra de supporter de nouveaux types de requêtes, de formats, et de cas d’usage, y compris dans les déploiements hybrides ou sensibles. L’entreprise pose ainsi les bases d’un environnement unifié, associant standardisation open source, services gérés et intégration native des agents d’IA. Une orientation qui pourrait accélérer l’agentification des plateformes analytiques dans les prochains mois.