Internet irrigue l’économie mondiale et la vie quotidienne de milliards d’habitants de la terre, pourtant son infrastructure physique reste d’une étonnante fragilité. Déployés à travers les océans, les câbles sous-marins acheminent plus de 98 % du trafic mondial de données, selon TeleGeography.

Pourtant, ces artères invisibles de la mondialisation numérique sont régulièrement la cible de sabotages ou victimes d’incidents accidentels. À l’ignominie d’agissements voyous
— comme les coupures volontaires par ancrage de navires opérant dans les zones
sensibles — s’ajoutent désormais les pannes, défaillances naturelles et catastrophes météorologiques.

Dans ce contexte, le dernier rapport trimestriel de Cloudflare apporte un éclairage saisissant sur la vulnérabilité du réseau mondial. De janvier à mars 2025, les perturbations liées aux câbles sous-marins ont marqué plusieurs régions stratégiques du globe, soulignant à quel point ces infrastructures demeurent critiques — et exposées.

Pakistan et Syrie : des câbles essentiels brutalement coupés

L’étude de Cloudflare revient notamment sur la défaillance du câble sous-marin AAE-1 (Asia-Africa-Europe-1) à proximité du Qatar, ayant lourdement affecté la connectivité au Pakistan début 2025. Ce câble, long de 25 000 kilomètres et reliant l’Asie du Sud-Est à l’Europe en passant par le Moyen-Orient, est vital pour le trafic international des données dans la région.

En Syrie, le 23 et 24 janvier derniers, des actes de sabotage ont plongé une large partie du pays dans l’isolement numérique. Syria Telecom, principal opérateur local, a vu son trafic s’effondrer de 90 %, signe que la majeure partie du réseau était rendue inaccessible. Cet incident confirme que, dans des contextes politiques instables, les câbles sous-marins constituent des cibles privilégiées pour affaiblir les communications et semer
le chaos économique.

Ces événements résonnent avec d’autres cas documentés ces derniers mois, comme en octobre 2024, lorsque des câbles reliant l’Europe du Nord avaient été sectionnés, selon les autorités finlandaises, vraisemblablement par des navires d’origine étatique.

Catastrophes naturelles : les câbles, victimes collatérales du climat

À ces actes délibérés s’ajoutent les ravages des catastrophes naturelles. Lors de la tempête Eowyn qui a frappé l’Irlande fin janvier, Cloudflare a observé une chute de 75 % du trafic Internet dans les provinces du Connacht et de l’Ulster, en raison de coupures d’électricité généralisées. Les infrastructures terrestres ayant été affectées, la dépendance aux interconnexions sous-marines est apparue plus criante que jamais.

Sur l’île de la Réunion, le cyclone Garance, survenu le 28 février, a provoqué d’importants dégâts matériels, endommageant les infrastructures électriques et télécoms. La connectivité Internet de l’île a été perturbée plusieurs jours, fragilisant tant les entreprises locales que les administrations.

Quand les cyberattaques exploitent la fragilité des réseaux

Le rapport met également en lumière une autre menace : les cyberattaques qui visent les fournisseurs d’accès eux-mêmes. Le 7 janvier, en Russie, l’opérateur Nodex a subi une attaque informatique massive, revendiquée par l’Ukrainian Cyber Alliance. Si la coupure a été rapidement maîtrisée, elle illustre la convergence des risques physiques et numériques qui pèsent sur l’infrastructure mondiale.

À travers ces incidents, Cloudflare rappelle que si aucun gouvernement n’a imposé de coupure nationale au premier trimestre 2025 — une tendance rare et encourageante —, la fragilité structurelle des câbles sous-marins reste préoccupante. À titre d’exemple, la coupure d’un seul câble dans l’océan Atlantique peut entraîner des ralentissements sensibles en Europe de l’Ouest et en Afrique de l’Ouest.

La sécurisation de ces infrastructures devient donc une priorité stratégique. À ce jour, la surveillance active des câbles reste limitée, et leur réparation, en cas de rupture, coûte en moyenne entre 1 et 3 millions de dollars par incident, sans compter les pertes
économiques indirectes.