À Munich, Deutsche Telekom construit avec Nvidia une AI Factory à très haute capacité, destinée à renforcer la souveraineté numérique de l’Allemagne et de l’Europe. Conçue pour l’entraînement et l’inférence à grande échelle, l’infrastructure permettra l’hébergement sécurisé de services à forte valeur ajoutée, comme les solutions SAP. Cette démarche offensive s’inscrit dans un projet industriel de longue portée, adossé à un écosystème souverain et interopérable.
Grâce à son partenariat d’un milliard d’euros avec Nvidia, Deutsche Telekom franchit un cap en tant que fournisseur européen : construire une AI Factory capable d’absorber la demande exponentielle en ressources IA tout en garantissant l’intégration d’un socle technologique européen. L’annonce intervient dans un contexte de fragmentation géopolitique et de tension sur les ressources de calcul, où les grandes puissances s’équipent à marche forcée pour ne pas dépendre des infrastructures exogènes.
Le cœur du projet repose sur l’installation, dans un centre de données rénové à Munich, de plus de 1 000 systèmes Nvidia DGX B200 et RTX PRO Servers, soit jusqu’à 10 000 GPU Blackwell interconnectés via 75 kilomètres de fibre optique. La puissance cible atteindra 0,5 exaflops, accompagnée d’une capacité de stockage de 20 pétaoctets. Il s’agit là de l’une des plus importantes plateformes d’IA industrielle européennes, dimensionnée pour répondre aux besoins des entreprises, des administrations et des prestataires souverains. Le site, opéré avec le partenaire Polarise, entrera en service dès le premier trimestre 2026.
Un socle souverain pour l'entraînement et l’inférence
Ce projet est à mettre en perspective avec le déficit structurel européen en matière de capacités de calcul haute performance. Alors que les États-Unis disposent d’au moins cinq fermes IA classées exascale et que la Chine développe une architecture cloisonnée à vocation stratégique, l’Europe peine à structurer son autonomie opérationnelle. L’initiative allemande fait figure de pionnier assumé, une sort de navire rapide et agile, lancé en parallèle du projet européen d’AI Gigafactories. Elle pourrait préfigurer une réallocation plus pragmatique des ressources européennes, au profit d’acteurs industriels en mesure d’agir vite, dans un cadre de conformité défini.
Le projet dépasse le simple renforcement des capacités de calcul. Il prévoit explicitement l'entraînement de modèles de langage de grande taille (LLM), le déploiement de modèles d’inférence massivement parallélisés, et l’optimisation des processus industriels par simulation 3D. Les bibliothèques Nvidia Omniverse y seront intégrées pour permettre la conception de jumeaux numériques d’usines, de produits ou de chaînes logistiques. Ces usages ouvrent la voie à des simulations à coût marginal quasi nul, comme des crash tests virtuels ou des essais dans des tunnels de vent numériques. Une rupture opérationnelle qui réconcilie productivité et souveraineté.
Dans le prolongement de cette infrastructure, Deutsche Telekom prévoit également un accompagnement complet pour ses clients : connexion sécurisée au T Cloud, transfert de modèles, intégration applicative, conformité réglementaire, et déploiement métier. L’opérateur entend proposer un environnement industrialisé où les fonctions de calcul IA sont directement raccordées aux processus au cœur de l’activité du client. En ce sens, la démarche répond aux enjeux identifiés par les DSI et les architectes métiers : mutualisation, mise à l’échelle, et mise en conformité by design.
Une Deutschland-Stack avec SAP
Le projet s’adosse à un socle technologique structurant, le « Deutschland-Stack ». Cette pile souveraine associe les infrastructures physiques de Deutsche Telekom aux solutions de la SAP Business Technology Platform, intégrant l’IA embarquée, des connecteurs métiers et un sécurité applicative. Le duo entend proposer une alternative locale aux plateformes cloud généralistes, notamment pour les secteurs régulés ou à données sensibles.
Cette pile pourra héberger l’ensemble des applications numériques à destination des entreprises et des institutions publiques allemandes. Le couplage entre le T Cloud, l’AI Factory et la SAP BTP garantit ainsi une chaîne de valeur 100 % européenne, interopérable et auditable. Ce socle prend tout son sens dans un contexte où l’Allemagne, forte d’un tissu industriel dense mais confronté à des défis de compétitivité, cherche à moderniser rapidement ses capacités productives. La plateforme constitue alors bien plus qu’une infrastructure, elle devient un levier stratégique pour sécuriser la réinvention des chaînes de valeur industrielles, en alliant souveraineté technologique, agilité d’innovation et maîtrise logicielle.
Un écosystème déjà en place, prêt à déployer ses applications IA
Plusieurs entreprises ont d’ores et déjà manifesté leur volonté d’exploiter l’AI Factory. C’est le cas d’Agile Robots, dont les systèmes seront utilisés pour installer physiquement les racks dans le datacenter de Munich, mais aussi pour entraîner des robots spécialisés dans les tâches de polissage et d’assemblage en milieu industriel. Ce lien entre l’outil de production et la plateforme d’entraînement incarne une vision intégrée de la chaîne de valeur IA, depuis la simulation jusqu’à l’exécution physique.
Le modèle proposé par Deutsche Telekom repose sur une ouverture à des tiers, startups comme grands comptes, souhaitant entraîner, héberger ou déployer leurs modèles dans un environnement souverain. Cette approche écosystémique renforce l’attractivité de la plateforme, notamment pour les éditeurs de logiciels spécialisés, les intégrateurs IA, ou encore les industriels développant leurs propres agents autonomes. La logique de plateforme se conjugue ici avec une exigence de traçabilité, de transparence algorithmique et d’interopérabilité européenne.

























































