Après le rachat de Cloudwatt par Orange (exit !), voici que Numergy s'est placé sous procédure de sauvegarde. Décidément, déjà mal engagés à l'origine, les projets de clouds souverains à la française ne peuvent que sombrer dans l'oubli. Vite, tournons la page et limitons leur souffrance !

Vous nous savez critiques sur les projets de clouds souverains à la française. Mais l'actualité de Cloudwatt hier, et de Numergy aujourd'hui, ne peut que nous donner raison. Et si Orange a résolu le problème Cloudwatt à coup de millions d'euros, SFR-Numéricable et Bull-Atos, les deux principaux actionnaires de Numergy – le troisième étant l’État français – n'ont semble-t-il pas fait grand-chose pour éviter que le projet ne se termine sans gloire.

Il faut dire que l'état du nuage Numergy... n'a jamais empiré ! Il est toujours resté dans un état larvaire, indigne du glorieux projet porté, et des 75 millions d'euros investis (dans chacun des projets) par l’État. Et lorsqu'en septembre dernier, Philippe Tavernier, président exécutif de Numergy, claironnait la croissance de l'entreprise, 78 %, il oubliait de signaler qu'elle partait de tellement bas que ce chiffre n'a aucune valeur. Car en 2014 Numergy a réalisé un chiffre d'affaires de 2 millions d'euros. Ridicule !

Si l'idée originale n'était pas mauvaise en soi, favoriser l'émergence d'un cloud français pour faire face aux géants Amazon, Microsoft, Google ou encore IBM, l'opération a été menée à la manière d'un Plan Calcul étatique voué à l'échec. Les querelles ente les industriels - Dassault Systèmes, Orange et SFR, le premier jetant l'éponge en cours de route - auraient dû mettre la puce à l'oreille des représentants de l'Etat. Et le choix final très politique, à la veille des dernières élections présidentielles, de soutenir deux projets, certes n'a pas fait de jaloux, mais en revanche il était un non-sens économique.

Et surtout, en procédant de la sorte, le gouvernement de l'époque a fermé la porte aux 'petits' opérateurs de cloud français qui auraient pu exploiter cette manne pour créer, accélérer, renforcer un véritable écosystème de cloud régional.

Au lieu de cela, les deux plus grands acteurs français des télécoms se sont partagé le pactole, Orange créant Cloudwatt et SFR créant Numergy. Le premier s'est fait remarquer en se lançant dans le projet de créer 'from scratch' une plateforme OpenStack, alors qu'à l'époque la plateforme open source était très loin de la stabilité. Le second a racheté la plateforme de cloud que SFR avait initiée précédemment, l'argent investi par l’État n'a pas été perdu pour tout le monde ! En revanche Numergy est ainsi parti perdant, sans les moyens initialement annoncés.

Aujourd'hui, alors que le cloud est devenu une préoccupation de toutes les organisations, que le marché ne cesse de s'étendre, les ambitions de Numergy restaient très en deçà des capacités du marché. De 2 millions d'euros en 2014, Philippe Tavernier prévoyait 6 millions en 2015 et 10 millions en 2016. Tout en tenant à rappeler que le marché naissant du IaaS français serait largement surévalué… sous-entendu les objectifs fixés sont intenables !

La patron attend de ses actionnaires qu'ils prennent leurs responsabilités. On a cependant du mail à imaginer SFR (soumis aux ambitions mais aussi aux difficultés de Numéricable et de son patron), Atos (qui a préféré consolider son offre de cloud avec l'acquisition de Bull), ou l’État (déjà heureux qu'Orange ait repris Cloudwatt en remboursant la mise et en limitant la casse !) venir au secours du canard boiteux. Et l'on se dit parfois qu'il est plus raisonnable d'abattre un animal blessé… A la condition que les porteurs du projet assument leurs responsabilités. Il est à craindre que l'on en soit bien loin !