En clôture de la conférence des visionnaires de la Cloud Week Paris, Luc Ferry et Zak Allal ont débattu sur le thème « Après les objets connectés, l’homme connecté…? ». Enfin, si l'on peut parler de débat lorsque les opinions des protagonistes se rejoignent !

Que peut-on attendre d'un débat sur l'homme connecté dont les duellistes sont Luc Ferry, philosophe et ancien ministre de la Jeunesse, de l’Education nationale et de la Recherche, et Zak Allal, brillant universitaire d'Harvard et Oxford, également pianiste renommé, qui enseigne la médecine du futur et les neurosciences à l’Université de la Singularité créée par Google ? Un intérêt certain, à la vue de la qualité des protagonistes, mais également beaucoup d'inquiétudes, et un peu de polémique…

Le philosophe face à l’Université de la Singularité

L’Université de la Singularité est, dans l'esprit de beaucoup d'observateurs, associée au courant transhumaniste par son fondateur, le controversé Ray Kurzwel, professeur au MIT et Directeur de l'ingénierie de Google. Celui-ci, auteur de nombreux ouvrages sur la santé, l'intelligence artificielle, et la futurologie, également consultant auprès de l'armée américaine, s'est prononcé dans le cadre de l’Université de la Singularité sur l'allongement de la durée de vie « jusqu'à mille ans », ce qui a eu pour résultat une forte levée de boucliers contre le projet de Google.

Mais Zak Allal, avec finesse, a très rapidement pris ses distances avec la controverse, tout comme avec le discour de Kurzwel, pour ramener le débat autour des technologies qui vont bouleverser nos vies dans les 10 ans à venir. Le résultat de ce débat, pour détonnant qu'il soit, a largement profité de la forme de Luc Ferry, de toute évidence heureux de dialoguer avec un Zak Allal d'une grande intelligence, mais plutôt consensuel. Débat qui n'a pas pris la forme du duel attendu. Le haut niveau des échanges a cependant largement compensé l'absence d'opposition. Qu'en est-il ressorti ?

Luc Ferry

Luc Ferry n'a pas manqué de fustiger nos politiques. Ainsi fait-il le constat en France de l'absence de débat profond sur les technologies émergentes. « Les personnes sont dans le déni ou dans l'ultra utopie numérique. L'innovation ne vient plus seulement des ingénieurs. Nous assistons à la révolution des technologies connectées entre elles et qui vont aller vers le solutionisme. Quant à l'évolution de l'économie collaborative, elle n'est rendue possible que par le big data. Les technologies vont bouleverser nos vies dans les 10 ans à venir. A la condition de penser au service rendu au consommateur, par opposition à la pensée européenne qui va à la protection du citoyen ».

Zac Allal

Dans ses interventions, Zak Allal se recentrera régulièrement sur l'objet du débat. « Le transhumanisme passera par le canal de l'amour. Chez les transhumanistes, le principal argument c'est la loi de Moore. Mais c'est une erreur fondamentale de la transposer vers les sciences. On ne résoudra pas tous les problèmes de l'humanité, mais il y aura des solutions. Est-ce que l'homme amélioré sera plus humain ? On ne va pas transformer l'humain en moyen, il faut qu'il conserve son humanité. Mais il ira plus vite que nos politiques. L’Université de la Singularité enseigne les technologies émergentes. Le cerveau reste à découvrir, nous en avons une connaissance très limitée. Nous devons utiliser l'intelligence artificielle pour comprendre le fonctionnement du cerveau ».

« Nous devons adopter une attitude plus sage », tempère Luc Ferry, qui propose l'adoption d'une charte de l'utilisation éthique des technologies émergentes. « La France a l'opportunité d'avoir une singularité, une renaissance numérique. Elle doit profiter de la convergence des TIC. C'est l'innovation qui tire la croissance, mais elle est destructrice car elle renvoie le passé aux oubliettes. L'uberisation va-t-elle entrainer la fin du travail ou aboutir à une croissance 0 ? Sommes nous à une époque équivalente à celle de le renaissance ? Les nouvelles technologies vont entrainer une fort croissance. Nous devons modifier nos technologies d'alphabétisation, afin de comprendre la programmation et le fonctionnement des objets connectés. Et réfléchir également aux freins technologiques. Y remédier, c'est bien, à la condition de comprendre pour trouver les causes. La logique culturelle américaine est de conquête, elle est absente de la France. Il nous faut refondre l'état d'esprit de l'entreprenariat en France. L'homme connecté va évoluer vers l'homme employeur de lui même ».

Et Zak Allal de conclure sur « la conversion des métiers vers les gestionnaires de données. A l'exemple de la chirurgie hybride, des chirurgiens qui vont devenir des pilotes de robots chirurgiens... »