« Développer des interfaces cerveau-machine à large bande passante pour connecter les humains et les machines », tel est le rêve d’Elon Musk. L’homme n’en étant pas à son coup d’essai en matière d’annoncesspectaculaires suivies de résultats, il est donc à prendre au sérieux.On sesouvient de l’effet d’annonce de son tunnel à très grande vitesse, Hyperloop. Celui-ci est en cours de construction à Las Vegas et devrait être opérationnel l’année prochaine, selon son créateur.

Lors d’une présentation en ligne, Elon Musk a montré les dernières avancées de sa société Neuralink en matière d’implants dans le cerveau. L’objectif de l’entreprise est de construire un implant neural capable de synchroniser le cerveau humain avec de machines faisant tourner de l’IA. L’implant permettrait ainsi de contrôler des ordinateurs, des prothèses et d’autres machines en utilisant uniquement les pensées. Elle redonnerait à des malades par exemple, Alzheimer, épilepsie, la possibilité de recouvrer une partie des capacités de leurs cerveaux.

« C’est comme un Fitbit dans votre crâne »

Pour ce faire, Neuralink a fabriqué un implant neural autonome qui peut transmettre sans fil l’activité cérébrale du cerveau sur lequel il est branché. Elon Musk a insisté sur le fait que l’implant était autonome et invisible, contrairement aux expériences similaires qui ont lieu actuellement. « C’est comme un Fitbit dans votre crâne, avec des fils minuscules », a-t-il déclarédurant sa présentation.Pour appuyer sa démonstration, il a montré trois cochons-cobayes dont l’un, Gertrude, portait l’implant. Un écran placé au-dessus du porc diffusait l’activité électrique du cerveauenregistrée par l’appareil en temps réel.

L’objectif de cette démonstration était principalement destiné à démontrer l’innocuité de l’implant pour un mammifère, bien plus que de démontrer la faisabilité de l’expérience (ce qui a déjà été fait par ailleurs). Cettedémonstration marque une étape importante pour obtenir les autorisations nécessaires pour passer à l’expérimentation sur des humains. Par ailleurs, le fait de montrer l’activité du cerveau en temps réel n’est pas nouveau. C’est l’étape suivante qui représente le véritable défi : celle de pouvoir lire, ou du moins interpréter, les pensées via le décodage des signaux électriques.

Le cerveau humain peut désormais être piraté

D’un autre côté, cet implant étant connecté via Bluetooth, les questions relatives à la sécurité des transmissions restent entières. Grâce à ces implants, le cerveau humain, la conscience profonde à l’œuvre chez les humains, peut être piraté comme un vulgaire ordinateur, ce qui pose des questions qui vont bien au-delà de la « sécurité des données cervicales » ou de la violation de la « conscience privée ». De plus, si les échanges sont bidirectionnels, il devient possible d’injecter des pensées ou des informations à un cerveau piraté.

Au-delà du côté spectaculaire de la présentation en elle-même, Elon Musk a le mérite de soulever des questions qui devront être tranchées, avant tout passage à une « implantation de masse ». Le côté spectaculaire et la notoriété d’Elon Musk confèrent à cette présentation un côté théâtral, mais elle permet de rentrer de plain-pied dans les questions soulevées par le fameux homme augmenté des transhumanistes. Encore une fois, Elon Musk fait sortir ce genre d’expérimentation des laboratoires académiques à la scène mondiale du débat public.

À lire les réactions sur les réseaux sociaux, deux réponses extrêmes se détachent, avec très peu d’avis intermédiaires : la première, horrifiée, estime que c’est la fin de la civilisation telle que nous la connaissons ; la seconde trouve que cette avancée est porteuse d’espoir pour les malades et les invalidités causées par les maladies du cerveau. En tout cas, il est certain que nous atteignons là une espèce d’horizon de la singularité (pour emprunter l’expression d’un intervenant sur les réseaux sociaux). Au-delà de cet horizon, c’est la porte ouverte à toutes sortes de possibilités, et c’est là que réside la singularité.