Orange a annoncé son projet de rachat de 100 % des parts de Thalès et de la Caisse des Dépôts dans Cloudwatt. Un vrai/faux coup de théâtre (politique?) sur un secteur, le cloud souverain, condamné d'avance !

Nous aurions pu sous-titrer « Lorsque le nuage et la politique ne font pas bon ménage », ou encore vous offrir la recette d'un « Gâchis de nuage à la française », ou pour en finir avec cette histoire « La fin du cloud souverain »… Après Numergy, qui en avril 2014 a naturellement basculé de SFR et Bull au luxembourgeois Altis (Numericable/SFR) et à Atos-Bull, la CDC conservant sa participation de 33,3 %, c'est au tour de Cloudwatt d'envisager fortement de changer son actionnariat et de voir Thalès et la Caisse des Dépôts disparaître de son capital, repris par le troisième larron à son origine, Orange.

Des changements étaient attendus sur le secteur du cloud souverain en situation d'échec. Rappelons que ses deux acteurs Cloudwatt et Numergy sont issus des grands projets du précédant gouvernement, l’État ayant financé une partie de ces clouds publics via une participation au capital de la Caisse des Dépôt (CDC) et un financement de 75 millions d'euros accordé à chacun d'eux. Mais là où un rapprochement entre les deux entités était un temps envisagé par la secrétaire d'Etat chargée du Numérique Axelle Lemaire – qui aurait permis de limiter les dégâts mais abandonné après les rachats de SFR et de Bull -, coup de théâtre ou effet de scène, c'est finalement Orange, à la tête du projet initial, qui reprendra Cloudwatt.

Des nuages plus gros que le cloud

Fortement critiquée car jugée peu réaliste, trop ambitieuse, manquant de compétences, sur un marché mal maitrisé et à la concurrence extrêmement forte, la création des deux clouds souverains a été précipitée en 2012, avant la fin du mandat du gouvernement et du Président de l'époque, qui a retenu deux consortiums (un aurait certainement suffi) à l'issue de négociations laborieuses. Et à la barbe de l'écosystème pourtant actif des clouds français (OVH, Ikoula, Gandi, etc.). Le geste était donc fortement teinté de politique.

Il fut suivi pour Numergy d'un transfert de fonds vers SFR, en tête de ce consortium, qui lui a revendu son infrastructure cloud. Et pour Cloudwatt de près de deux années d'errements à s'entêter à vouloir construire from scratch une plateforme de cloud sous Openstack (lire « Cloudwatt OpenStack, eNovance se vend à Red Hat, la fin du grand bluff ! ».

Et surtout, la cible privilégiée du cloud souverain - destiné à des clients qui recherchent un service garanti franco-français, en particulier les services publics - n'a pas (pas pu faute d'une offre décente ?) accroché aux offres et a continué d'évoluer sur ses propres infrastructures. On ne le leur reprochera pas, tant les offres de Numergy n'étaient pas adaptées et celles de Cloudwatt ont longtemps laissé l'image de chimères !

La patte de l’État est-elle derrière Orange ?

Et voici qu'Orange met fin au suspens en annonçant son projet de racheter, avant la fin du mois, les participations de Thalès (22,2%) et de la Caisse des Dépôts (33,3%) dans Cloudwatt. Orange reprendrait donc la totalité des titres, des actifs et des équipes de Cloudwatt. Une opération qui s'est préparée dans le plus grand secret. Et semble-t-il sans que Didier Renard, le remplaçant du sympathique mais débordé par les incompétences de ses partenaires Patrick Stark, à la tête de Cloudwatt n'ait eu un grand rôle à jouer, ce que l'on ne lui reprochera pas tant il a peu brillé depuis sa prise de pouvoir !

On ne peut s'empêcher d'entrevoir l’État Français derrière cette opération. Le cloud souverain à la française est un échec. Mais dans le même temps, le gouvernement souhaite probablement éviter que cela se crie sur tous les toits. Même s'il ne trompe personne. La reprise de Cloudwatt par Orange, après le changement de l'actionnariat de Numergy, serait donc un moindre mal. Le cloud souverain lave son linge sale en famille, en quelque sorte ! Quid des 150 millions d'euros versés ?

Quel avenir pour Cloudwatt ?

L'intégration de Cloudwatt dans Orange - dans OBS ou en marge de la division des services de l'opérateur ? - devrait pouvoir se faire rapidement. Les deux équipes se connaissent, les infrastructures du premier sont hébergées chez le second. Le positionnement de Cloudwatt sur les PME – après avoir un temps envisagé de séduire les particuliers - se révèle complémentaire de celui d'OBS sur les grands comptes et les ETI. Le communiqué d'Orange souligne d'ailleurs cette complémentarité et l'opportunité d'accélération de son déploiement en France et en Europe (!). Remarquons en revanche que Cloudwatt est une coquille technologique issue d'un cuisant échec, et qu'Orange paie fort pour acheter pas grand-chose !

Mais la vraie interrogation porte sur la distribution de l'offre Cloudwatt. Partie sur une distribution directe, portée un temps dans sa communication par le sympathique judoka Teddy Riner, mais handicapée par un catalogue qui s'est longtemps limité à une offre – gratuite qui plus est ! - de stockage de données pour les PME, Cloudwatt a fini par virer sa cuti. Et comme son concurrent a commencé à construire son réseau de vente indirecte. Mais celui-ci suivra-t-il ? OBS fait figure de grand méchant loup, Cloudwatt avait l'avantage de proposer une offre considérée comme concurrente… On attendra également la réaction des équipes d'OBS sur le terrain. Quant à Numergy, elle ne manquera pas d'aller prospecter sur les platebandes (distributeurs) de son concurrent...