La perspective de doter un robot d’un statut juridique propre ne fait pas l’unanimité en Europe. Dans son rapport, l’eurodéputée Mady Delvaux a énoncé cette possibilité, tout de suite répondue par une lettre signée par plus de 200 personnalités rassemblant juristes et scientifiques. Ces derniers qualifient la proposition d’inappropriée. Le collège de juristes et scientifiques estime qu’il s’agit d’un moyen pour détourner la responsabilité des constructeurs en cas de dommages causés par ces robots. Et que le jour où le robot disposera d’un statut autonome, l’enquête sera difficile pour établir la responsabilité d’un fait.

Bien que le rapport de Mady Delvaux propose deux solutions pour dédommager les victimes en cas de dégâts, les juristes ne l’entendent pas de la même oreille. « Vous ne voulez pas que de l'argent quand vous allez en justice », scande Ryan Calo, un professeur de droit à l’Université de Washington et chercheur à Stanford et Yale. Il poursuit en insistant que « Vous voulez une explication. Vous voulez que quelqu'un soit puni. Pour obtenir satisfaction, vous ne pouvez pas condamner seulement un robot ».

Serge Tisseron, auteur d’un livre tournant autour de la cyberpsychologie, a pour sa part souligné que procurer un statut juridique au robot aurait pour suite qu’ « on risquerait de ne plus se poser la question de la responsabilité du constructeur. Or, le seul moyen de faire progresser l'innovation est justement de s'interroger sur la nature d'un problème ». De son côté, Ryan Calo insiste « Si vous commencez à leur reconnaître une existence juridique, vous finirez forcément par leur donner des droits ». Ce que conteste Mady Delvaux en déclarant que « Le but n'est pas de donner un statut humain et des droits aux robots. Un robot est une machine et ne sera jamais considéré comme un humain ».

Expliquant son rapport, Mady Delvaux a annoncé qu’elle s’était juste basée sur le statut juridique des entreprises. Mais Serge Tisseron lui a aussitôt répondu en disant qu’ « Une société ne se mettra jamais devant vous, ne vous parlera jamais, ne vous regardera jamais dans les yeux. Il n'y a pas d'ambiguïté : elle n'a pas de corps ». Il va même jusqu’à dire que « Dans l'esprit des gens, le risque de glisser de la personnalité juridique à la personnalité tout court est considérable ».

Du côté des scientifiques, ils ne sont pas tous contre l’idée d’accorder une personnalité juridique à une machine. Seth Baum, chercheur à l’Institut du Risque de Catastrophe Globale (IRCG), estime que les robots pourront bénéficier d’un statut juridique. Mais pour lui, ce dernier doit varier selon les robots. Pour lui, chaque modèle doit disposer d’un droit propre.

Mais les contestataires s’accordent à dire que pour l’heure, les robots ne sont pas assez intelligents pour mériter d’avoir un droit. Ryan Calo n’a d’ailleurs pas mâché ses mots « Si on leur donne un statut de personne juridique, autant en avoir un pour les marteaux ». Mady Delvaux n’en démord cependant pas de sa proposition et reste confiante « Plusieurs pays européens commencent déjà à avoir des législations spécifiques pour les drones, ou les voitures autonomes ».

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