Après s’être solidement installé comme fournisseur incontournable du marché de la pile technologique de l’intelligence artificielle, Nvidia amorce une nouvelle phase d’expansion : la conquête du « Physical AI » et de la robotique industrielle. L’entreprise, qui domine déjà l’écosystème des modèles et des infrastructures de calcul inférentiel, déploie désormais des outils, des modèles et des plateformes destinés à entraîner, simuler et déployer des robots capables d’interagir avec le monde physique.
Avec cette offensive, Nvidia entend reproduire dans la robotique la dynamique qui lui a permis de s’imposer comme standard incontournable de l’IA générative et de l’IA d’entreprise. Ce mouvement s’inscrit dans une dynamique plus large où d’autres géants technologiques, de Google à Amazon en passant par Microsoft, chacun avec sa propre stratégie et ses priorités sectorielles, explorent les opportunités de la robotique.
Omniverse évolue pour intégrer la robotique
Déjà positionné comme environnement de référence pour la conception et la simulation 3D collaborative, le SDK Omniverse s’enrichit de nouvelles bibliothèques capables de reproduire les environnements physiques à partir de données de capteurs. Basées sur le« ray-traced 3D Gaussian splatting », ces bibliothèques baptisées NuRec facilitent la reconstruction réaliste de scènes et s’intègrent nativement à Universal Scene Description (OpenUSD), un standard ouvert désormais adopté par un nombre croissant d’acteurs industriels. Nvidia renforce également l’interopérabilité avec MuJoCo, la plateforme de simulation robotique utilisée par plus de 250 000 développeurs.
Les cadres de simulation Isaac Sim 5.0 et Isaac Lab 2.2 bénéficient de ces avancées et introduisent de nouvelles conventions OpenUSD pour décrire robots et capteurs. L’objectif est de réduire l’écart entre simulation et réalité (Sim2Real), un enjeu critique pour entraîner et tester des systèmes robotiques sans coûts matériels excessifs ni risques opérationnels.
Cosmos, un modèle de monde pour le Physical AI
Nvidia dévoile aussi Cosmos, une plateforme de modèles du monde conçue pour générer des données synthétiques réalistes, intégrant les lois de la physique et capables de nourrir l’entraînement d’une IA robotique ou d’un véhicules autonomes. Ce modèle, proposé sous licence ouverte, est pensé pour accélérer la planification et le raisonnement spatial. Il se distingue par des performances de traitement massives : avec NeMo Curator, il peut analyser et étiqueter jusqu’à 20 millions d’heures de vidéo en deux semaines sur GPU, contre plus de trois ans sur CPU. Son module Cosmos Tokenizer compresse les visuels et les vidéos huit fois mieux que les outils existants, tout en étant douze fois plus rapide.Plusieurs entreprises, parmi lesquelles Boston Dynamics, Figure AI ou Hexagon, utilisent déjà cette technologie pour concevoir et entraîner leurs systèmes. Nvidia s’assure ainsi une présence stratégique auprès de pionniers de la robotique, qui pourront ensuite déployer leurs solutions sur les infrastructures de calcul de Nvidia.
Infrastructures de calcul et industrialisation
Pour soutenir ces nouvelles charges de travail, Nvidia met en avant ses serveurs RTX Pro Blackwell et son service DGX Cloud, capables de faire tourner simultanément des simulations complexes, de la modélisation 3D et des entraînements IA intensifs. Cette approche répond aux besoins des industriels qui souhaitent passer rapidement du prototypage virtuel à la mise en production.Les démonstrations réalisées avec Mega Blueprint, une solution de simulation de flottes robotiques dans des jumeaux numériques, illustrent cette convergence. Hyundai Motor Group, Mercedes-Benz, Foxconn ou Schaeffler utilisent déjà ces environnements virtuels pour concevoir, tester et optimiser des robots humanoïdes, des bras manipulateurs ou des systèmes logistiques automatisés. Les intégrations annoncées avec Siemens, Accenture, Dematic, SAP, Omron, Ansys, Databricks ou Schneider Electric confirment la volonté de Nvidia d’inscrire Omniverse et Cosmos au cœur des processus industriels.
Nvidia se place en pivot du marché
Avec cette offensive, Nvidia se positionne sur l’ensemble de la chaîne de valeur, allant des puces aux modèles, en passant par les outils de simulation et l’infrastructure cloud, y compris la génération de données et la standardisation des formats via OpenUSD. Cette maîtrise verticale constitue un avantage compétitif face aux concurrents susceptibles de développer leurs propres solutions matérielles et logicielles.Sur le plan du marché, l’entreprise cible un segment en forte expansion : la robotique et l’automatisation industrielle, dont la valeur pourrait atteindre plusieurs milliers de milliards de dollars dans la prochaine décennie. Jensen Huang, son PDG, évoque une « nouvelle frontière » pour l’IA, où le monde physique devient le terrain d’application direct des modèles d’apprentissage. L’adoption rapide par des industriels majeurs, combinée à l’effet de réseau créé par les partenariats stratégiques, renforce la probabilité de voir Nvidia imposer ses standards dans le domaine.
Dans les mois à venir, la capacité de Nvidia à fédérer un écosystème autour d’Omniverse et de Cosmos, tout en maintenant un rythme soutenu d’innovation matérielle, sera déterminante pour consolider sa position. L’entreprise mise clairement sur une convergence entre jumeaux numériques, IA générative et robotique intelligente, avec l’ambition de devenir la plateforme de référence pour l’ingénierie et l’orchestration des systèmes physiques autonomes.