Le trafic des agents IA n’est plus marginal : selon DataDome, il a plus que triplé en six mois, passant de 2,6 % à 8,2 % de l’ensemble du trafic automatisé détecté chez ses clients. L’entreprise a notamment enregistré 1,2 milliard de requêtes émanant des crawlers d’OpenAI rien qu’en juin 2025. En parallèle, TollBit affirme avoir multiplié par vingt le nombre de bots redirigés vers ses « péages » sur les 2 200 sites de son réseau depuis le début de l’année. Ces chiffres traduisent une inflexion majeure dans la gestion
du trafic numérique.
Fondée en 2023 et basée à New York, TollBit est une plateforme qui opère comme une place de marché bipartite : d’un côté, les éditeurs de contenu (médias, blogs, etc.), et de l’autre, les opérateurs d’IA et les navigateurs automatisés (agents ou bots). Sa proposition est de permettre aux agents IA de payer pour accéder aux contenus en échange d’un accès éthique et sécurisé.
Face à cette évolution, DataDome, fournisseur français de protection contre la cyberfraude, s’associe à TollBit pour permettre aux entreprises de ne plus seulement subir le scraping de leurs contenus, mais d’en reprendre le contrôle et d’en tirer un revenu direct.
Vers une nouvelle chaîne de valeur du trafic IA
Alors que les bots traditionnels se contentaient d’indexer ou de sonder les sites de manière rudimentaire, les agents IA reproduisent aujourd’hui des comportements humains : navigation fluide, extraction ciblée de contenus, interactions transactionnelles. Cette mutation rend les solutions de filtrage classiques obsolètes. Le moteur de détection multicouche de DataDome analyse désormais l’intention plus que l’identité, une orientation rendue nécessaire par l’hybridation croissante des usages.Grâce à leur intégration native, DataDome et TollBit proposent une chaîne complète : détection en temps réel, filtrage des bots malveillants, identification des agents IA conformes et ouverture d’un canal de monétisation. Le système permet d’appliquer des règles d’accès dynamiques, de fixer des tarifs personnalisés pour les agents identifiés, et d’autoriser ou non les requêtes selon des critères métiers ou réglementaires. C’est une réponse opérationnelle aux tensions économiques et juridiques générées par l’explosion du scraping à visée générative.
Un positionnement stratégique dans l’écosystème IA
Pour DataDome, ce partenariat rentre dans une stratégie plus large de renforcement de sa plateforme comme point de contrôle avancé du trafic IA. L’entreprise, qui bloque plus de 400 milliards d’attaques par an, cherche à capter une nouvelle valeur sur un segment en plein essor : celui des IA qui consomment massivement du contenu en ligne pour s’entraîner, générer ou répondre. En misant sur l’interopérabilité avec des services comme TollBit, elle élargit sa proposition de valeur au-delà de la seule cybersécurité, vers des enjeux de monétisation, de conformité et d’analyse comportementale.Du côté de TollBit, cette alliance avec un acteur européen de premier plan renforce sa crédibilité auprès des éditeurs et sites d’information, particulièrement sensibles aux enjeux de souveraineté et de rétribution du contenu à l’heure des LLM. La plateforme ambitionne de devenir un standard technique de la « juste rétribution » des éditeurs face aux intelligences artificielles exploratrices.
Vers une régulation implicite par la technologie
Le partenariat DataDome-TollBit reflète une dynamique de régulation déléguée, où la technologie précède la norme. En installant des mécanismes de monétisation par défaut pour les bots IA conformes, il incite les éditeurs à se doter de solutions proactives, sans attendre une législation incertaine ou fragmentée. Cette approche pourrait préfigurer une forme d’éthique embarquée dans les flux numériques, où chaque requête IA serait traçable, authentifiée et rémunérée.Reste à savoir si les grands utilisateurs d’IA, éditeurs de modèles, fournisseurs de services, plateformes conversationnelles, accepteront d’emblée ces règles du jeu. La question reste entière : les grandes entreprises d’IA accepteront-elles de se plier à ce nouveau cadre d’accès rémunéré au contenu en ligne, ou chercheront-elles à en retarder l’adoption, comme elles l’ont fait face aux demandes de licence des éditeurs ? Car ce dispositif suppose une coopération active des grands utilisateurs d’IA, plateformes conversationnelles, services RAG, éditeurs de modèles, dont la plupart n’ont jusqu’ici manifesté qu’un intérêt limité pour la rétribution systématique des éditeurs. En attendant, DataDome et TollBit prennent une longueur d’avance sur un marché appelé à se structurer rapidement autour de la monétisation responsable du contenu à l’ère agentique.