Avec le lancement officiel du plan « Osez l’IA », le gouvernement français entend généraliser l’usage de l’intelligence artificielle dans toutes les entreprises, en priorité les PME et ETI, à travers une stratégie pragmatique mêlant accompagnement opérationnel, financement, formation et mise en réseau.

Face aux atermoiements, aux faux prophètes de l’IA et à l’atmosphère anxiogène vis-à-vis de l’adoption de l’IA, l’État joue un rôle structurant. Depuis le lancement de la stratégie nationale pour l’intelligence artificielle en 2018, la France a posé les fondations d’un écosystème cohérent, articulé autour de la recherche (INRIA, CNRS, supercalculateur Jean Zay), de l’investissement (France 2030, Bpifrance), et de la formation (Campus IA, programmes Compétences et métiers d’avenir). Cette politique s’est traduite par une montée en puissance tangible : 2,7 milliards d’euros investis dans les start-up françaises de l’IA en 2024, un réseau de laboratoires d’excellence, et l’émergence d’acteurs souverains comme Mistral AI. L’État agit ici comme catalyseur, facilitateur et garant de l’alignement éthique et industriel des technologies émergentes.

C’est dans cette continuité que s’inscrit le plan national « Osez l’IA », lancé ce 1er juillet par Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’Intelligence artificielle et du Numérique. Conçu comme une boîte à outils pour généraliser l’usage de l’IA dans toutes les entreprises, ce plan cible en priorité les PME et les ETI, qui restent à la traîne malgré une conscience croissante des enjeux. Le vrai risque, aujourd’hui, n’est pas celui de l’IA
elle-même, mais de ne pas oser l’IA — de rester spectateur d’une révolution que d’autres sont déjà en train d’opérer.

Des freins persistants, mais un potentiel majeur

En présence d’acteurs économiques, institutionnels et politiques, portée par une dynamique intergouvernementale et soutenue par Bpifrance, l’initiative « Osez l’IA » repose sur un constat partagé : malgré l’engouement médiatique autour de l’IA générative, seuls 13 % des PME françaises utilisent aujourd’hui des solutions d’intelligence artificielle, et 43 % ne mènent aucune analyse de données, selon l’étude Une révolution tranquille publiée en juin 2025 par Bpifrance Le Lab.

Le potentiel reste pourtant considérable : jusqu’à 16 % de croissance sur dix ans et 20 % de productivité supplémentaire par entreprise selon la Commission IA, le FMI et McKinsey.Pour lever les freins identifiés, l’exécutif mobilise un ensemble d’outils articulés autour de quatre axes : sensibiliser, former, financer, accompagner.
  • Diagnostics Data IA : près de 5 000 entreprises bénéficieront d’un cofinancement de
    10 jours d’intervention d’experts pour identifier leurs cas d’usage prioritaires et enclencher une démarche structurée.

  • Prêts garantis : un fonds de garantie bancaire, opéré par Bpifrance, permettra de soutenir les investissements liés à des projets d’IA à fort enjeu, avec des prêts pouvant atteindre plusieurs centaines de milliers d’euros sur 5 ans.

  • Programme d’accélération : 100 entreprises à fort potentiel seront accompagnées pendant 18 mois avec coaching, formations collectives et immersion dans
    des structures pionnières.

  • Appels à projets : deux dispositifs sont lancés, dont « Pionniers de l’IA », financé jusqu’à 10 millions d’euros par projet, pour soutenir des innovations de rupture dans l’industrie, la santé, la transition écologique ou la cybersécurité.

Un objectif chiffré : 80 % des PME/ETI équipées d’ici 2030

L’exécutif fixe des objectifs précis à l’horizon 2030 : 50 % des TPE, 80 % des PME/ETI et 100 % des grands groupes devront avoir intégré l’IA dans leurs opérations. Pour y parvenir, le gouvernement prévoit la création de l’Académie de l’IA, une plateforme de formation en ligne accessible dès fin 2025. Le dispositif vise également à former 15 millions de professionnels, incluant élèves, apprentis, salariés et dirigeants, via le CPF, les CFA et France Travail.

Outre ces incitations, le plan entend mailler le territoire avec 300 ambassadeurs IA et s’appuie sur les réseaux des CCI, de France Num, de la French Tech, des sous-préfets France 2030 et de Bpifrance. Tous les mois, des rencontres seront organisées dans les régions pour connecter offreurs de technologies et entreprises utilisatrices.

Un alignement stratégique avec France 2030

Tous les secteurs sont concernés, de l’industrie à la culture, du tourisme à la santé. Dix premiers projets issus de l’appel « Usages de l’IA générative » ont été présentés, illustrant la diversité des cas d’usage : diagnostics médicaux (Galen), robotisation du tri (3WAYSTE), IA juridique (Legal IT Jimini), ou encore assistants conversationnels pour la formation (Cobbai/OpenClassrooms).

Le plan s’inscrit dans la continuité des efforts menés depuis 2018 pour positionner la France comme leader européen de l’intelligence artificielle. En 2024, 2,7 milliards d’euros ont été investis dans l’IA française, et Bpifrance a engagé 10 milliards d’euros sur 5 ans pour accompagner la transformation des entreprises. La levée de fonds de 105 millions de dollars de Genesis AI, soutenue par Bpifrance Digital Venture, en est une illustration concrète.

Répondre à la défiance par l’action

L’État prend ainsi à rebours les craintes, les hésitations et les discours anxiogènes de certains gourous qui se présentent comme des pionniers visionnaires ou des « sachants lucides ». À les écouter, l’IA serait à la fois décevante, surcotée, et potentiellement menaçante. Un discours paradoxal qui, loin d’éclairer le débat public, entretient une forme de confusion confortable et freine l’adoption là où l’action, l’expérimentation et l’appropriation sont attendues.

C’est à cette défiance rampante que le plan national « Osez l’IA » entend répondre. Car l’IA n’est plus une promesse lointaine ni une menace diffuse. C’est un levier de transformation immédiat, déjà éprouvé dans les entreprises industrielles, les services, la santé, ou encore la logistique. Le vrai risque, aujourd’hui, n’est pas celui de l’IA elle-même, mais de ne pas oser l’IA, de rester spectateur d’une révolution que d’autres sont déjà en train d’opérer.