Avec la mise en service de Bélénos, Quandela affirme sa position d’acteur stratégique dans la course mondiale au quantique. Ce nouvel ordinateur photonique, accessible via le cloud, affiche une puissance de calcul 4 000 fois supérieure à celle de son prédécesseur.

Installé à Massy, dans le sud de Paris, Bélénos symbolise à lui seul le passage d’une recherche exploratoire à une informatique quantique préindustrielle. Doté de 12 qubits photoniques, cet ordinateur quantique repose sur une architecture dite « linéairement évolutive », Bélénos permet d’ajouter de nouveaux qubits sans complexité croissante, facilitant un développement régulier. Or, en informatique quantique, chaque qubit ajouté double la puissance de calcul théorique. Il en résulte une croissance exponentielle de la performance à partir d’un progrès matériel linéaire. Selon Quandela, cela permettra de doubler les capacités chaque année, avec une croissance de la puissance théorique exponentielle : x16 millions à l’horizon 2026 avec Canopus, la prochaine génération.

Une percée technique et une ambition industrielle assumée

Avec Bélénos, Quandela délivre la promesse faite en 2022 lors de la mise à disposition sur le cloud de son premier système à 6 qubits : progresser rapidement, tenir un calendrier serré, et répondre à des cas d’usage concrets, à la croisée du quantique et
de l’intelligence artificielle.

On notera au passage le choix du nom Bélénos, qui s’inscrit dans une tradition bien établie chez Quandela. Il puise dans les mythologies pour baptiser ses générations de machines quantiques. Après Prometheus, clin d’œil au titan qui vola le feu sacré pour l’offrir aux humains — métaphore du transfert de la puissance cognitive vers l’humanité —, Bélénos évoque le dieu gaulois de la lumière et de la connaissance, souvent assimilé à Apollon.

Ce nom résonne doublement : il rappelle la nature photonique de l’architecture développée par Quandela, fondée sur la manipulation de la lumière, et affirme en creux une ambition culturelle et technologique européenne dans un secteur dominé par les références
anglo-saxonnes. Par ce geste symbolique, l’entreprise française inscrit ses avancées dans un récit de souveraineté éclairée, à la fois ancré dans le territoire européen et tourné vers la maîtrise des forces fondamentales de la nature.

Une rupture pour l’apprentissage automatique quantique

L’entreprise revendique aujourd’hui plus de 1 200 utilisateurs répartis dans 30 pays, dont 40 % en France. Si les universités et les centres de recherche représentent encore la majorité des usagers, les entreprises constituent déjà un quart des accès, preuve d’une maturation accélérée du secteur privé vis-à-vis des technologies quantiques.

Le système est par ailleurs au cœur d’une stratégie de couplage avec le calcul haute performance (HPC), avec une première intégration prévue dans le supercalculateur de GENCI au TGCC (CEA) d’ici fin 2025. Parmi les cas d’usage déjà ciblés : la simulation électromagnétique, la combustion, la météorologie, ou encore l’observation de la Terre.

Le saut de puissance introduit par Bélénos permet désormais l’exécution en conditions réelles d’algorithmes hybrides quantiques, notamment dans le domaine de l’IA quantique (QML). Quandela avait déjà marqué les esprits en remportant, fin 2024, le défi BMW-Airbus en traitement d’images, démontrant la pertinence des qubits photoniques pour les tâches de classification et de génération visuelle.

La technologie photonique présente plusieurs avantages stratégiques dans la course au quantique : meilleure stabilité des qubits, interconnexion facilitée, fonctionnement à température ambiante. Ces propriétés renforcent la viabilité de l’approche de Quandela face aux géants du supraconducteur (IBM, Google, Rigetti) ou aux partisans des ions piégés (IonQ, Pasqal), tout en positionnant l’Europe sur une voie différenciante.

Une montée en puissance dans un marché embryonnaire

En France, le plan national quantique lancé en 2021 a mobilisé 1,8 milliard d’euros, dont une part importante a bénéficié à Quandela, qui incarne aujourd’hui l’un des piliers technologiques de la souveraineté numérique européenne.

Face aux avancées des géants américains et chinois, Quandela joue la carte de l’accessibilité cloud, de la convergence HPC-quantique et de l’industrialisation rapide. L’entreprise mise aussi sur l’ouverture de son écosystème : des outils logiciels propriétaires (Perceval), un accompagnement algorithmique sur mesure, et des partenariats avec des acteurs industriels comme EDF, MBDA ou Airbus.

Une posture de leadership européen en gestation

Avec 100 collaborateurs et une feuille de route étendue jusqu’en 2030, Quandela poursuit une stratégie de spécialisation forte dans la photonique intégrée, doublée d’une approche « cloud-native » du quantique. Le positionnement sur le « quantique accessible », orienté vers les entreprises et les développeurs, pourrait faire de Bélénos un catalyseur d’usages industriels, à mesure que les environnements hybrides (HPC + quantique)
se démocratisent.

Mais l’enjeu reste de transformer cette avance technologique en adoption massive, ce qui passera par la formation, la standardisation des langages quantiques, et l’intégration dans des chaînes logicielles existantes. La course est lancée, et la France y tient
peut-être son champion.