À l’occasion du Red Hat Summit 2025, l’éditeur a clairement affirmé ses ambitions dans la bataille technologique qui s’intensifie autour de l’IA, du cloud hybride et de la virtualisation. Avec un éventail d’annonces couvrant les systèmes embarqués, l’inférence IA à grande échelle, la modernisation des workloads et la sécurisation post-quantique, Red Hat entend s’installer durablement comme un fournisseur central des infrastructures
d’entreprise du futur.
Dès son discours d’ouverture, le PDG Matt Hicks a donné le ton : « Nous sommes dans ce moment d’incertitude, entre deux mondes. Entre les règles que nous connaissions, et celles qui émergent sous nos yeux. » Comparant la révolution de l’IA à l’invention d’un « nouveau jeu » où certains repères volent en éclats, il appelle à dépasser la peur : « Ce n’est pas une question de remplacer votre expertise, mais de l’amplifier. »
Capter la couche d’inférence
Cette volonté de concilier transformation technologique et valorisation du capital humain irrigue l’ensemble des choix stratégiques présentés lors du sommet. Au cœur du dispositif figure Red Hat AI Inference Server, une plateforme capable d’exécuter n’importe quel modèle d’IA générative sur n’importe quel accélérateur, dans n’importe quel environnement cloud. Optimisée autour du projet open source vLLM, et soutenue par des partenaires comme AMD, Meta, Google et IBM, cette solution entend poser les bases d’une standardisation de l’inférence en entreprise. « Tout comme l’open source a supprimé les barrières à l’entrée pour les développeurs, l’IA doit supprimer les barrières à la connaissance, à la créativité et à la mise en œuvre », a insisté Matt Hicks.Alors que Microsoft, AWS ou Google cherchent à maîtriser de bout en bout les chaînes de valeur de l’IA en intégrant des modèles propriétaires à leurs clouds et à leurs outils métiers, Red Hat joue la carte de l’ouverture, de l’agilité et de la portabilité. Le projet communautaire vLLM-d, dédié à l’inférence distribuée à grande échelle, en est l’exemple le plus visible. Il vise à garantir la mise à l’échelle des modèles tout en préservant l’indépendance technologique des entreprises. Dans un marché où les leaders se battent pour capter la couche d’inférence – considérée comme le point de monétisation critique des usages IA –, Red Hat entend se positionner comme un socle neutre,
mais hautement optimisé.
RHEL 10, un socle intelligent pour cloud hybride
Cette logique de « stack amplifiée » se retrouve dans le lancement de Red Hat Enterprise Linux 10, qui marque une inflexion majeure dans la manière d’aborder l’exploitation des environnements hybrides. L’intégration de l’assistant Lightspeed, dopé à l’IA générative, transforme la ligne de commande en interface intelligente, capable de répondre aux requêtes des administrateurs en langage naturel. Le nouveau mode Image, quant à lui, permet de déployer des systèmes Linux comme on met à jour un smartphone : de manière prédictive, standardisée, réversible. Et pour anticiper les prochaines grandes ruptures en cybersécurité, Red Hat a intégré dans RHEL 10 les premiers algorithmes post-quantiques validés par le NIST.Face à des solutions concurrentes comme Ubuntu Pro (Canonical), SUSE Linux Enterprise ou les distributions cloud-native des hyperscalers, Red Hat fait valoir son ancrage industriel et sa capacité à évoluer sans casser les fondations. Matt Hicks l’a résumé ainsi : « Regardez ce que vous avez déjà construit avec RHEL, avec OpenShift, avec Ansible. Ajoutez-y une couche d’intelligence. Pas pour remplacer, mais pour amplifier. »
Autre levier stratégique : la virtualisation. Avec OpenShift Virtualization, Red Hat capitalise sur le désarroi de nombreux clients VMware confrontés aux bouleversements liés à l’acquisition par Broadcom. En misant sur une solution convergente – capable d’exécuter conteneurs et machines virtuelles dans un même environnement – et sur une disponibilité étendue à tous les grands clouds publics, Red Hat multiplie les cas d’usage concrets. Ford, Emirates NBD ou encore Orange témoignent déjà d’une réduction tangible des coûts d’infrastructure, d’une meilleure gouvernance de la sécurité et d’un accélérateur pour la modernisation applicative.
Rhivos, un système d’exploitation embarqué
Red Hat élargit aussi son terrain de jeu avec Rhivos, un système d’exploitation embarqué désormais certifié pour les applications critiques dans les véhicules. Conçu pour répondre aux contraintes strictes du secteur automobile (certification ASIL-B selon ISO 26262), il permet de développer et de tester des applications sur le cloud, puis de les déployer dans les calculateurs embarqués sans adaptation du code. Nissan, notamment, s’appuie déjà sur cette plateforme pour ses futurs véhicules « définis par logiciel ». Ce positionnement offensif vient contester les ambitions de Google (Android Automotive) et des constructeurs qui développent des OS propriétaires, en proposant une alternative ouverte, certifiéeet cloud-native.
Ce que Red Hat dessine, au fond, c’est une cohérence technologique dans un monde devenu hétérogène. Alors que les DSI doivent composer avec un empilement de technologies (bare metal, VM, conteneurs, GPU, edge, cloud), Red Hat propose un socle unifié, interopérable, adaptable, qui n’impose pas de rupture brutale mais permet une transition fluide. « Tout ce que vous avez construit jusqu’ici n’est pas obsolète. Cela peut devenir la base d’un nouveau jeu, plus ouvert, plus puissant. C’est à nous de bâtir les ponts », a conclu Matt Hicks devant un public conquis.