et les entreprises.
Deux produits incarnent ce repositionnement. D’un côté, les nouveaux GPU Intel Arc Pro B60 et B50, conçus pour les environnements professionnels exigeants tels que la conception, le rendu, la simulation ou encore l’inférence IA en local. Basés sur l’architecture Xe2, ces cartes embarquent des cœurs XMX (Xe Matrix Extensions) optimisés pour les calculs matriciels d’IA, des unités de ray tracing avancées, et disposent respectivement de 24 et 16 Go de mémoire GDDR6.
Elles sont pensées pour les stations de travail multiprocesseurs et peuvent être combinées jusqu’à huit par machine, offrant une mémoire graphique totale de 192 Go, adaptée à des modèles d’intelligence artificielle atteignant jusqu’à 150 milliards de paramètres. Intel met en avant une compatibilité large avec les logiciels professionnels sous Windows, mais surtout une pile logicielle conteneurisée optimisée pour Linux, répondant aux exigences croissantes de reproductibilité, de portabilité et d’intégration DevOps dans les environnements IA.
Des plateformes Gaudi 3 à refroidissement liquide
En parallèle, Intel annonce la disponibilité des accélérateurs Gaudi 3 dans deux formats complémentaires : des cartes PCIe pour les serveurs existants, et des systèmes à l’échelle du rack conçus pour l’IA générative et les très grands modèles de langage. Dans saversion rack, Gaudi 3 peut intégrer jusqu’à 64 accélérateurs par baie, avec un total de
8,2 téraoctets de mémoire HBM2e à large bande passante. L’architecture réseau repose sur de l’Ethernet standard, et l’ensemble adopte un design modulaire avec un backplane câblé à connexion automatique, facilitant la maintenance et évitant le verrouillage fournisseur. Le tout est refroidi par liquide, une caractéristique désormais indispensable pour contenir la consommation et le coût total de possession dans les centres de données IA
de nouvelle génération.
Au-delà des performances annoncées, ces lancements doivent être lus comme un mouvement défensif et stratégique. Intel ne peut plus se contenter d’être un fabricant de silicium ; il affronte aujourd’hui un risque réel de désintermédiation. Autrement dit, sa place dans la chaîne de valeur technologique est menacée par des acteurs – à commencer par Google, AWS ou Microsoft – qui conçoivent leurs propres puces IA, maîtrisent le logiciel de bout en bout, et fédèrent des communautés de développeurs autour de leurs API, environnements et modèles. À l’inverse, Intel a longtemps tardé à constituer un écosystème cohérent au-delà de ses processeurs x86, et reste à la peine sur le terrain des bibliothèques logicielles spécialisées, là où Nvidia a fait de Cuda un standard de facto.
Séduire les développeurs
Le pari d’Intel repose donc sur un retour en force par l’ouverture, la standardisation et la reconquête des développeurs. Cela se traduit également par la mise à disposition publique de l’outil AI Assistant Builder, une plateforme légère pour créer et faire tourner localement des agents d’IA personnalisés sur PC. Ce type d’initiative n’est pas isolé, elle s’inscrit dans un mouvement plus large : celui du déploiement d’agents intelligents en périphérie du cloud, sur des postes de travail, dans des environnements industriels ou pour des usages métiers spécifiques. Intel entend adresser les attentes croissantes en matière de latence, de confidentialité et de souveraineté des données, notamment en Europe, tout en proposant une alternative plus flexible que les solutions tout-en-un de ses concurrents.L’entreprise s’adresse ainsi à plusieurs segments en tension : les PME technologiques qui peinent à accéder aux GPU Nvidia, les acteurs publics ou industriels soucieux d’indépendance technologique, les éditeurs de logiciels métiers qui cherchent à intégrer l’IA sans dépendre du cloud ou des modèles fermés. Mais la réussite de cette stratégie reposera sur deux conditions clés : assurer une disponibilité réelle et continue des produits sur le marché, et investir massivement dans le soutien à la communauté de développeurs, notamment dans les environnements open source.
Intel profite de la caisse de résonance que constitue le Computex pour donner le plus d’impact possible à ses annonces. Ceci dans un marché déjà structuré autour de leaders puissants. Dans ce contexte concurrentiel, les GPU Arc Pro B-Series et les accélérateurs Gaudi 3 constituent des briques indispensables à Intel pour construire une alternative ouverte à l’infrastructure IA dominante. Reste à savoir si l’écosystème – développeurs, intégrateurs, partenaires cloud – répondra présent, et si Intel saura bâtir, au-delà du silicium, une proposition technologique complète et cohérente, capable de résister à la reconfiguration profonde de la chaîne de valeur numérique provoquée par l’essor
de l’IA générative.