Le CES 2025 a montré l’ambition de Nvidia de rester à la pointe de l’IA, du gaming et des systèmes autonomes. Les annonces de Jensen Huang ne se limitaient pas à des mises à jour incrémentales, mais constituaient une vision globale de l’avenir, mêlant architectures matérielles, logiciels et IA pour proposer des solutions. L’objectif est d’occuper tous les segments des plateformes d’IA, allant des appareils portables (PC portables, Smartphones, Tablettes) aux centres de données.

Il s’agit pour le fabricant de GPU de pousser son avantage en proposant d’occuper toutes les niches, après avoir solidement ancré ses GPU dans les centres de données. Les fabricants de processeurs traditionnels comme Intel sont confrontés à des défis alors que l’industrie se tourne vers l’informatique basée sur les GPU et les processeurs spécialisés (NPU, TPU…) pour les tâches d’intelligence artificielle. La part de marché d’Intel a été affectée par des concurrents tels qu’AMD et Nvidia, AMD ayant dépassé Intel en termes de revenus de ses puces pour centres de données au cours des derniers trimestres.

Une feuille de route ambitieuse

Si cette stratégie est exécutée avec succès, elle consolidera la position de Nvidia en tant que plateforme d’IA incontournable, aussi bien pour les consommateurs que pour les entreprises. Alors que la concurrence s’efforce de rattraper son retard, la feuille de route de Nvidia suggère un nouveau chapitre dans l’informatique, où les frontières entre gaming, IA d’entreprise et robotique s’estompent, et où Nvidia s’impose comme un acteur central.

Au CES 202, Jensen Huang, son emblématique PDG, a dévoilé une série d’annonces qui redéfinissent la stratégie de Nvidia dans des domaines clés de l’intelligence artificielle, dans le gaming, dans les infrastructures d’entreprise et les systèmes autonomes. Il trace une feuille de route ambitieuse pour le leader des semiconducteurs, visant à consolider sa position dominante sur des marchés en pleine transformation.

L’une des annonces les plus marquantes concernait le lancement de la GeForce RTX 5000, construite sur la nouvelle architecture Blackwell. Ce GPU, destiné aux joueurs, marque une avancée majeure en intégrant des capacités d’IA au cœur du matériel. Le secteur du gaming a été un pilier central pour Nvidia, lui permettant de développer des technologies graphiques de pointe et de bâtir une réputation solide auprès des consommateurs et des professionnels. Le concepteur de GPU anticipe une adoption massive de l’IA dans les ordinateurs personnels. Cette perspective souligne l’importance stratégique de s’intégrer davantage dans le marché des PC et des appareils portables, en proposant des solutions matérielles et logicielles optimisées pour l’IA.

Blackwell, l’architecture de conquête du marché

L’architecture Blackwell est un ensemble d’innovations et d’améliorations apportées, non seulement au niveau de la microarchitecture du GPU, mais aussi en termes de performances, d’efficacité énergétique, et de nouvelles fonctionnalités (comme le support des opérations mathématiques spécifiques : FP16, FP32, INT8, BF16, FP64 pour l’IA). Elle est conçue pour une large gamme d’applications, allant des jeux vidéo aux centres de données, en passant par les systèmes embarqués et les appareils portables. Sa conception modulaire et son efficacité énergétique en font une solution polyvalente pour les besoins en matière de calcul intensif et d’IA. En clair, l’approche stratégique de Nvidia consistant à intégrer des capacités d’IA avancées dans les GPU de jeu sert de point d’entrée stratégique dans le marché plus large de l’IA sur PC. En améliorant les expériences de jeu grâce à l’IA, Nvidia renforce non seulement sa position dominante dans l’industrie du jeu, mais prépare également le terrain pour une adoption généralisée de l’IA dans diverses applications PC.

Du point de vue architectural, les GPU basés sur l’architecture Blackwell intègrent un nombre accrus de coeurs CUDA, Tensor Core et RT Cores (Ray Tracing Cores), fabriqués selon un processus personnalisé TSMC 4NP, offrant une densité et une efficacité énergétique accrue. Outre le support de mémoires GDDR7, Blackwell introduit des cœurs Tensor Core de 5ᵉ génération et des RT Cores de 4ᵉ génération, améliorant les potentialités en IA et en ray tracing pour des rendus graphiques plus réalistes et des performances de calcul accrues. L’architecture prend en charge les formats numériques à faible précision (FP4 et FP6, permettant une efficacité accrue dans les calculs d’IA, notamment pour les modèles de deep learning. Enfin, ces GPU disposent d’une interconnexion puce à puce de 10 To/s, pour une communication rapide entre les composants, optimisée pour les calculs parallèles.

Des puces qui révolutionnent le codage des jeux

La technologie Blackwell permet notamment de générer en temps réel des graphismes procéduraux, révolutionnant la manière dont les jeux vidéo sont conçus. Traditionnellement, le développement de jeux implique la création manuelle de graphiques déterministes, où chaque élément est préconçu et codé. Ce processus demande beaucoup de temps et de ressources. Avec l’avènement de la génération de contenu procédural pilotée par l’IA, une grande partie des éléments du jeu peut être générée en temps réel, ce qui réduit les coûts et les délais de développement.

Dans ce nouveau paradigme, les éléments essentiels tels que les personnages principaux et les éléments critiques, qui constituent environ 20 % des graphismes d'un jeu, sont conçus par les artistes afin de garantir la qualité et la cohérence narrative. Les 80 % restants de l’environnement du jeu, tels que les paysages, les personnages secondaires et les détails ambiants, sont générés dynamiquement par les capacités d’IA du GPU. Cette approche permet de créer des mondes vastes, diversifiés et immersifs qui s’adaptent aux interactions du joueur, améliorant ainsi la jouabilité et la personnalisation.

Un écosystème renforcé

Toutefois, les jeux développés pour d’autres plateformes pourraient ne pas fonctionner de manière optimale, voire ne pas fonctionner du tout, sur des architectures Blackwell. Cette approche favorise l’innovation dans la conception des jeux, attirant les développeurs pour créer des mondes plus vastes et plus dynamiques sans augmentation proportionnelle des ressources de développement. Cela revient à créer un segment de marché propriétaire et extrêmement dynamique. Un rêve pour tout fabricant qui aimerait refaire le coup de l’iPhone ou de la PlayStation. Mais surtout une aubaine qui permettrait à Nvidia de renforcer son écosystème pour adresser le vaste marché des plateformes informatiques modernes, allant du Smartphone aux centres de données.

Dans le domaine de l’entreprise, Jensen Huang a présenté Nemotron et Cosmos, deux outils qui illustrent la stratégie de Nvidia pour simplifier l’adoption de l’IA par les organisations. Nemotron est une suite d’outils dédiée à l’affinage des modèles de langage de grande taille, et se décline en plusieurs configurations adaptées à la taille des entreprises (Nano, Super, Ultra). Cette offre répond à une demande croissante des entreprises qui préfèrent des solutions prêtes à l’emploi plutôt que de développer leurs propres systèmes d’IA.

Cosmos, de son côté, est un modèle de base permettant de générer des environnements photoréalistes destinés à la formation des robots et des véhicules autonomes en environnement virtuel. En proposant ces solutions clés en main, Nvidia présente un écosystème intégrant matériel, logiciel et modèles d’IA. Cette approche différencie Nvidia des acteurs traditionnels comme AWS et Google Cloud, qui se concentrent davantage sur les outils logiciels ou l’infrastructure cloud.

Un SoC pour les véhicules autonomes et la robotique

Enfin, Nvidia a également affirmé son ambition dans les systèmes autonomes avec le lancement de Drive Thor, un système sur puce (SoC) conçu pour les véhicules autonomes et la robotique. Avec une performance 20 fois supérieure à celle de son prédécesseur Drive Orin, Drive Thor intègre des fonctionnalités avancées, telles que la gestion des capteurs, la planification des trajectoires et des certifications de sécurité. Ce SoC est accompagné d’un nouveau système d’exploitation, Drive OS, qui optimise son fonctionnement.

Huang a également souligné l’importance de l’intégration entre Omniverse, la plateforme de simulation de Nvidia, et Isaac, sa plateforme robotique, pour accélérer la formation et les tests des robots et véhicules autonomes. Ces innovations renforcent encore la stratégie de Nvidia, qui consiste à dominer le marché des systèmes autonomes en combinant matériel, logiciel et simulation.

En définitive, les annonces de Jensen Huang au CES 2025 révèlent une stratégie claire : construire un écosystème unifié intégrant matériel, logiciels et données pour maintenir la domination de Nvidia dans le marché de l’IA. Toutefois, cette stratégie n’est pas sans défis. La dépendance à un écosystème fermé pourrait rebuter certains développeurs et entreprises en quête de solutions plus ouvertes, tandis que l’utilisation croissante de l’IA soulève des questions réglementaires, notamment en matière de confidentialité
et de sécurité.

Malgré ces défis, les opportunités pour Nvidia sont immenses. L’adoption rapide de l’IA dans tous les secteurs place l’entreprise dans une position idéale pour mettre à profit cette tendance. En maîtrisant l’ensemble de la chaîne de valeur, Nvidia peut optimiser les performances de ses solutions et offrir une valeur ajoutée inégalée par ses concurrents. Les annonces du CES 2025 marquent ainsi une étape décisive pour Nvidia, qui s’affirme comme un acteur central dans un monde où les frontières technologiques entre gaming, IA d’entreprise et robotique s’estompent de plus en plus.