Pour beaucoup, l’IA est encore perçue comme une machinerie froide et impersonnelle, dépossédant les travailleurs de leur expertise et de leur rôle décisionnaire. Pourtant, cette vision réductrice occulte les bénéfices que l’IA peut offrir lorsqu’elle est mise en œuvre de manière stratégique et « people first ».

L’intelligence artificielle s’impose aujourd’hui comme un élément moteur de la transformation du monde du travail. Si elle suscite un enthousiasme croissant dans certains pays, elle suscite également de nombreuses interrogations, voire de craintes, chez les employés. Ces inquiétudes reposent principalement sur la peur de voir des machines pensantes, et de plus en plus agissantes, remplacer les humains dans des fonctions essentielles, menaçant ainsi le fragile sentiment de sécurité professionnelle.

Loin de se substituer à l’homme, l’IA a le potentiel d’agir comme un levier d’efficacité, en libérant les employés des tâches répétitives et fastidieuses qui alourdissent leur quotidien. En attendant qu’une IA Générale, c’est-à-dire apprenante et évoluante en toute autonomie viennent challenger les humains, les IA actuelles, celles qui sont intégrées dans les outils et les solutions informatiques, sont spécialisées.

Seulement 59 % des employés français font
confiance à l’IA

Elles sont conçues pour accomplir des tâches spécifiques dans un domaine précis. Contrairement à l’IA Générale, elles ne peuvent pas sortir d’un cadre prédéfini, car elles reposent sur des algorithmes et des modèles entraînés pour un but particulier. En somme, et dans le domaine des compétences professionnelles, elles en savent autant que les employés. Leur seul avantage est capacitaire, c’est-à-dire leur capacité à analyser d’immenses quantités de données.

Dans ce contexte, l’étude mondiale « 2024 Global AI Workplace Report » de Freshworks met en lumière l’impact de l’IA sur le monde professionnel, tout en analysant les disparités entre pays dans son adoption et ses usages. Un des constats majeurs de ce rapport est le contraste frappant entre les taux d’adoption de l’IA dans différentes régions du monde. Par exemple, en Inde, 88 % des travailleurs utilisent des outils d’IA au moins une fois par semaine, une statistique qui reflète une véritable intégration de ces technologies dans la culture professionnelle du pays.

À l’inverse, en France, l’utilisation régulière de l’IA reste bien en deçà de ce niveau. En comparaison, 26 % des employés dans le monde déclarent utiliser l’IA quotidiennement. Ce retard s’accompagne d’une certaine méfiance : seulement 59 % des employés français déclarent faire confiance à l’IA, contre 89 % en Inde et 70 % aux États-Unis. Cette hésitation traduit à la fois un manque de familiarité (confiance ?) avec ces outils et une certaine réticence culturelle face à des technologies perçues comme pouvant menacer l’emploi ou altérer la qualité du travail.

L’IA, un moteur de progression de carrière

Un autre aspect crucial mis en lumière par le rapport concerne le rôle de l’IA comme moteur de progression de carrière. Dans les pays anglo-saxons, 38 % des employés attribuent une promotion ou une augmentation de salaire à l’utilisation des outils d’intelligence artificielle. Aux États-Unis, 46 % des travailleurs envisageraient même de changer de poste pour un emploi qui exploite mieux les technologies de l’IA. En France, cette proportion tombe à environ 30 %, soulignant à la fois une adoption plus lente et un manque d’investissements pour soutenir les travailleurs dans leur montée en compétences.

Ceci, alors que les entreprises américaines et britanniques allouent des ressources à la formation, 68 % des dirigeants mondiaux déclarent soutenir financièrement des programmes d’amélioration des compétences liées à l’IA. En France, cette dynamique reste timide, et 73 % des employés estiment encore avoir besoin de formation pour utiliser efficacement ces outils. Selon le rapport, cette réticence pourrait constituer un frein à l’innovation et à la compétitivité à long terme, alors que les compétences en intelligence artificielle deviennent un critère déterminant pour les promotions professionnelles et l’évolution des carrières.

L’IA nécessite une approche « people first »

Le rapport met également en évidence le potentiel considérable de l’IA dans les départements IT et du service client. Dans des pays comme l’Inde, ces secteurs sont en première ligne, avec près de 88 % des équipes qui considèrent l’IA comme indispensable à leur travail quotidien. À titre de comparaison, moins de la moitié des équipes françaises de support client et IT perçoivent aujourd’hui l’IA comme un outil central dans leurs missions, avec seulement 47 % des employés dans ces départements qui déclarent
une intégration réussie.

Cette situation s’explique par un manque de politiques claires concernant l’utilisation de ces technologies et une formation souvent insuffisante pour permettre aux employés de tirer pleinement parti des capacités de l’IA, estime le rapport. Pourtant, dans le secteur du service client, 83 % des équipes souhaitent déléguer des tâches critiques à l’IA pour se concentrer sur des missions plus complexes.

Malgré ce retard, les perspectives pour la France demeurent prometteuses. L’étude de Freshworks nous rappelle que l’IA n’est pas une fin en soi, mais un moyen d’améliorer durablement l’expérience humaine dans le monde professionnel. En adoptant une approche « people first », c’est-à-dire centrée sur la collaboration entre l’homme et la machine, la France pourrait transformer l’IA en un puissant moteur d’innovation, capable d’améliorer la productivité, d’enrichir les carrières et de réinventer la relation entre
le travail et les employés.