157 milliards de dollars, loin des mastodontes de la tech, mais qui propulse OpenAI dans le cercle restreint des entreprises technologiques les plus prometteuses, capables de rivaliser avec des acteurs comme SpaceX (137 milliards de dollars) et ByteDance
(environ 300 milliards de dollars).
Cette valorisation, bien que moindre en comparaison avec les GAFAM — Apple étant estimée à plus de 2 800 milliards de dollars et Microsoft approximativement 2 400 milliards de dollars — montre la confiance des investisseurs dans la capacité d'OpenAI à prendre le leadership dans le domaine de l'intelligence artificielle générative. Cette levée de fonds n’est pas anodine. Elle soulève des questions : comment une entreprise qui brûle des centaines de millions de dollars par an, avec des revenus encore limités (notamment issus des abonnements à ChatGPT Pro et des partenariats avec Microsoft), parviendra-t-elle à justifier un tel niveau d’évaluation ?
Elle survient à un moment où le marché de l'IA est en pleine ébullition, avec une course à l'innovation de plus en plus intense entre des acteurs traditionnels comme Google et des startups aux dents longues. Ce financement massif apporte à OpenAI les moyens de renforcer ses capacités de recherche et de développement, de couvrir les coûts faramineux de l’entraînement de ses modèles (qui peuvent atteindre des centaines de millions de dollars par an) et de recruter les talents les plus recherchés dans le domaine.
Entre rentabilité et innovation, des défis complexes
Toutefois, ce financement, bien que monumentale, place OpenAI face à des défis complexes : démontrer la rentabilité de ses opérations, maintenir l’équilibre entre innovation et commercialisation, et éviter d’étrangler un écosystème de l’IA qui n’a pas encore atteint la stabilité qu’apporte la maturité. Stéphane Roder, président d'AI Builders et expert reconnu en stratégie Data et IA, livre une fine analyse de cetteopération stratégique.
« Cette levée de fonds monumentale reflète parfaitement les ambitions d'OpenAI,
explique-t-il. Elle va permettre à l'entreprise de creuser l'écart avec ses concurrents, notamment pour financer les coûts considérables de la recherche nécessaire à l'amélioration des performances des modèles sur les neuf dimensions cognitives essentielles (raisonnement, compréhension… NDLR) », affirme-t-il.
En effet, avec cet afflux de capital, OpenAI compte étendre ses applications au-delà du traitement du langage naturel, pour toucher des domaines plus spécialisés comme l’automatisation industrielle, la finance et la santé. Cette stratégie est essentielle pour se démarquer dans un marché où chaque acteur cherche à imposer son propre standard. La pression sur OpenAI pour démontrer sa capacité à générer des revenus à la hauteur de ces investissements va s’accentuer. Pour débloquer de nouvelles sources de revenus, OpenAI devra donc étendre ses applications au-delà du traitement du langage naturel.
Risque de monopole ?
C’est ce que précise Stéphane Roder : « Après avoir démontré avec O1 la possibilité d'améliorer la décomposition du raisonnement pour des cas génériques, OpenAI devrait maintenant s'orienter vers des applications sectorielles spécifiques, ciblant des marchés professionnels précis et le développement d'outils spécialisés. Cette évolution représente une étape nécessaire dans le développement de modèles orchestrateurs d'agents destinés à être intégrés aux assistants applicatifs professionnels. Actuellement, la gestion de la dimension 'connaissance' par ces modèles reste relativement basique, reposant soit sur les données d'entraînement, soit sur des requêtes via les API de Bing ou de Google. Cette situation offre à OpenAI l'opportunité de développer son propre modèle de recherche, potentiellement capable de détrôner la domination de Google dans ce domaine »,détaille-t-il.
En somme, Stéphane Roder exprime la crainte de voir OpenAI verrouiller le marché de l’IA en exigeant l’exclusivité de la part de ses financeurs. En polarisant davantage le marché, OpenAI risque de limiter l’émergence de nouveaux acteurs et de freiner l’innovation, ce qui pourrait susciter des inquiétudes en matière de concurrence. Si l’éditeur de ChatGPT continue d’accumuler des capitaux à ce rythme, il pourrait attirer l’attention des régulateurs, notamment la FTC aux États-Unis ou les autorités européennes, qui veillent à ce que l’IA reste un domaine compétitif et ouvert à tous les acteurs du marché.