Après les services de téléchargement en peer to peer (P2P), le collège de la Hadopi a décidé de s'attaquer aux sites 'massivement contrefaisants' qui proposent streaming et téléchargement direct.
Le Collège de la Hadopi s'est réuni ce jeudi 11 septembre 2014. L'ordre du jour portait sur « la protection des œuvres et objets auxquels est attaché un droit d’auteur ou un droit voisin à l’égard des atteintes à ces droits commises sur les réseaux de communications électroniques ».
Deux nouveaux intrus ont 'enfin' rejoint les services de P2P dans le collimateur de la Hapopi : le streaming et le téléchargement direct. Ils sont explicitement nommés par la Hadopi « massivement contrefaisants » !
Ces sites établissent un lien direct entre le serveur où est stockée une œuvre dont l'usage est illicite, avec l'internaute qui la télécharge ou l'affiche en direct pour la consommer illégalement, c'est à dire sans rien verser aux ayants droit. Ne faisant pas appel à des tiers pour que transite le fichier, ces échanges échappaient jusqu'à présent aux actions de Haute Autorité, mais pas à sa vigilance.
4 mesures pour un assèchement
Pour lutter contre cette contrefaçon, la Hadopi a adopté plusieurs décisions visant à s'attaquer aux contrevenants (extrait du compte-rendu de la Hadopi) :
- La mise en place d'un recensement 'fiable' des services de communication au public en ligne offrant massivement des œuvres protégées sans autorisation des titulaires de droit que de leurs pratiques (quelques requêtes sur les moteurs de recherche ou les communautés suffisent pour les trouver...).
- La définition de protocoles décrivant les actions pouvant, à partir de l’information fournie, être mises en œuvre pour assécher les revenus des sites internet massivement contrefaisants ou rendre plus difficile leur activité. Cette action sera réalisée avec les professionnels des différents secteurs concernés, notamment les intermédiaires de paiement et de publicité en ligne.
- L'établissement d'une cartographie des technologies de reconnaissance de contenus et l'évaluation des conditions d'utilisation pour assurer un retrait durable d’un site internet des œuvres signalées comme contrefaisantes par les ayants droit.
- Le développement de la coopération avec les divers services de l’Etat compétents pour connaître des services de communication au public en ligne massivement contrefaisants, en vue notamment de toute procédure de droit utile.
Revirement, le contrevenant n'est plus l'internaute
Les sites de streaming et de téléchargement direct échappaient jusqu'à présent aux cerbères de la Hadopi, contribuant à faciliter la contrefaçon d'oeuvres culturelles piratées. La perte pour les ayants-droit, en particulier pour les éditeurs et distributeurs des œuvres, est importante.
La décision de la Hadopi – qui s'appuie sur le rapport de Mireille Imbert Quaretta, présidente de la commission de protection des droits, suite à sa mission sur « les moyens de lutte contre le streaming et le téléchargement direct illicites », a le mérite de proposer des actions visant les « services de communication au public en ligne massivement contrefaisants », et non plus le consommateur, qui profite d'une profusion de moyens illégaux de télécharger et ne s'en prive pas, mais faut-il l'en blâmer ?
Le doute sur l'efficacité des mesures
Nous restons cependant sceptiques quant à l'efficacité de la méthode. Certes, il s'agit de contrefaçons qui entrainent un manque à gagner certainement considérable pour l'industrie, et pour cela nous ne pouvons qu'approuver les actions menées par la Hadopi. Surtout lorsqu'elles ne ciblent pas l'internaute mais l'origine (pour ce dernier) de la contrefaçon.
En revanche, la plupart de ces sites sont hébergés dans des pays où ces actions seront totalement inefficaces. Quant-il ne s'agit pas de sites de stockage en ligne tout à fait légaux, si l'on considère le service et non la donnée.
Enfin, le positionnement des « intermédiaires de paiement et de publicité en ligne » est plutôt ambiguë... Les sites de téléchargement, légaux comme illégaux, représentent une source de business non stop. Les intermédiaires ont-ils intérêt à se couper de ces revenus faciles (les publicités qui s'affichent sur les sites à chaque fois que l'internaute se connecte et fouille le catalogue pour télécharger illégalement, ou les services de téléchargement payant qui accélèrent l'accès à la donnée piratée et à la bande passante) ?
C'est toute l'ambiguïté de la lutte contre la contrefaçon numérique des œuvres : d'un coté des ayants-droits qui perdent à tous les coups, de l'autre des consommateurs accusés de tous les maux et poursuivis à défaut de pouvoir s'attaquer à ceux qui sont à l'origine de la contre-façon. Et entre les deux un écosystème industriel qui condamne la contrefaçon mais qui pour certains finalement s'enrichit de ces pratiques !