Avec l'intensification du numérique dans les sphères personnelle et professionnelle, la quantité de données générées, stockées et consultées a augmenté de façon prodigieuse. Google traite 3,5 milliards de recherches chaque jour, pendant que 4,3 millions de vidéos environ sont visionnées sur YouTube et que plus de 350 millions de photos sont uploadées sur Facebook. D'ici 2025, 463 exaoctets de données devraient être créés chaque jour à l’échelle mondiale. Et si l’on prend en compte le fait qu’environ 47 % de la population mondiale ne dispose pas encore de connexion Internet, on peut s'attendre à ce que la quantité de données qui devra être stockée et gérée augmente de manière exponentielle.
Les données constituent aujourd’hui un défi commun à toutes les entreprises, impactant la façon dont elles mènent leurs activités. Qu’il s’agisse d’accomplir les tâches du quotidien ou d’offrir de nouvelles perspectives qui façonnent notre manière de penser les grandes questions de l’humanité, l'augmentation de la quantité de données ouvre la voie royale au développement de l’intelligence humaine.
Pour cela, les technologies de stockage de données actuelles doivent être entièrement repensées. Car les volumes de données produits sont déjà confrontés à plusieurs obstacles : les datacenters requièrent des systèmes d’alimentation et de refroidissement pour le moins conséquents, ainsi qu’une maintenance et une surveillance constante. Continuer à s'appuyer uniquement sur les capacités de stockage actuellement disponibles, alors que les volumes et la vitesse d’accès aux données ne cessent de croître, pourrait mener à la création d’un gigantesque goulet d’étranglement. De plus, les supports matériels, à l’instar des serveurs, disques durs et autres clés USB, peuvent se détériorer au fil du temps. De façon très surprenante, le monde du vivant a beaucoup à nous apprendre en matière de stockage de données, à commencer par l’ADN qui possède un palmarès encore inégalé en matière de préservation des informations.
Un support de stockage vivant qui fait ses preuves
En stockant les données sur l’ADN, cela permettrait de résoudre les lacunes des dispositifs de stockage actuels. Selon la revue The New Scientist, un gramme d’ADN pourrait contenir jusqu’à 455 exaoctets d’informations, un nombre bien plus important que la somme de l’ensemble des données numériques existant aujourd’hui dans le monde. Si l’ADN est en soi relativement fragile, il peut se révéler incroyablement résistant lorsqu’il est préservé dans les bonnes conditions, et durer beaucoup plus longtemps que des cassettes ou des CD : des dépouilles fossilisées datant de plusieurs milliers d’années ont bien été retrouvées avec leur ADN encore intact. Par conséquent, du point de vue de l’archivage et de la sauvegarde, l’ADN pourrait se révéler le support parfait.
Les progrès réalisés dans ce sens sont très prometteurs, avec le développement, l'année dernière, du premier appareil de stockage sur ADN au monde capable de réaliser l’ensemble de l’opération automatiquement par des chercheurs de Microsoft et de l’Université de Washington. Ils ont réussi à encoder le mot « hello » sur un brin d’ADN et à le convertir en données déchiffrables par un ordinateur.
De l’ADN au verre, l'innovation continue
Dans la course aux nouveaux supports de stockage de données, le verre est un autre concurrent prometteur, comme le prouve le Projet Silica de Microsoft qui utilise du verre de quartz comme support de stockage. Des lasers altèrent la structure du verre et permettent ainsi de stocker des données qui sont ensuite décodées à l’aide d’algorithmes d’apprentissage automatique. Cette technologie, qui n’utilise qu’une infime fraction de l’espace disponible et ne nécessite aucun système de refroidissement ni aucune maintenance vitale pour les autres supports de stockage, est très prometteuse pour l’archivage et la sauvegarde des données.
Si ces techniques sont en constante amélioration, il faudra également réduire le temps et l’argent nécessaires au décodage de l’information avant qu'elles ne soient commercialisées. Car les scientifiques qui expérimentent le stockage de données sur ADN depuis 2012 ont besoin de 21 heures pour écrire et déchiffrer le mot « hello », un message de tout juste 5 octets! La courbe du progrès n'en reste pas moins constante : en 2001, le séquençage d’un génome humain était évalué à 100 millions de dollars, tandis qu’aujourd’hui, l’opération prend seulement 2 jours et coûte moins de 1 000 dollars.
Le recours à l’ADN pourrait venir révolutionner le stockage des données, et faire disparaître à long terme les datacenters et leur empreinte physique considérable. Dans le futur, il est possible d'imaginer que la somme des connaissances humaines soit un jour conservée sur un support qu’on examinerait au microscope. Ces solutions alternatives devraient prendre de plus en plus de valeur, à mesure que nous générons de plus en plus d’informations et que nous approchons des limites de capacité des technologies de stockage actuelles. Tous les efforts en matière de sauvegarde d’information pourraient être réduits à un simple enregistrement, réalisé une seule fois et qui durerait bien au-delà de la mémoire humaine. La future génération de technologies de stockage de données existe déjà ; il s'agit maintenant d’apprendre à la gérer.
Par Patrick Rohrbasser, Regional VP Southern EMEA et Afrique, Veeam