Il y a quelques semaines, la ville de New Delhi, en Inde, a connu une des pires émeutes de son histoire contemporaine. Pour tenter d’identifier les protagonistes de ces manifestations meurtrières, la police indienne a décidé de recourir à la technologie de l’identification faciale pour retrouver plus de 1100 émeutiers. Selon le ministre indien de l’Intérieur, Amit Shah, le système de reconnaissance faciale utilisé par le département est, entre autres, alimenté par des photos d’identité aux mains du gouvernement, notamment des permis de conduire. Mais l’approche adoptée par les autorités a provoqué certains remous, surtout au niveau des défenseurs des droits comme le groupe Internet Freedom Foundation, basé à New Delhi. La raison en est que la police et le ministère de l’Intérieur utilisent également les numéros dits Aadhaar. Il s’agit de numéros d’identification personnelle des citoyens indiens contenant des données biométriques et démographiques. Selon les estimations, il existe actuellement plus d’un milliard de numéros Aadhaar délivrés aux citoyens. Le programme de mise en place de cette base de données reposait pourtant sur le volontariat de la part des citoyens indiens.
Par ailleurs, l’utilisation même de la technologie de reconnaissance faciale fait polémique, étant donné que l’Inde ne dispose pas de réglementations claires sur cette technologie. Le groupe Internet Freedom Foundation soutient que le système de reconnaissance faciale utilisée par le gouvernement affiche un taux de précision de 1 % lorsqu’il a été utilisé pour identifier des enfants disparus. Le système ne serait même pas capable de distinguer une fille d’un garçon. Selon le groupe, les autorités indiennes d’application de la loi ne devraient pas avoir le droit d’appréhender une personne d’après les résultats affichés par cette technologie.
Toujours est-il que ce n’est pas la première fois que la police indienne a recours à la base de données Aadhaar. Lors d’une manifestation il y a quelques semaines, la police de New Delhi l’a aussi utilisé pour identifier les personnes suspectes. De leur côté, les défenseurs des droits affichent leurs inquiétudes sur le manque de réglementation et les possibles abus liés à la religion. Un simple fait-divers a montré toute l’étendue des débats actuels sur l’utilisation des données biométriques en Inde. En 2013, la police enquêtait sur une affaire de viol sur une jeune fille dans l’État de Goa. Les enquêteurs ont alors demandé à l’agence Unique Identification Authority of India (UIDAI), principal organe de collecte et de gestion des données Aadhaar, de leur remettre l’ensemble des bases de données biométriques pour identifier l’empreinte digitale trouvée sur les lieux du crime. La haute cour de Bombay a confirmé la demande de la police auprès de l’UIDAI. Mais en appel, le tribunal a été forcé de revoir son point de vue. La justice a demandé l’avis du Central Forensic Science Laboratory s’il était possible d’identifier une empreinte digitale à partir de l’Aadhaar. Le tribunal a fini par statuer que les données biométriques ne pouvaient être partagées sans obtenir le consentement de l’individu concerné.
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