Devenir la pierre angulaire des infrastructures IA constitue désormais la priorité stratégique de tout fabricant ou concepteur de microprocesseurs. En 2025, cette bataille s’est accélérée, portée par une explosion sans précédent des besoins en calcul pour l’entraînement et l’inférence des modèles de langage. Face à la saturation des architectures traditionnelles, la montée en puissance d’Arm rebat les cartes d’un marché jusque-là dominé par le duo x86–GPU.
L’année écoulée a consacré une transition majeure : la pression exercée par la croissance du marché IA, tant sur le volume que sur la densité de calcul, force l’industrie à repenser le modèle même du centre de données. Les capacités des fournisseurs historiques, y compris Nvidia et ses GPU, se révèlent insuffisantes pour absorber une demande multipliée par trois selon les projections d’Arm. La combinaison de contraintes énergétiques, de limites logistiques et d’une volonté de souveraineté accélère la recherche de nouveaux équilibres entre architectures CPU, accélérateurs IA et plateformes de gestion convergée.
Les charges générées par l’intelligence artificielle, de l’apprentissage profond à l’inférence généralisée, transforment l’économie même du data center. Selon Arm, le parc mondial de serveurs IA devrait croître de plus de 300 % dans les prochaines années, alimenté par la multiplication des cas d’usage (génération de langage, automatisation cognitive, prédiction industrielle).
La demande de calcul IA explose
Cette dynamique provoque une hausse spectaculaire de la consommation électrique des data centers, qui pourrait, selon certaines projections, tripler d’ici 2030 pour dépasser 1 200 TWh annuels. Confrontés à cette perspective, les opérateurs cloud et les entreprises cherchent des alternatives capables de concilier la performance de calcul, l’efficacité énergétique et l’adaptation à l’échelle hyperscaler. L’adoption de plateformes optimisées pour l’IA, tant au niveau du silicium que de l’architecture système, s’impose ainsi comme une priorité industrielle, technologique et environnementale.
Le marché des centres de données IA suit une trajectoire ascendante, estimé à près de 40 milliards de dollars en 2025, avec un taux de croissance annuel supérieur à 25 % selon Mordor Intelligence. Cette mutation accélérée exige de nouvelles architectures, capables d’absorber la diversité et la complexité des charges IA, tout en maîtrisant les coûts d’exploitation et la consommation énergétique.
Arm atteint un seuil critique d’adoption chez les hyperscalers
L’une des ruptures majeures de 2025 réside dans la progression fulgurante de l’architecture Arm dans les centres de données hyperscale. Le concepteur britannique revendique désormais près de 50 % de la puissance de calcul livrée aux principaux hyperscalers mondiaux, une part en hausse spectaculaire par rapport à 2023. AWS, Google Cloud et Microsoft Azure figurent parmi les adopteurs emblématiques, chacun développant ses propres puces serveur sur base d’Arm Neoverse pour répondre aux contraintes IA, au besoin de modularité et à la maîtrise des coûts énergétiques.
Cette adoption massive s’explique par la capacité d’Arm à proposer une efficacité énergétique supérieure à celle des architectures x86 et à garantir la montée en charge des applications IA dans des environnements virtualisés ou conteneurisés. Selon Arm, plus de la moitié de la nouvelle capacité processeur déployée sur EC2 chez AWS repose désormais sur Graviton, et 98 % des 1 000 plus gros clients EC2 exploitent ce socle en production.
La montée en puissance d’Arm dans le cloud ne relève plus de l’exception, elle traduit un basculement stratégique. Les géants du secteur, confrontés à la pénurie de GPU, à l’augmentation des coûts de refroidissement et à la pression réglementaire, font le choix d’architectures capables de concilier la mise à l’échelle, à la flexibilité logicielle et à optimisation du rapport performance/watt. Le mouvement enclenché paraît irréversible à l’horizon 2030, tant la dynamique de migration vers Arm s’accélère au fil des trimestres.
Le rôle structurant de l’OCP
Au-delà de la simple diffusion de puces, Arm consolide son avance en s’intégrant à l’Open Compute Project (OCP), organe de standardisation reconnu du secteur. Cette démarche lui permet d’influer sur la définition des nouveaux standards d’infrastructures IA. Racks, cartes, accélérateurs et interconnexions sont désormais pensés comme des briques modulaires et interopérables. L’initiative Arm Total Design, qui fédère un écosystème élargi de concepteurs de puces, d’éditeurs et d’intégrateurs, a vu son périmètre tripler en 2025. Elle favorise l’émergence de solutions sur mesure pour le cloud, l’edge ou l’IA embarquée, tout en assurant la compatibilité logicielle. Cette dynamique de modularisation et d’ouverture fragilise la position de fournisseurs historiques centrés sur des architectures propriétaires.
L’élargissement de l’écosystème OCP ouvre la voie à des data centers “convergés”, dans lesquels processeurs, accélérateurs IA, stockage et réseau sont co‑conçus pour maximiser la densité de calcul, réduire la fragmentation matérielle et optimiser l’efficacité opérationnelle. Ce nouveau paradigme séduit également des opérateurs publics ou industriels soucieux de souveraineté, de flexibilité d’intégration et de maîtrise budgétaire, notamment dans les secteurs régulés.
Limites du modèle GPU et essor des architectures IA convergées
Jusqu’ici, la suprématie des GPU, notamment ceux de Nvidia, reposait sur leur capacité à traiter l’entraînement massif des modèles IA. Mais la pénurie persistante de GPU, l’envol des coûts de production et les défis énergétiques et logistiques forcent l’industrie à explorer d’autres voies. Les solutions hybrides, combinant CPU Arm et accélérateurs IA spécialisés, s’imposent comme la nouvelle référence pour conjuguer la puissance brute, à la bande passante mémoire et à l’efficacité énergétique.
La collaboration entre Arm et des acteurs tels que Nvidia, avec des “super‑chips” associant cœurs Neoverse et puces Grace Blackwell, illustre cette convergence. Ces modèles permettent de mutualiser les flux de données, d’accélérer l’entraînement et l’inférence, et d’ajuster dynamiquement la répartition des charges, ce qui répond à la volatilité des besoins IA dans le cloud comme à l’edge.
L’approche du data center convergé, où chaque composant est optimisé pour l’IA, réduit les goulets d’étranglement traditionnels (mémoire, bande passante, consommation) et simplifie l’administration des infrastructures. Pour les opérateurs, cela se traduit par des gains mesurables sur la densité de calcul par rack, la réduction des coûts énergétiques et la flexibilité des déploiements hybrides ou multicloud.
De fait, l’année 2025 marque l’entrée dans une ère de gouvernance ouverte et modulaire des infrastructures IA. La progression d’Arm dans le cloud, l’edge et les centres de données industriels redistribue les cartes du marché CPU, estimé à 14,2 milliards de dollars en 2025 et appelé à doubler d’ici 2034. Pour les entreprises, cette nouvelle donne signifie une réduction de la dépendance dans des architectures fermées, une capacité accrue d’optimisation des coûts et une réponse plus agile aux exigences réglementaires, de souveraineté ou de transition énergétique. Les plateformes IA basées sur Arm ouvrent ainsi des perspectives de migration facilitée, d’homogénéité des environnements et d’intégration rapide de nouvelles fonctionnalités, du cloud à l’edge.























