Une réputation d’entre-soi… qu’il faut dépasser

La verticalisation traîne l’image du “club” ou du “clan” qui tourne en vase clos. Mais s’en tenir à ce cliché, c’est passer à côté de ce que produit une verticalisation bien gouvernée : de la clarté (un langage métier partagé), de la confiance (une conformité intégrée) et du rythme (un déploiement rapide). Les analystes comme le Gartner décrivent désormais les “industry/vertical clouds” comme des plateformes pensées pour un secteur, combinant données, workflows et règles de conformité, précisément là où les solutions génériques atteignent leurs limites.

Ce que les clients y gagnent : lisibilité, confiance, rapidité

Quand un fournisseur parle le bon vocabulaire et fait des démonstrations sur des cas d’usage spécifiques, la valeur devient tangible : on sait où se mesure le gain, quels irritants sont traités, et la mise en production s’accélère grâce à des composants préconfigurés (objets métier, parcours, contrôles réglementaires) propres au secteur. C’est exactement la promesse des “industry clouds” : réduire l’écart entre besoin et déploiement dans des environnements exigeants (finance, santé, secteur public).

Ce que l’éditeur y gagne : impact et discipline produit

Côté éditeur, la verticalisation n’est pas un emballage marketing : elle force à choisir ce qui compte vraiment pour la filière : parcours critiques, intégrations structurantes, indicateurs qui parlent aux décideurs. Les leaders qui ont industrialisé l’approche (Microsoft avec ses clouds par industries, Salesforce avec des objets et workflows “métier”) montrent comment livrer des blueprints sectoriels sans “forker” la plateforme (sans créer une version séparée du produit/code pour un cas particulier).

La méthode pour éviter l'impasse : co-construire puis réintégrer

Le bon enchaînement tient en trois temps : (1) explorer avec les bons interlocuteurs (métier, IT, conformité) pour formuler des exigences concrètes ; (2) prototyper et arbitrer en communauté (focus groups sectoriels) ; (3) industrialiser en “pack secteur” réintégré dans la plateforme standard (paramétrages, intégrations types, exigences réglementaires). Les retours d’expérience montrent que ces communautés accélèrent l’adoption et limitent la dette produit, à condition de garder une gouvernance qui protège la cohérence du core/produit.

Cas banque : mobilité, continuité, traçabilité, puis preuves

Dans la banque, les priorités exprimées sont souvent la joignabilité des conseillers, la continuité omnicanale, la traçabilité réglementaire. Bien traitées, elles produisent des preuves rapidement mobilisables (parcours, contrôles, journaux d’activité), exactement dans l’esprit des industry clouds : raccourcir le time-to-value et sécuriser la conformité.

Passer du “spécifique” au “réplicable” : l’art du pattern

Ce que l’on a nommé “bancaire” s’avère souvent être un pattern (réseaux d’agences, collaborateurs mobiles, interactions mêlant conseil, preuve et suivi). Transposé sans copier-coller, ce schéma parle au commerce de détail ou à l’immobilier : on garde les invariants (parcours, métriques, boucles d’amélioration), on adapte la terminologie et les obligations, et on refuse le mimétisme. Les analystes insistent d’ailleurs sur cette portabilité raisonnée comme clé de création de valeur inter-secteurs.

Organiser la relation client par filières : ventes & CSM verticalisés

Pourquoi sectoriser les équipes commerciales ?

Passer d’une couverture “généraliste” à des pôles par industrie (Account Executive /Sales Executive/Account Manager/CSM alignés sur la même verticale) change la nature des échanges : vocabulaire commun, irritants partagés, contraintes règlementaires et KPI spécifiques. Les cycles se raccourcissent car les équipes arrivent avec des références, des démonstrations et des matrices d’intégrations qui “parlent” au secteur.

De l’expertise “métier” à la performance commerciale

Recruter (ou faire monter en compétence) des profils ayant vécu le métier puis les former à la vente et au succès client réduit le temps d’apprentissage et améliore la pertinence des recommandations. Résultat : des échanges plus crédibles, des cas d’usage mieux “cartographiés”, un panier moyen qui monte.

L’organisation qui tient dans le temps : expertise… et porosité

Pour éviter les silos, il faut penser à l’orchestration avec des leaders sectoriels par département, des chefs de produits garants du thème commun, et des rituels d’échanges croisés. On peut recruter des profils issus des métiers sans figer les trajectoires : la porosité est une exigence de design organisationnel autant que de produit. Les écosystèmes matures (éditeurs, intégrateurs, partenaires) se structurent d’ailleurs eux aussi par verticales, ce qui renforce l’effet réseau, à condition de garder des interfaces et des standards communs.

Rester ouvert

Pour neutraliser l’effet “club” et garder la dynamique, on peut s’engager sur trois grands principes. « Selon Gartner, l’objectif n’est pas d’isoler : c’est d’assembler des capacités prêtes à l’emploi, personnalisables et composables, pour faire gagner du temps sans renoncer à la différenciation. »

  1. Transposabilité déclarée : chaque pack secteur publie ce qui est invariant, adaptable ou non-transférable ;
  2. Regard croisé régulier : chaque communauté métier invite un pair d’un autre secteur pour challenger ;
  3. Plateforme-centrée : tout ajout sectoriel doit soit entrer au core, soit assumer pourquoi il n’y entre pas (et pour combien de temps).

Ces garde-fous alignent la verticalisation avec sa finalité : mieux servir un métier aujourd’hui, irriguer d’autres métiers demain. Et c’est précisément ce que décrivent les cadres analystes récents : une spécialisation qui accélère la valeur sans cloisonner l’innovation.

Par Jean Pierre Moneyrac, Manager, Strategic Marketing & Partnerships.

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