Les décideurs français affichent une confiance élevée dans leur capacité à faire face aux cybermenaces, mais les données recueillies par Cohesity dessinent une réalité bien plus préoccupante. Ce décalage, que certains analystes n’hésitent pas à qualifier de méthode Coué numérique, révèle une fracture inquiétante de la cyber-résilience nationale, exacerbée par les défis de l’intelligence artificielle générative.
Le premier baromètre mondial de la cyber-résilience publié par Cohesity dresse un constat troublant pour la France. Fondé sur les réponses de 3200 décideurs IT et sécurité dans 11 pays, le rapport met en lumière un double déséquilibre : une surévaluation de la maturité des dispositifs défensifs et une adoption précipitée de l’IA générative, rarement accompagnée des garde-fous nécessaires. Loin de refléter une solidité stratégique, cette confiance de façade pourrait accentuer les vulnérabilités, notamment financières et opérationnelles, des entreprises françaises face à des menaces de plus en plus insidieuses.
En France, 76 % des organisations déclarent avoir subi une cyberattaque majeure. Mais au-delà de cette fréquence élevée, l’étude met en évidence des répercussions financières directes, souvent sous-estimées dans les discours publics. Ainsi, 83 % des entreprises cotées affirment avoir dû réviser leurs prévisions de bénéfices après une attaque, un taux supérieur à la moyenne mondiale (70 %). Le cours de l’action a été affecté dans plus de sept cas sur dix, et 65 % des entreprises privées ont déporté des budgets initialement prévus pour l’innovation vers la remédiation et la reprise d’activité.
Une confiance affichée en décalage avec les capacités réelles
Ces réalignements illustrent une vulnérabilité systémique : dès lors qu’une attaque survient, la performance financière elle-même est compromise. Comme le souligne Olivier Savornin, Vice-Président Europe chez Cohesity, « la cyber-résilience devient un enjeu de survie stratégique, et non plus un simple sujet technologique. » La généralisation des coûts cachés — juridiques, réglementaires, réputationnels — montre à quel point l’impact d’une attaque déborde le cadre de la DSI pour atteindre le cœur des décisions économiques.
Près de la moitié (47 %) des décideurs français interrogés se déclarent pleinement confiants dans la solidité de leur stratégie de résilience. Ce chiffre surprend au regard des indicateurs objectifs de préparation, de réponse et de récupération. Il traduit ce que l’on pourrait appeler une méthode Coué de la cybersécurité, où la conviction déclarée remplace l’évaluation rigoureuse des dispositifs en place.
Cette posture présente un double danger : elle décourage l’investissement dans des outils avancés de restauration, et elle crée un faux sentiment de sécurité qui ralentit la mise en œuvre de plans de continuité robustes. Selon Cohesity, ce biais de perception constitue l’un des principaux obstacles à une résilience effective, notamment dans les chaînes critiques d’approvisionnement numérique ou les secteurs réglementés.
Un rapport ambivalent au paiement de rançon
Le montant moyen de rançon payé par les entreprises françaises au cours des douze derniers mois s’élève à 1,23 million de dollars, légèrement en dessous de la moyenne mondiale. Et seules 75 % d’entre elles ont cédé à la pression des cybercriminels, contre 82 % à l’échelle globale. Cette relative retenue pourrait traduire une meilleure préparation… ou une impossibilité à satisfaire les demandes en raison d’un manque d’accès aux données compromises.
Dans tous les cas, la faible transparence autour des attaques rend l’interprétation de ces chiffres délicate. L’étude rappelle que peu d’entreprises osent communiquer publiquement sur les conséquences financières réelles d’une attaque, alors même que les répondants reconnaissent massivement l’impact profond de ces incidents sur leur stratégie. Cette opacité renforce le décalage entre image projetée et état réel des capacités de réponse.
L’IA générative, catalyseur de vulnérabilités mal anticipées
Si l’IA générative est vue comme un levier d’innovation, elle agit aussi comme un accélérateur de risque. En France, 79 % des organisations estiment que le rythme d’adoption de l’IA dépasse leur capacité à en maîtriser les effets. Ce constat, partagé à l’échelle mondiale, révèle une forme de fuite en avant technologique. Les outils se déploient, les cas d’usage se multiplient, mais les garde-fous peinent à suivre.
Or, dans un contexte où la manipulation des sauvegardes, la compromission des métadonnées ou l’exploitation algorithmique des vulnérabilités deviennent monnaie courante, l’absence de dispositifs spécifiques à l’IA fragilise encore davantage l’écosystème défensif. Comme le résume Olivier Savornin, « la résilience ne se mesure plus à la robustesse du périmètre, mais à la capacité de restaurer l’intégrité et la confiance après coup. »
Repenser la résilience comme actif stratégique
Pour combler le fossé entre assurance affichée et réalité opérationnelle, Cohesity plaide pour une approche intégrée de la résilience, ancrée dans le modèle Zero Trust et portée par l’automatisation. L’entreprise met en avant une plateforme unifiée capable de détecter, répondre et restaurer avec cohérence, tout en assurant la traçabilité et la validation des données critiques. Mais cette vision suppose un changement de culture, où l’humilité face aux risques l’emporte sur la simple démonstration de conformité.
Le baromètre agit ici comme un miroir tendu à la filière française. Il interroge la sincérité des stratégies de défense, la lucidité des diagnostics internes et la gouvernance de l’innovation numérique. En filigrane, il pose une question fondamentale : à trop croire en leur résilience, les entreprises françaises ne risquent-elles pas de relâcher l’effort au moment même où la menace évolue le plus vite ? Rompre avec cette méthode Coué pourrait bien être la première étape vers une cyber-résilience authentique.





































