EDF externalise l’hébergement de ses données critiques vers des infrastructures qualifiées SecNumCloud, opérées par deux prestataires français, Bleu et S3NS. Ce choix marque une étape structurante dans sa stratégie de souveraineté numérique et de transformation industrielle.
Avec l’accélération de la digitalisation de ses opérations notamment dans le secteur nucléaire, EDF considère qu’il est désormais essentiel de disposer d’une infrastructure d’hébergement et de traitement des données répondant à des normes élevées de sécurité et de localisation. Le choix du « cloud de confiance » certifié ANSSI (qualification SecNumCloud 3.2) témoigne de cette volonté d’alignement sur les contraintes européennes et nationales.
Le groupe EDF possède déjà un « cloud privé » hébergeant près de 80 % de ses données dans ses propres datacenters. Le nouveau dispositif de « cloud de confiance » vient en complément et sera dédié à des données plus sensibles ou stratégiques, hébergées via Bleu et S3NS. L’ANSSI valide la qualification SecNumCloud 3.2 qui garantit que les données sont hébergées sur le territoire européen et administrées par des entités de droit européen, échappant ainsi à toute législation extra‑européenne.
Impact marché et positionnement des fournisseurs français
Ce projet procède d’une logique de renforcement des chaînes de valeur critiques, avec un double objectif : accélérer la performance industrielle et maîtriser les risques liés à l’architecture cloud (localisation, dépendance, conformité). Selon la directrice exécutive chargée de la transformation et de l’efficacité opérationnelle chez EDF, Véronique Lacour, « nous construisons une filière nucléaire plus agile, plus sûre et plus souveraine ».
Le choix de Bleu et S3NS illustre une montée en visibilité des fournisseurs français d’hébergement souverain, dans un segment de marché jusqu’ici largement dominé par les hyperscalers internationaux. En sélectionnant ces deux acteurs, EDF adresse plusieurs enjeux : le besoin de conformité (RGPD, cadre européen), la localisation des données sensibles, et la réduction de la dépendance aux plateformes non européennes.
Le fait que ces solutions entrent dans le champ de la qualification SecNumCloud renforce leur crédibilité et leur attractivité dans les marchés publics ou segment sensibles. Pour Bleu et S3NS, il s’agit d’une entrée stratégique dans un cycle d’investissements accru, face à une concurrence encore peu nombreuse mais déjà engagée (voir d’autres acteurs de cloud souverain). En résumé le projet génère un effet de levier pour le développement du segment « cloud souverain » en France, et potentiellement en Europe.
Enjeux industriels et opérationnels pour EDF
Du point de vue d’EDF, la mise en œuvre d’un « cloud de confiance » permet d’aborder plusieurs chantiers de digitalisation : augmentation du volume de données à traiter (relance du nucléaire mentionnée), hybridation des infrastructures (datacenters internes, cloud privé, cloud souverain), et exploitation accrue des données pour la performance opérationnelle. Sur le plan gouvernance, la nouvelle infrastructure s’ajoute à un écosystème hérité, il conviendra de piloter la cohérence entre environnements, d’assurer l’interopérabilité, de gérer la migration ou l’archivage des systèmes hérités. Le modèle hybride retenu distingue l’hébergement selon le niveau de sensibilité des données, ce qui impose un cadre de classification et de gouvernance robuste.
Même si la qualification SecNumCloud apporte un gage de confiance, le passage à un « cloud de confiance » pose des défis. Parmi ceux‑ci la montée en charge des fournisseurs français pour répondre à des besoins à l’échelle d’EDF (volume, performance, résilience). Il reste à clarifier comment seront gérés les aspects multicloud, l’interconnexion avec le cloud privé d’EDF, et la coexistence avec les plateformes internationales.
Sur le plan métier, l’initiative pourrait se traduire par un gain de productivité : en libérant l’usage des données industrielles sensibles dans un cadre sécurisé et souverain, EDF peut intensifier l’analyse de performance, anticiper les maintenances, optimiser les actifs. En matière de coût elle peut bénéficier d’un effet d’échelle partagé avec les deux fournisseurs français et potentiellement d’une meilleure visibilité sur les coûts liés à l’hébergement. En matière de sécurité elle renforce sa posture face aux risques géopolitiques et aux exigences règlementaires croissantes.

























































